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  • Attention, les enfants regardent…

  • Parfois dépassés par les contraintes de leurs vies, certains parents avouent laisser leur progéniture face aux écrans… Certes, l’évolution numérique ouvre de formidables opportunités mais elle n’est pas sans dangers sur la santé, le bien-être et l’avenir des enfants. Aussi il importe de savoir déterminer rapidement si l’enfant est dépendant des écrans. Il suffit pour ce faire d’observer le nombre d’heures passées devant ordinateur, tablette, console, télé. Si ce nombre dépasse trois heures par jour et si l’enfant se renferme et néglige ses amis…, il y a danger ! Surtout si ses centres d’intérêt se réduisent aux écrans. Et s’il est incapable d’éteindre son appareil ou de se déconnecter plusieurs jours d’affilée, là encore, il faut réagir. Car si les écrans ne sont pas mauvais par nature, leur usage peut s’avérer délétère. Une trop forte exposition aux écrans peut altérer le développement cérébral des plus jeunes enfants, ralentir leurs capacités d’apprentissage et impacter le développement de leur cerveau. Ils peuvent ainsi souffrir d’un retard de langage et de troubles psychomoteurs. Une récente étude menée par des chercheurs américains et canadiens a d’ailleurs démontré le lien entre la surconsommation d’écrans et la baisse des performances scolaires. Pire, elle réduit leur autonomie et complique leur intégration sociale, les enfants surconsommateurs d’écrans pouvant se mettre involontairement à l’écart des autres. Moins studieux à l’école, ils affichent de moindres performances en mathématiques et bien évidemment en sport, leurs capacités motrices n’étant que rarement sollicitées. Ces enfants sont également moins persévérants et ont une moindre capacité de concentration, phénomène également vérifiable chez les adultes ayant les yeux rivés en permanence sur des écrans.

     

    La règle des «3-6-9-12»

    Par ailleurs, une enquête menée par le Public Health England1 révèle l’impact de ces écrans sur le bien-être et l’équilibre des enfants, ces derniers étant moins heureux et plus anxieux que les autres. Autre corollaire de l’utilisation intensive des écrans, des problèmes émotionnels et d’estime de soi, qui ne sont pas sans incidence sur le développement psychologique de l’enfant. Bien sûr, ce temps passé devant les écrans réduit d’autant celui consacré à des activités récréatives avec des camarades, avec, finalement, un risque d’isolement réel. En outre, le temps passé devant les contenus violents rend les enfants agressifs. Enfin, l’écran favorise autant l’immobilisme que le grignotage, réduisant par là même l’activité physique et favorisant la prise de poids.

    Pour autant, la situation n’est pas irréversible et il importe de bien comprendre la différence entre l’usage abusif et l’addiction, qui est l’aboutissement d’un long processus. C’est pourquoi il est indispensable de fixer un cadre, comme le propose le psychiatre Serge Tisseron avec sa règle dite des « 3-6-9-12 » laquelle a été relayée par l’Association française de pédiatrie ambulatoire. Avant 3 ans, pas d’écrans, l’enfant ayant besoin de construire ses repères spatiaux et temporels à travers les histoires qui lui sont racontées. Des tablettes tactiles peuvent néanmoins être utilisées dès deux ans et demi de façon exceptionnelle dans le cadre de jeux et en présence des parents. De 3 à 8 ans, il s’agit de privilégier des programmes adaptés sur un temps limité et favoriser les sessions courtes de visionnage, établies à 40 minutes par jour. À cet âge, l’enfant apprend à développer son imagination à travers des activités manuelles, créatives et des jeux sans écran. Avant 9 ans, il ne faut pas que l’enfant consulte internet seul. La présence d’un parent est indispensable afin d’éviter les dangers et comprendre les règles du web, tels le droit à l’image, l’e-réputation, les fausses informations... Il s’agit d’accompagner du mieux possible l’enfant dans la découverte des écrans. À partir de 12 ans, l’enfant est en mesure de consulter internet seul à condition qu’il ait bien intégré les risques liés à cette pratique.

    Par ailleurs, il n’est pas inutile de définir des horaires de navigation, d’installer un contrôle parental sur l’écran... Tout en informant l’enfant des dangers de la pornographie et du cyberharcèlement, mais aussi en expliquant les lois sur le téléchargement. Il ne faut pas oublier de lui apprendre la signalétique PEGI2, qui attribue à chaque jeu un âge spécifique. Enfin, et c’est malheureusement une règle peu respectée, Serge Tisseron recommande de ne pas le laisser s’inscrire sur un réseau social, où les dérives sont toujours plus nombreuses. Et, si à partir du collège, l’enfant peut posséder un téléphone, il est recommandé de le cantonner à un forfait bloqué. Instituer des modes de consommation d’écrans afin d’en avoir une utilisation raisonnée peut être une bonne solution. Quoi qu’il en soit, il importe de rester vigilant pour éviter que la surconsommation d’écrans pendant l’enfance ne devienne pathologique à l’âge adulte.

    Frédérique Guénot

     

    1.      Etude menée auprès de 42 000 jeunes âgés de 8 à 15 ans. 2. Pan European Game Information.

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