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  • Un besoin viscéral-Dans le tourbillon du commencement…

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    C’est au début des années 70 que remonte le grand tournant organisationnel qui fut à l’origine du passage de l’enseignement post-universitaire au concept de formation médicale continue. Il est lié à une mutation des conditions d’exercice des médecins, au développement des spécialités et aux évolutions respectives de la médecine hospitalière et ambulatoire. La période couvrant l’immédiat Après-guerre jusqu’en 1960 est marquée par la prééminence de l’enseignement post-universitaire. En mettant en place les centres hospitalo-universitaires, la loi Debré de 1958 avait donné au pays les moyens de développer sa recherche médicale. Les progrès qui en ont résulté ont été considérables et rapides. Comme on le disait alors, les connaissances se renouvelaient tous les cinq ans, d’où pour les praticiens l’impérieuse nécessité de réactualiser régulièrement les leurs. L’université décida de s’en charger. Assumant déjà la formation des futurs médecins, elle avait aussi pour mission institutionnelle de participer à celle des médecins en exercice. C’était ce que l’on appelait la formation post-universitaire.

    C’est alors qu’est apparu entre médecines hospitalière et ambulatoire un hiatus qui est allé s’élargissant pour aboutir à une marginalisation progressive de la médecine générale. De par son évolution naturelle, la médecine, avec à sa tête le monde hospitalier, a commencé à se spécialiser. Dotés de plateaux techniques sophistiqués les hôpitaux ont resserré leur prise en charge autour des pathologies sévères ou rares. Les futurs médecins étaient alors formés selon ce modèle. Mais à leur installation beaucoup étaient désarçonnés : la demande de soins qu’ils rencontraient ne correspondait pas à celle du milieu hospitalier et nombre de pathologies qu’ils avaient à prendre en charge ne leur avaient pas été enseignées.

    L’enseignement post-universitaire fut logé à la même enseigne. Il était déconnecté de la réalité des besoins réels des médecins de ville auxquels il s’adressait pourtant. Un divorce encore plus accentué quand il s’agissait de médecins généralistes. Au plan pédagogique, l’erreur était criante. Les hospitalo-universitaires administraient un enseignement magistral, autrement dit de masse, qui ne répondait ni aux questions ni aux besoins individuels des praticiens. Ces derniers n’étaient plus des étudiants partant de zéro mais des professionnels aux expériences diverses, chacun ayant ses demandes propres, qui faute de pouvoir se formuler demeuraient sans réponse. J’ajoute que cet enseignement était axé sur les aspects cognitifs. L’élément relationnel, psycho-comportemental, qui permet une véritable appropriation, en était absent. Il en était généralement de même de certains apprentissages techniques. Enfin c’était un enseignement centralisé : il se déroulait au siège du CHU ou au mieux dans des hôpitaux régionaux —il fallait souvent parcourir des dizaines de kilomètres pour y assister— et il faisait abstraction des contraintes professionnelles des médecins : généralement l’EPU se tenait en hiver, saison surchargée pour les médecins. Ainsi s’explique que les études menées à l’époque montraient unanimement que le coefficient de participation à l’EPU ne dépassait jamais 10% de la population concernée.

    un Tournant conceptuel

    Nous avions conscience qu’il fallait innover. Et c’est par ce que nous avons appelé la formation médicale continue (par différence avec l’enseignement post-universitaire), expression qui a aussitôt fait l’unanimité, que cela s’est réalisé. Elle intégrait le savoir, le savoir-faire (gestuel, technique) et le savoir-être, la relation soignant/soigné, essentielle pour l’observance. Ce fut un tournant conceptuel. Ce tournant s’est opéré en octobre 1972 aux Entretiens de Bichat où les hospitalo-universitaires, lors d’une table ronde européenne sur l’acquisition continue des connaissances, tout en faisant le constat d’échec quant à la participation, conclurent qu’il leur fallait centraliser l’enseignement post-universitaire sous la forme de programmes nationaux. Or, à la même époque, dans plusieurs régions, des généralistes et quelques spécialistes avaient pris l’initiative de créer des associations de perfectionnement de formation continue ou des amicales. Ces praticiens avaient recouru spontanément à d’autres méthodes pédagogiques que le cours magistral. Or ils avaient été invités à ces Entretiens de Bichat d’Octobre 1972. Parmi eux, quatre généralistes qui ne se connaissaient pas : Guy Scharf, de Lorraine ; Pierre Ageorges, du Loiret, lequel avait organisé des cycles de formation en usant de méthodes participatives et interactives ; André Cholal, des Hauts-de-Seine ; et moi-même, d’Asnières. Prenant la parole nous avons exprimé notre désaccord, et fait état qu’en innovant par nos méthodes pédagogiques nous obtenions des résultats plus que probants : 90% de participation des médecins de nos communes depuis des années. Nous nous réunissons aussitôt et je suggère de lancer un appel par voie de presse pour identifier les autres initiatives locales, départementales ou régionales. L’appel « Les praticiens prennent l’initiative », publié le 25 novembre 1972, est signé de huit associations locales. Et c’est, à partir de là, une traînée de poudre. Les réponses affluent de partout : Marseille, Lyon, Nantes, Rennes, Clermont-Ferrand, etc. Le 25 février 1973 nous créons, avec les représentants de ces associations, le Comité national d’initiative des praticiens pour leur formation continue et deux commissions qui se mettent au travail avec des résultats à rendre en avril 1973. Tout est allé très vite, nous étions dans un tel état d’enthousiasme ! Il est vrai que la formation permanente représentait pour nous un besoin viscéral. Nous étions pris dans une sorte de tourbillon, une activité d’élaboration débordante et permanente, avec quantité de groupes de travail, un engagement de dizaines de personnes, c’était extraordinaire ! Et tout cela couplé à de nombreux séminaires de formation pédagogique, d’animateurs, etc. Nous en avons fait des dizaines et des dizaines. C’est alors qu’ont été inventés des formats pédagogiques tels que le groupe de pairs, le séminaire, le stage court, le cycle, etc.

    Le 1er mars 1973 le Comité national d’initiative des praticiens, que je  préside, produit un document formulant nos objectifs :

    1. faire prendre en charge l’organisation de la FMC par les praticiens eux-mêmes —et non plus par les CHU ;

    2. favoriser une coordination des activités des associations locales et régionales déjà existantes, dans le respect de leur autonomie et promouvoir les autres associations ;

    3. mettre au point une formation adaptée aux adultes responsables que sont les praticiens et conforme aux nécessités de l’exercice quotidien ;

    4. créer des structures en liaison avec les responsables des unités d’enseignement reconnues par les pouvoirs publics et les organismes sociaux destinés à préparer activement l’indispensable promotion du praticien.

    Ainsi sont définis objectifs et principes de fonctionnement d’une formation continue : le volontariat, l’organisation par les praticiens concernés, la décentralisation, avec comme effecteur l’association de proximité, continuité et crédibilité.

    Le 27 avril 1973 notre Comité national, adoptant le statut association loi 1901, se transforme en la première structure nationale regroupant des associations, le Groupement des organismes de formation et d’information médicale continue, ou Gofimec, dont je suis ensuite élu président. Il s’agissait pour nous de s’inscrire dans le cadre de la loi Delors sur la formation permanente, qui avait été adoptée deux ans plus tôt, le 16 Juillet 1971.

    Le corps syndical ne pouvait pas rester sans réagir. La loi Delors l’avait désigné comme l’un des acteurs essentiels de la formation permanente et il était en outre le seul à pouvoir s’inscrire dans le cadre de la promotion des professionnels. Au Gofimec, nous l’avions parfaitement compris, et avons cherché à nouer des liens. Je me souviens très bien avoir déclaré à l’époque, au Médec le 9 mai 73 —et c’était prémonitoire—, que la FMC ne pouvait pas se faire en dehors des syndicats car ils étaient les représentants de la profession médicale dans toutes ses composantes et que par la formation continue nous lui apporterions des arguments pour des revendications syndicales.

    En octobre 1974, la création du premier comité de coordination quadripartite, mettant en scène le mouvement associatif

    Le 23 mai 1973, à l’initiative des syndicats représentatifs de l’époque, la CSMF et la FMF, est créée l’Association nationale pour la formation médicale continue ou l’Asformed. Et Pierre Gallois en est nommé président. Dans cette structure le corps syndical était prépondérant mais il y avait aussi des représentants d’associations de formation continue. Elle avait pour mission d’organiser, de promouvoir et de coordonner les actions de FMC et de trouver les moyens de financer la formation continue. Ce qui trouva d’ailleurs un début de concrétisation avec la création du Fonds d’assurance formation (FAF).

    Très rapidement Pierre Gallois et moi-même nous rendons compte que se dégage entre nous une concordance d’objectifs et une même volonté : le mouvement associatif doit se développer et prendre ses responsabilités, la formation continue doit permettre au médecin de trouver des réponses concernant son exercice professionnel. En octobre 1974 nous créons ainsi un comité de coordination regroupant les syndicats, l’Ordre, l’Université et les associations. Le mouvement associatif devient ainsi la quatrième force de la formation continue. C’est déjà la première mouture de ce qui sera le premier Comité national en 1982, puis le Conseil national de la FMC.

    Pendant toutes ces années, nous avons organisé dans toute la France des séminaires de formation pédagogique, d’animateurs, etc. Nous en avons tenu des dizaines et des dizaines. Nous avons innové en nous appuyant sur la « pédagogie par objectifs ». C’est alors qu’ont été adaptés des formats pédagogiques tels que le groupe de pairs, le séminaire avec experts, le stage de formation pratique, le cycle de perfectionnement, etc.

    Le rapprochement entre l’Asformed et le Gofimec s’accentue —le FAF n’étant pas encore doté, il ne pouvait constituer une pomme de discorde. Nous créons le 4 avril 1976 un comité de liaison Asformed-Gofimec, qui précise aussitôt les principes relatifs aux rôles respectifs des acteurs de la formation.

    La question de la FMC finit par éveiller l’intérêt des pouvoirs publics qui prennent conscience qu’elle peut être un élément régulateur du système de soins. Aux Entretiens de Bichat d’octobre 1977, le président de la République d’alors, Valéry Giscard d’Estaing, déclare que l’Etat et la Sécurité sociale étaient disposés à apporter leur soutien à une initiative en matière de FMC si la profession en faisait la demande. Simone Veil, ministre de la Santé, fait alors savoir que l’Etat accorderait à la profession, par voie de convention, des subventions destinées prioritairement à la formation de formateurs. Mais souhaitant avoir un interlocuteur unique, elle demande aux associations de FMC de se regrouper. Entre le Gofimec et l’Asformed nous étions d’accord sur les objectifs et les méthodes. Le travail se réalisait de plus en plus souvent en commun. Plus rien ne nous empêchait de nous fédérer. L’Unaformec est née le 24 février 1978 de leur union. Le 22 mars 1978, toutes deux convoquées en assemblée générale extraordinaire se dissolvaient, donnant tout leur avoir à l’Unaformec. Par la suite l’Unaformec reçut du ministère de la Santé le premier million de francs pour former dans un premier temps les animateurs locaux de formation médicale continue, rouage essentiel du nouveau dispositif de la FMC…

    Pr Albert Hercek,  fondateur de l'Unaformec

    Co-président de 1978-1986

     

     

     

     

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