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  • Les Français et l’image de la recherche scientifique

  • Si tous les interrogés reconnaissent la forte visibilité des sciences et du travail des chercheurs en cette période, des divergences d’appréciation persistent. Les uns estiment que la pandémie va renforcer l’estime et la confiance de la communauté scientifique en termes de mobilisation de ressources et de production de données. Les autres, quant à eux, mesurent la difficulté des chercheurs à parler d’une même voix et le degré d’incertitude des recherches qui peut, à terme, fragiliser la confiance du public face à la communauté scientifique.

    La crise n’a pas changé le regard sur la science. La conclusion la plus encourageante de cette enquête révèle la stabilité des attitudes face à la communauté scientifique. La crise de la Covid-19 n’a eu aucun impact sur la confiance à l’égard de la science, 77% des interrogés affirmant n’avoir ni plus ni moins confiance dans la science. Une conclusion rassurante pour ceux qui craignaient une plus grande défiance à l’égard de cette dernière, mais décevante pour ceux qui espéraient que la mise en lumière de ces scientifiques aurait généré une plus grande attention à leur égard. A regarder de plus près la part des personnes ayant modifié positivement leur regard sur les sciences, l’on observe que les jeunes manifestent un regain de confiance par rapport à la communauté scientifique. Et ce malgré leur forte consommation de réseaux sociaux, lesquels fourmillent de documents plus ou moins contradictoires et parfois même douteux. Aussi la crise de la Covid-19 a-t-elle mis en exergue la capacité de la science à offrir un cadre structurant et surtout à pouvoir faire émerger des vocations scientifiques chez les plus jeunes.

    La tension entre la recherche et son usage. Néanmoins, et c’est notable dans toutes les études menées depuis une cinquantaine d’années, on observe une contradiction entre la confiance accordée à la communauté scientifique et les usages des découvertes, que beaucoup considèrent qu’elles viennent servir les intérêts de l’industrie pharmaceutique. A cet égard, les chiffres sont sans appel : 86% des personnes interrogées estiment que les chercheurs travaillent pour le bien de l’humanité, pendant que 73% jugent que le fruit de leur travail est mis au service de l’industrie. Cette ambivalence est bien ancrée au sein de la population, et s’observe particulièrement chez les personnes marquées aux extrêmes politiques, tant à droite qu’à gauche. Ce qui confirme, si besoin était, qu’un travail de longue haleine doit être mené pour lever cette ambiguïté dans le rapport communauté scientifique/industriels afin de mettre en valeur l’indépendance des experts.

    Un régime d’exception qui perdure. Dernier enseignement de l’enquête, la polarisation du débat qui oppose l’éthique du traitement au respect des règles imposées par la communauté scientifique. Plus concrètement, la crise de la Covid-19 a fait s’exprimer bon nombre d’acteurs scientifiques, extra-scientifiques voire politiques sur des résultats d’observation non homologués, ce qui soulève de réelles difficultés. Trop d’études préliminaires sont lancées avant que ne démarrent les expérimentations, ce qui revient à confier l’évaluation par des pairs à des journalistes. Pour évaluer cette ambivalence, le questionnaire proposait de trancher entre deux opinions : la première, selon laquelle les médecins doivent attendre les résultats des essais scientifiques pour prescrire un médicament susceptible de combattre le virus ; et la seconde, qui pose que les médecins peuvent prescrire des médicaments susceptibles de guérir le virus alors que ceux-ci n’ont pas fait la preuve de leur efficacité scientifique. Si la première proposition recueille 57% des voix, la seconde rassemble 42% d’approbation, révélant le régime d’exception dont bénéficie la science…

    Frédérique Guénot

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