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  • Des enjeux de souveraineté culturelle et technologique

  • Le 14 février dernier, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, la ministre de la Culture ainsi que le secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques ont demandé un rapport sur le domaine. Ce dernier doit servir de base à la construction d’une doctrine pertinente et cohérente pour construire une stratégie destinée à faire du Métaverse un outil de puissance pour la France. A l’aube de son deuxième mandat, Emmanuel Macron avait révélé une partie de son programme sur « l’indépendance culturelle et informationnelle » de la France, révélant par là même sa volonté de « ne pas dépendre d’acteurs ou d’agrégateurs anglo-saxons ou chinois ».

    Un enjeu de souveraineté pour la France. Le rapport réalisé n’ignore pas l’enjeu de souveraineté puisqu’il préconise plusieurs décisions permettant d’assurer l’indépendance de la France dans ce domaine. Il propose de mettre en place des commandes publiques répondant aux objectifs de souveraineté culturelle et de souveraineté technologique. Il s’agit d’amener la puissance publique à faire émerger les services communs et essentiels permettant l’avènement d’une pluralité de métaverses interopérables. Enfin, il propose de lancer le travail d’adaptation, notamment du RGPD, aux enjeux du Métaverse. Car les technologies de métaverse peuvent capter non seulement des données sur l’environnement de l’utilisateur mais aussi des données cognitives. Pour encadrer les recherches, le rapport explique l’importance de « créer un institut de recherche et coordination qui serait à la fois un laboratoire de recherche, un lieu de coordination et un comptoir d’expertise ». L’ensemble révèle que le Métaverse se pose comme un enjeu de souveraineté indéniable pour la France, la concurrence de puissances publiques étrangères pourrait en impacter l’évolution.

    Encadrer les risques relatifs au Métaverse. Au-delà de cet enjeu de souveraineté, le rapport explore l’utilité du Métaverse pour accélérer la transformation culturelle et sociale. Plusieurs propositions ont ainsi été effectuées pour encourager les pouvoirs publics et privés à collaborer pour exploiter à son plein potentiel le Métaverse. Mais le rapport entend encadrer les risques relatifs à son développement. La France devrait ainsi « réaliser des investissements dans des initiatives de recherche interdisciplinaire pour développer simultanément des métaverses expérimentaux guidés par des besoins sociétaux (culture, santé, éducation) et les moyens d’en évaluer les risques sociotechniques par des études empiriques ».

    Car si le Métaverse est à la fois un monde virtuel et un réseau social, c’est aussi une économie, avec sa propre monnaie. Or la part importante prise par les crypto-monnaies (monnaie numérique émise de pair à pair, sans nécessité de banque centrale et utilisable au moyen d’un réseau informatique décentralisé) dans le Métaverse pourrait engendrer des pertes économiques pour l’État. Ce risque pourrait néanmoins être limité en « investissant dans des outils et des techniques d’analyse afin de détecter les infractions commises sur le Métaverse —et de remonter aux auteurs de ces dernières ».

    Enfin, le document rappelle que le fait d’entreprendre dans les meilleures conditions pour la France sur ce Métaverse signifie entreprendre dans les meilleures conditions environnementales et sociétales, ce qui sous-entend que, bien au-delà de l’aspect technique, vont se poser des questions importantes sur le plan éthique. La France doit alors « explorer des solutions écoresponsables et développer un système de mesure de l’impact environnemental des infrastructures des métaverses ».

    Frédérique Guénot

     

    Comprendre le Métaverse

    Pas moins de 10 milliards de dollars… C’est la somme que Facebook comptait investir dès 2021 pour développer le Métaverse, annonciateur d’un monde nouveau. Une réussite à en croire les chiffres puisque, début 2022, sa capitalisation totalisait 30 milliards d’euros. A l’échelle économique, le marché devrait connaître une croissance annuelle en moyenne de 39,4 % de 2022 à 2030. La banque d’investissement Citi prévoit une croissance évaluée entre 9 et 13 milliards de dollars d’ici 2030, investissement qui servirait quelque 5 milliards d’utilisateurs dans le monde... Si le Métaverse semble complexe pour de nombreux Français, 62 % ne voyant pas l’intérêt de ce monde virtuel1, les ventes de NFC2 liées au Métaverse ont déjà rapporté 25 milliards de dollars en 2021, alors que ce chiffre n’atteignait pas 100 millions de dollars en 2020. Plus récemment, Facebook a annoncé un investissement de 50 millions de dollars pour garantir la construction du Métaverse de façon responsable, en partenariat avec des experts mondiaux et des associations de consommateurs. Au regard de ces chiffres qui donnent le vertige, nul doute que les perspectives semblent des plus intéressantes. D’ailleurs, la course à l’innovation est bel et bien lancée : certains groupes ont déjà présenté des entretiens d’embauche virtuels, d’autres ont investi cet univers pour lancer des opérations de communication RH pendant que les derniers en ont profité pour proposer des expériences de marque inédites. Mais comment définir ce Métaverse : est-ce une bulle spéculative ? Quels sont ses enjeux, ses limites et ses risques ? Comment les différents mondes, notamment celui de la santé, vont-ils s’en emparer ?

    F.G.

    1. Baromètre de l’agence d’étude Iligo. 2. Technologie intégrée à de nombreux smartphones. Elle simplifie l’échange de fichiers, contacts, photos et vidéos et autorise le paiement sans contact ou le passe transport sur mobile.


     

     

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