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  • L’apport capital de la Biotech dans l’innovation thérapeutique en Oncologie

  • Dr Eric Quéméneur

     

    Pour que les innovations permises par l’intelligence artificielle dans tous les chaînons du secteur de la santé bénéficient au patient, il faut s’assurer que les données collectées sont utiles, utilisables et utilisées, analyse Éric Quéméneur, directeur scientifique de la société Transgene, représentant de France Biotech dans la « filière Intelligence Artificielle et cancer » (FIAC)

     

    TLM : Quel dénominateur commun entre les sociétés ayant intégré France Biotech ?

    Eric Quéméneur : France Biotech est une association de près de 230 sociétés qui opèrent dans les différents domaines des biotechnologies, du dispositif médical ou du numérique en santé. Bien qu’issus d’environnements distincts, nous avons en commun de croire en l’innovation technologique au service du patient et de maîtriser le passage rapide de l’idée à l’application concrète. Pour le thème dont nous discutons aujourd’hui, l’innovation se trouve à l’interface entre sciences du médicament, sciences des données et ingénierie. Des projets communs permettront d’exprimer et démontrer nos synergies.

     

    TLM : Quelles sont les perspectives ouvertes par l’intelligence artificielle (IA) en cancérologie ?

    Eric Quéméneur : L’IA est porteuse d’innovations majeures dans tous les secteurs de la santé et tout au long du parcours patient, du diagnostic au pronostic, partout où il y a des données massives. Je me focaliserai plus particulièrement sur l’apport de l’intelligence artificielle dans l’innovation thérapeutique en oncologie. Dans les phases amont de décou­verte/conception du médicament, elle est déjà très implantée, permettant d’exploiter les données de la littérature biomédicale et les données expérimentales massives générées par les approches à haut débit ou à fort contenu informationnel. En génomique, tout en analyses d’images radiographiques ou pathologiques, l’IA diffuse rapidement dans les pratiques médicales courantes. En tant qu’entreprise développant des immunothérapies innovantes, nous utilisons déjà l’apprentissage machine dans l’un de nos produit, un vaccin anti-tumoral personnalisé dérivé du mutanome de chaque patient. L’IA améliorera l’efficacité opérationnelle des essais cliniques, aidant à la sélection des patients, à la prédiction des effets et à l’analyse des résultats biologiques. On imagine aussi de l’utiliser dans des approches de modélisation via des avatars numériques ; des essais cliniques virtuels en quelque sorte. Le couplage avec les capteurs et les objets connectés ouvre des perspectives intéressantes pour le monitoring au domicile ou dans le maintien de la motivation des patients. A l’heure de l’oncologie de précision, et de la « Médecine 4P » (Préventive, Prédictive, Personnalisée et Participative), l’IA sera incontournable. Mais pour que ces innovations bénéficient au patient, il faudra combler le fossé qui s’est creusé entre technologues et praticiens.

    En fait, les données médicales sont au cœur du sujet, l’association de tous les acteurs dans leur collecte permettra de définir des solutions adaptées aux besoins. Je résumerais les enjeux par une formule simple : nous voulons des données utiles, utilisables et utilisées. Pour démontrer leur utilité et en tester la valeur prédictive, mettons-les à l’épreuve de l’usage, par exemple dans le cadre de modèles expérimentaux ou d’essais cliniques. Le fait qu’elles soient utilisables dépendra de leur qualité (reproductibilité, fiabilité) et de leur format (interopérabilité). Enfin, leur utilisation à grande échelle sera la voie vers la validation des méthodes par les Autorités de santé, puis l’adoption par les communautés médicales.

     

    TLM : On ne serait donc plus à l’ère des perspectives et des promesses ?

    Eric Quéméneur : Je crois que nous avons effectivement dépassé l’époque des promesses et que nous sommes au moment passionnant des démonstrations concrètes. Pendant les vingt dernières années, les premières versions des bases de données, des logiciels de recueil et stockage sécurisé de données se sont mis en en place. Il est temps d’en évaluer la manœuvrabilité et la valeur ajoutée. Des prototypes, des projets pilotes vont permettre de tester la solidité des acquis et de déceler les manques. Ce retour d’expérience guidera collecte et analyse de données moléculaires, cliniques ou de vie réelle sur des segments utiles.

    La Filière Intelligence Artificielle et Cancer (FIAC) qui s’est mise en place propose précisément de travailler sur ce couplage entre technologies, données (publiques et privées), et besoins de santé, et tout ça dans l’écosystème français d’innovation thérapeutique. Cet effort collectif nous demandera des modes de collaboration nouveaux, entre opérateurs privés et publics, entre entreprises du médicament et du numérique. Je suis confiant, les projets qui se dessinent vont nous permettre de développer des prototypes concrets à partir desquels nous pourrons définir les langages communs, les bonnes pratiques, les standards. On vit un moment d’accélération pour l’IA en cancérologie. Je suis heureux de voir l’ensemble des acteurs de l’innovation s’y engager activement. Mon mot de la fin sera pour vos lecteurs : on compte sur vous, et la formation sera clef pour créer in fine la valeur ajoutée attendue pour le patient.

    Propos recueillis par Bernard Maruani

     

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