> Retour à la présentation du Dossier 75
  • Dis-moi quel air tu respires...

  • Certains se demanderont ce qu’est  la santé environnementale, c’est pourquoi il semble utile d’en faire un bref historique et au travers de quelques études de montrer à quel point nous entrons  dans un avenir potentiellement explosif et plein d’incertitudes.

    Le WWF montre en 2003 que sur 47 parlementaires européens testés : tous présentent au moins 41 polluants chimiques différents dans leur sang et que parmi ces polluants  certains ne sont plus utilisés depuis 20 ans comme  le  DDT. Quels sont les effets à long terme de ce cocktail chimique qui ne s’élimine pas et persiste ainsi toute la vie du sujet ?

    L’observatoire de la qualité de l’air (OQAI) montre en 2006 sur un échantillon représentatif des logements français la présence de COV   (composés organiques volatils) dans  80 % à 100% d’entre eux et que près du quart des logements ont un taux en formaldéhyde (FA) supérieur aux valeurs guides. Rappelons que le FA est un irritant des voies respiratoires et un agent cancérogène.

    L’INSERM en 2008 écrit un rapport sur les liens entre cancer et environnement : augmentation du nombre des cancers entre 1985 et 2005 de 43 % chez la femme et 35% chez l’homme, chiffres établis en tenant compte de l’évolution de la population et de son vieillissement. Le rôle du dépistage n’est pas mesuré. Ce rapport estime entre autres que 10% des cancers du poumon dans les grandes agglomérations sont attribuables à la pollution atmosphérique, que les leucémies et cancers du cerveau sont augmentés par l’exposition aux insecticides domestiques dans l’enfance et à l’âge adulte.

    Quel est le rôle du médecin généraliste dans ces événements ?

    Je l’aborderai sous 2 angles :

    Le premier, pratique, montrera à  partir d’une consultation très banale, comment la question de l’environnement peut émerger. 

    Le second se fera sous l’angle de la question fondamentale de la formation et de l’information du médecin, sur la transparence et l’indépendance de l’expertise.

    Nous allons montrer à travers une consultation classique de manifestations respiratoires tels que gorge irritée, toux sèche, asthme récent comment un questionnement environnemental peut être utile au patient.

    Le questionnaire environnemental nécessite un préalable de formation. Le médecin est, tel un détective, à la recherche d’une cause. On considère qu’il a, bien entendu, recherché des éléments infectieux et qu’il a éliminé le tabagisme actif ou passif, un risque professionnel patent, les allergènes classiques d’animaux et d’acariens.

    Les bonnes questions sont :

    • Depuis quand ?
    • Qu’est ce qui a changé dans l’environnement du patient depuis l’apparition des signes ? au niveau de l’habitat, de sa localisation, dans son milieu professionnel ? vit-il près d’un axe de grande circulation ? en campagne, près de champs traités ? près d’industries ?
    • Quand et où apparaît la toux ?
    • Vient t’il d’acheter un nouveau mobilier ?
    • A-t-il fait des travaux ? peintures ? parquets ? papiers peints ?
    • Combien de temps aère t’il son logement ? Son bureau ?
    • Utilise t’il des encens, bougies, parfum d’intérieur ?
    • De nouveaux cosmétiques ? lui, sa famille ? surtout en spray ? 
    • Utilise t’il des insecticides ?
    • De nouveaux produits d’entretien ? adoucisseurs, lessives parfumées ?
    • Y a t’il des appareils producteurs d’ozone : imprimantes ? Photocopieurs ?

    Que recherche t’on à travers ce questionnaire ?

    • La présence de composés organiques volatils (COV), produits chimiques irritants et pour certains de surcroît cancérigènes comme le formaldéhyde ( panneaux de particules, pollution atmosphérique, bois agglomérés, livres et magazines neufs, peintures, photocopieurs), d’acétaldéhyde, à peu près mêmes origines.
    • De particules fines : pollution atmosphérique, cuisine, ménage, combustion.
    • De produits issus de la pollution atmosphérique pour la plupart liés à la pollution automobile : ozone, particules fines (PM10 et au dessous) issues pour beaucoup des effluents diesels, dioxyde d’azote.

    D’une façon générale ce qui sent bon, propre, neuf est à identifier comme irritant des voies respiratoires. L’air sain ne sent rien.

    On voit qu’il y a urgence à se former et  s’informer pour pouvoir répondre à l’inquiétude de plus en plus présente des patients mais aussi pour améliorer une démarche de prévention et avoir la présence d’esprit devant certains symptômes très courants de penser à une exposition environnementale.

    Comment et où se former ?

    La santé environnementale est par définition polémique et cela pour plusieurs raisons : les études de toxicologie ne sont pas adaptées, l’exposition à des polluants multiples à petites doses et dès la vie fœtale n’est pas faite, les résultats des études épidémiologiques sont soumis à divers éléments : quelle question est posée ? qui sont les commanditaires de l’étude ? Par qui sont payés les experts? Quels sont leurs conflits d’intérêt ? Il ne faut pas oublier que l’industrie pharmaceutique est un des secteurs principal de l’industrie chimique, que celle ci a fait un lobbying efficace auprès de la commission européenne pour que les accords de REACH soient revus à la baisse, que les fabricants d’OGM, de pesticides et de médicaments sont parfois les mêmes.  Que vaut un rapport sur les champs electromagnétiques dont les experts sont ceux des principaux fournisseurs de téléphonie mobile ? Que valent une formation médicale en santé environnement, une revue en santé environnement et une association en santé environnement soutenues  par EDF ?

    Le principe est simple et on l’a vu avec le scandale de l’amiante et de la création du Comité Permanent Amiante, institut de recherche  dont les scientifiques  étaient payés par  l’industrie, il s’agit de payer les chercheurs pour donner des réponses du type : rien n’est prouvé, il faut attendre encore. Or nous sommes dans un pays où la valeur de la parole des  experts vaut clôture du débat. Mais que  faut-il attendre?  Compter les morts et  les malades ou appliquer le principe de précaution en alertant sur les effets, en limitant l’exposition, en pratiquant l’éviction, la substitution du produit dès qu’il y a un doute ?

    La santé environnementale devient un enjeu pour les industriels.  Il est urgent que la mention de conflit d’intérêt inscrite dans la loi soit appliquée, que l’esprit critique  et la formation indépendante soient soutenus pour que les médecins puissent être correctement informés dans un domaine majeur et d’avenir de la santé publique. Rappelons  à cette occasion que l’action 42 du Plan National Santé Environnement fait de  la nécessité de former les professionnels de santé dans ce domaine une priorité.

> Retour à la présentation du Dossier 75
  • Ce dossier est composé de 4 Articles