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  • Des applis mobiles au secours des soignants en souffrance

  • Actuellement dans les hôpitaux en France l’absentéisme, lié aussi au mal-être, concerne en permanence près de 25% du personnel soignant. Dans certaines disciplines, la souffrance des soignants est presque devenue la norme. « Une étude* a montré que les deux tiers des urgentistes sont en burn out, affirme Catherine Cornibert. Beaucoup de soignants désertent leur métier, ils n’y trouvent plus de sens. Un soignant qui ne va pas bien, c’est un patient mal soigné. Qu’il s’agisse de la souffrance d’un pharmacien, d’une infirmière, d’un urgentiste, d’un anesthésiste, d’un dentiste ou autre, la souffrance d’un professionnel de santé impacte la qualité des soins. »

    La place de l’échange entre professionnels est primordiale. Parmi les nombreux facteurs en cause dans ce mal-être des professionnels de santé, il y a aussi le déficit de communication entre soignants, par manque de temps. Dans les hôpitaux, ils doivent désormais pallier aux manques de personnel, avec moins de temps pour échanger entre eux et avec les patients. En conséquence de quoi ils se concentrent sur les tâches urgentes et indispensables. Cela réduit de facto les échanges, en particulier avec les médecins libéraux ou les infirmières en ville. Le dialogue entre professionnels est alors réduit à sa plus simple expression. « Ce qui manque le plus, ce sont des échanges entre professionnels, pour parler d’un patient, partager des expériences sur le soin, la thérapeutique, affirme le Dr Cornibert. Les relations entre soignants renforcent l’efficacité du soin. La communication sert à trouver l’intelligence collective pour être plus pertinent et améliorer la qualité du soin, en bénéficiant de l’expérience des pairs. Dans le soin, la place de l’échange entre professionnels est primordiale. Il faut trouver les moyens de continuer à faire des réunions de service, qui se sont raréfiées du fait de la pénurie de professionnels de santé. »

    « S’occuper du malade, pas que de sa maladie… » La communication avec les patients est aussi fortement impactée par le manque de personnel. Les professionnels de santé ont choisi ce métier pour soigner, guérir, sauver des vies. La gratification venant des patients est importante. « Sans communication avec les malades, ils perdent le sens de ce qui faisait la beauté de leur métier, ajoute la directrice générale de SPS. Soigner, c’est aussi écouter le patient, ses besoins, son histoire, son environnement ; ce n’est pas seulement établir un bilan diagnostique et prescrire un traitement. Le patient a besoin de se sentir accompagné. Le médecin n’a plus autant de temps qu’avant pour s’occuper du malade et pas que de sa maladie. » Les outils numériques représentent des atouts nouveaux pour sortir les soignants de leur isolement. Pour améliorer la communication entre professionnels de santé, il existe des outils numériques simples qui permettent d’améliorer les échanges, comme les groupes Whats­App entre soignants, sur lesquels ils peuvent réfléchir ensemble, par exemple à la prise en charge d’un patient. « Ils peuvent également s’aider d’autres outils numériques comme les réunions Zoom, les visioconférences, qui visent aussi à développer des échanges qui n’existent plus faute de temps, précise Catherine Cornibert. Bien sûr, rien ne remplace les rencontres présentielles, car la communication non verbale joue un rôle majeur. Mais ces outils numériques, en période de grande tension, ont un rôle globalement favorable pour les professionnels de santé. »

    Libérer du temps médical grâce à des applications. Les médecins peuvent encore s’appuyer sur des applications qui permettent de libérer du temps médical. « Tous les outils à même de faciliter le diagnostic et le soin permettent de libérer du temps pour les professionnels de santé et c’est positif, juge Catherine Cornibert. Par exemple, les applications qui mesurent l’activité physique, le sommeil, la qualité de l’alimentation, la tension artérielle… sont utiles, pour aller plus vite dans l’évaluation de l’état de santé du patient. Et libère du temps pour mieux l’accompagner. » Et puis encore, pour assurer l’interface entre le soignant et son patient, il ne faut pas négliger certaines expertises comme les patients partenaires, formés à une pathologie précise, qui assurent le lien entre le patient et le médecin, pallient le manque de communication et, au final, améliorent le vécu du patient et la qualité des soins.

    L’association SPS**, créée en 2015, aide les professionnels de la santé en souffrance par l’écoute téléphonique, grâce à plus de 100 psychologues qui répondent de façon gratuite, anonyme et confidentielle 24 heures/24 et 7 jours/7 avec 100% de décrochés au numéro vert 0805 23 23 36. Cette plateforme téléphonique reçoit entre 15 et 20 appels par jour, pour anxiété, épuisement, lassitude, perte de sens… « Les professionnels de la santé savent que ce lieu d’écoute existe. Ils ne souhaitent pas évoquer cette souffrance avec leur famille ou avec leurs confrères, ajoute le Dr Cornibert. Ils tiennent surtout à être entendus sans jugement. Leur souffrance est d’autant plus un sujet tabou que dans le cadre de leur métier ils sont souvent considérés comme des super-héros. Et cette souffrance est vécue par eux comme un échec. »

    Propos recueillis

    par le Dr Clémence Weill

     

    * Source : « Burnout in emergency medicine professionals after 2 years of the COVID-19 pandemic: a threat to the healthcare system? » – EUSEM

    ** www.asso-sps.fr

     

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