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  • Le scandale de l’affaire Wakefield

  • Publiée en 1998 par le chercheur anglais Andrew Wakefield dans «The Lancet », une étude tronquée révélait un lien de causalité entre vaccin ROR et syndrome autistique. En dépit d’une mise en cause immédiate et la publication de nombreuses études contraires, l’information entraînera une baisse de la vaccination et une vingtaine de décès, rien qu’en France…

    Lien entre vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et l’autisme… : les fake news concernant la santé publique ne manquent pas, remettant en cause à la fois les traitements, la recherche mais aussi le rôle du médecin et de l’institution sanitaire publique. Les praticiens peuvent ainsi être les victimes de ces fausses informations alors même qu’ils sont les acteurs du combat contre ces dernières, se posant comme les « ambassadeurs de la science et du rationnel » face à la pensée magique et au retour d’un certain obscurantisme, comme le rappelait le ministre de la santé Agnès Buzyn lors de ses vœux à l’Ordre des médecins en janvier 2018.

     

    UNE ETUDE FALSIFIEE REPRISE PAR LES MEDIAS DU MONDE ENTIER…

    Car certaines continuent de se propager des années plus tard. C’est le cas de l’affaire Wakefield, qui a agité la Toile dans les années 90. Chercheur et médecin anglais, Andrew Wakefield a publié en 1998 dans la revue scientifique de référence The Lancet une étude révélant un lien de causalité entre inoculation du vaccin ROR et syndrome autistique. L’étude fut reprise dans les médias du monde entier, entraînant un mouvement de défiance face à ce vaccin ainsi qu’une baisse significative de la couverture vaccinale chez les enfants en âge de le recevoir. Les cas de rougeole ont dans la foulée connu une forte augmentation. La France a, à son tour, connu une épidémie de rougeole qui a atteint plus de 25 000 personnes entre 2008 et 2015, provoquant plus de 5 000 hospitalisations et une vingtaine de décès. Et ce alors que la maladie avait presque disparu.

    La communauté scientifique n’a pas manqué de réagir en révélant les incohérences et les manquements de cette étude. Dès 2004, une enquête du Sunday Times rapporte que ces travaux ont été falsifiés, révélant au passage l’existence de liens d’intérêts non décelés entre Wakefield et une organisation d’avocats anti-vaccination, sponsors de l’étude. Après les biais méthodologiques, ont également été mis au jour la falsification de certains éléments, ainsi que des liens d’intérêts entre ce médecin chercheur et les avocats de parents d’autistes qui poursuivaient des laboratoires pharmaceutiques. Mieux encore, le journal révélait que Wakefield s’apprêtait à lancer une société pour commercialiser un test permettant de détecter une maladie imaginaire. L’étude fut ainsi rapidement remise en cause. Mais il a fallu attendre 2010 pour que l’Ordre des médecins britanniques rende ses conclusions, confirmant les fraudes intentionnelles de l’auteur, qui fut radié de l’Ordre et interdit d’exercice au Royaume-Uni. Celui-ci s’est ensuite exilé aux Etats-Unis où il s’est empressé de soutenir Donald Trump, réputé pour être un militant anti-vaccin… Cette affaire a marqué les chercheurs car elle est pour beaucoup dans la contestation d’un acquis scientifique qu’on pensait solidement établi. Si The Lancet a retiré cette publication, l’article de Wakefield a alimenté un puissant mouvement anti-vaccin qui persiste encore aujourd’hui. Depuis l’étude de Wakefield, des scientifiques ont multiplié des études afin d’explorer l’hypothétique lien entre vaccin ROR et autisme. Toutes les études réalisées s’accordent à reconnaître que la survenue d’un trouble autistique après un vaccin ROR est une coïncidence. En 2002, une étude danoise, menée auprès de 537 303 enfants et publiée dans le journal The New England Journal of Medicine, révélait qu’il n’existe aucune association entre le vaccin ROR et l’autisme. De même, en 2015, une étude américaine, réalisée auprès de 95 727 enfants ayant un aîné présentant un trouble autistique a confirmé l’absence de lien entre vaccin et maladie chez des sujets déjà exposés à un risque élevé. Début mars 2019 enfin, une étude d’Anders Hviid, chercheur danois et co-auteur de deux études sur vaccin ROR et autisme publiée dans les Annals of Internal Medicine et menée auprès de de 657 461 enfants a confirmé l’absence de lien. Aujourd’hui, il y a suffisamment d’éléments solides pour affirmer que la vaccination ROR n’entraîne pas de syndrome autistique.

    Mais la méfiance envers les vaccins n’est pas spécifique au vaccin ROR, comme en témoigne une autre campagne de fausse information, indiquant un lien supposé entre vaccin contre hépatite B et sclérose en plaques. Si la littérature scientifique n’a jamais mis ce lien en évidence, les répercussions ont été immédiates et le vaccin a longtemps été boudé par une partie de la population. Enfin, des campagnes de vaccinations mal conduites, comme ce fut le cas pour la grippe H1N1, ont contribué à la décrédibilisation des vaccins, pourtant essentiels à la protection des populations.

    Il revient alors aux médecins de déclarer tous les effets indésirables graves et/ou inattendus liés à la vaccination. Là encore, tout est affaire d’information et de dialogue entre médecin et patient, appuyé par des études indépendantes et fiables.

    Frédérique Guénot

     

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