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  • Usages et mésusages des écrans…

  • Nous n’avons jamais autant communiqué… mais nous n’avons jamais été aussi seuls. Si les réseaux sociaux permettent d’entretenir un lien avec le monde, ils nous coupent de celui-ci. À devenir virtuelles, les relations ne sont plus basées sur l’humain mais sur la technologie. D’où un profond sentiment de solitude chez les personnes surfant en permanence sur ces réseaux. Ils en viennent à se désintéresser de tout ce qui les entoure, se mettant eux-mêmes en danger. C’est là où apparaît le risque de désocialisation, lequel contribue à augmenter le risque dépressif.

    Outre cet aspect social, l’usage excessif des écrans peut avoir un impact sur la santé mentale. La surconsommation de ces derniers peut générer un sentiment de culpabilité, tout comme un éloignement de ceux-ci peut engendrer de la tristesse, l’individu se sentant isolé de ses relations virtuelles. Il peut alors devenir agressif et n’a d’autres choix que de retourner à ses écrans, nourrissant un peu plus sa culpabilité. Les impacts ne s’arrêtent pas là, l’usage intensif de smartphones et autres tablettes accroît le niveau de stress et les troubles de l’humeur. Ensuite, de nombreuses études révèlent que l’usage des écrans modifie le fonctionnement de notre cerveau. Selon le Pr Pierre-Marie Lledo1, ces risques sont de trois ordres : une phase du développement du cerveau des jeunes enfants nécessite une expérience sensorielle. Si cette étape n’est pas respectée, le cerveau de l’enfant n’est pas stimulé et il sera difficile de combler ce manque. C’est particulièrement vrai au niveau visuel, les yeux devant « travailler » pour élargir le champ visuel. Ensuite, la consommation de jeux sur écran peut réduire le cerveau empathique (condition du réveil vers les émotions et les besoins d’autrui), les jeux de violence n’encourageant pas à développer cette capacité. Sur le cerveau adulte, la consommation excessive d’écrans empêche l’individu de se concentrer pleinement sur une tâche et, à terme, altère la santé mentale. Autre incidence, le développement d’une attention réactive, due aux sollicitations permanentes de l’écran parallèlement à une baisse de l’attention introspective. Enfin, le cerveau social est moins développé compte tenu de la limitation des interactions sociales et de l’isolement progressif du sujet.

    TMS, risques cardiovasculaires, altération du sommeil…

    Sur la santé ensuite, les conséquences sont multiples : les mauvaises postures devant un écran peuvent déclencher des troubles musculosquelettiques affectant le dos, la nuque et les poignets. De même, rester trop longtemps devant un écran peut entraîner hausse ou perte de poids : les individus ne prennent pas le temps de se nourrir correctement, ou au contraire, grignotent à longueur de journée. Des études menées ont démontré la prise de poids des individus ayant pour habitude de s’endormir devant la télévision, en raison de la lumière artificielle qui altère différents processus biologiques et augmente le risque d’obésité. La consommation excessive d’écrans entraîne également une baisse de l’activité physique, qui, cumulée à une alimentation déséquilibrée, augmente les risques cardiovasculaires. Par ailleurs, l’usage intensif d’écrans réduit le sommeil puisque la lumière bleue de ceux-ci bloque l’hormone du sommeil et la production de mélatonine. A ce titre, Jean-François Toussaint, professeur de physiologie et directeur de l’Irmes2, révèle que « depuis 2017, la durée moyenne de nos nuits est passée sous la barre symbolique des 7 heures ». Un phénomène dû à l’évolution de nos modes de vie, mais aussi à l’utilisation des écrans. Selon l’enquête INVS/MGEN «Mode de vie et sommeil » réalisée en 2019, 44% des Français surfent sur internet et les réseaux ou regardent la télévision avant de dormir, habitude qui favorise le risque de som­nolence durant la journée.

    Dernière conséquence, l’inconfort, voire la douleur sur le plan visuel. L’ANSES3 a publié en 2019 un document démontrant l’impact de la lumière bleue. Ses courtes ondes ont pour conséquence directe des effets photo-toxiques et, sur le long terme, des incidences sur le risque de DMLA. Par ailleurs, les yeux des jeunes enfants ne filtrent pas complètement la lumière bleue et il est conseillé de ne pas les surexposer. En théorie, il ne faudrait pas plus d’une heure d’exposition par jour pour un enfant de 6 ans, deux heures à l’âge de 12 ans et pas plus de 3 heures pour les jeunes de 20 ans... À regarder les applis donnant le temps de consommation d’écrans, nous sommes, semble-til, bien loin du compte…

    Frédérique Guénot

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