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  • «La pire crise de santé mentale depuis des décennies»

  • « Le smartphone est devenu une sorte de e-doudou rassurant. (…) Même sans souffrir d’une réelle dépendance, les personnes ne s’en séparent pas. » Tel est le constat de Dr Laurent Karila, psychiatre, addictologue et porte-parole de l’association SOS Addictions. Or, sur ces smartphones, jeux vidéo et réseaux sociaux sont consultés en permanence.

    Un premier pas a été fait en mai dernier, lorsque l’OMS a voté l’entrée du « gaming disorder » (ou trouble du jeu vidéo) dans la classification internationale des maladies, au même titre que l’addiction aux jeux d’argent ou la dépendance à la drogue. Le gaming disorder est défini comme un comportement lié à la pratique excessive de jeux numériques ou vidéo au point que celle-ci prend le pas sur d’autres activités. Mais pour que le trouble soit diagnostiqué comme tel, le comportement doit être d’une sévérité suffisante, entraîner une altération des autres activités et se manifester sur une période d’au moins 12 mois. A noter que la décision de l’OMS a suscité des réticences au sein de l’industrie du jeu vidéo comme de la communauté scientifique. En effet, une étude publiée en 2018, réalisée par la division média et technologie de l’Association américaine de psychologie regrettait que «la base de recherche actuelle ne soit suffisante pour caractériser ce trouble et qu’il soit davantage le résultat d’une panique morale que d’une bonne science».

    Autre sujet d’inquiétude, les réseaux sociaux. Jean Twenge, professeur en psychologie à l’université de Chicago, a ainsi étudié les différences de santé mentale entre générations depuis 25 ans. Elle a constaté que les courbes de plusieurs paramètres s’effondrent depuis 2012. En témoigne la baisse des rencontres entre jeunes ou encore la proportion de lycéens possédant un permis de conduire… Dans le même temps, elle a observé que le pourcentage d’adolescents dépressifs, déclarant se sentir seuls et commettant des tentatives de suicide, a augmenté dans des proportions inquiétantes. Dans son ouvrage « Igen », surnom donnée à la génération née entre 1995 et 2012, elle révèle que cette population souffre de «la pire crise de santé mentale depuis des décennies ». En cause, les smartphones qui encouragent à se renfermer sur soi et à souffrir de la comparaison entre pairs qui mettent en scène leur quotidien. Malheureusement, la corrélation entre trouble dépressif et temps passé sur les réseaux sociaux est difficile à établir. Néanmoins, des chercheurs commencent à pouvoir affirmer que les réseaux sociaux ont un effet sur le cerveau proche de certaines substances addictives. Car l’usage de Facebook peut être associé à des récompenses associées au nombre de likes et au degré de popularité sur les réseaux, venant inciter à rester sur ce réseau des heures durant. Si Facebook est longtemps resté silencieux sur ce sujet, il a fini par mener une étude pour comprendre son impact. Les conclusions ont révélé que l’outil était neutre, sous condition d’une bonne utilisation. Reste que 75% des enfants de ces génies de la tech sont inscrits dans des écoles qui ont banni les réseaux sociaux de leurs enseignements… pour leur préférer les livres.

    F.G.

     

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