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  • Ce qu'il faut attendre des objets santé connectés

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    Selon un sondage de l’institut Ifop réalisé en novembre 2013, 11 % des Français seraient déjà équipés d’un objet connecté. Il s’agirait le plus souvent d’une balance (6 % des Français), d’une montre ou d’un bracelet (2 %). Par ailleurs, 12 % des Français qui n’en possèdent pas à l’heure actuelle envisagent d’acquérir un objet connecté dans les trois ans à venir. Un marché plein de promesses qui se profile donc… Quelques doutes demeurent cependant chez les personnes non équipées. Parmi les obstacles évoqués à l’achat, 50% des personnes réfractaires interrogées doutent de la fiabilité des mesures, 29% ont le sentiment d’une intrusion dans leur quotidien et 22% craignent de ne pas posséder les connaissances nécessaires à l’utilisation de l’objet concerné. Dix pour cent redoutent par ailleurs une dépendance, à l’image de celle qui concerne les smartphones. Ainsi, comme pour toute nouvelle technologie, quelques réticences doivent encore être surmontées.

    Prudence dans l’utilisation des données

    La question de la confidentialité des données, et donc du respect de la vie privée, se pose d’emblée. En effet, les données collectées étant a priori exclusivement destinées aux patients et aux professionnels de santé, ces premiers peuvent facilement les transmettre à leur médecin dans le but d’améliorer ensemble la prise en charge. Ainsi, dans bon nombre de cas, la santé mobile rejoint la télémédecine et nécessite alors une protection des informations personnelles délivrées par l’utilisateur. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a ainsi attiré l’attention sur ce danger invisible mais pourtant bien réel : qu’ils soient connectés entre eux ou à Internet, les objets connectés à un réseau sont susceptibles d’être piratés. Il est donc impératif de renforcer la sécurité des données véhiculées. La CNIL préconise ainsi l’utilisation d’un pseudonyme en cas de partage de données. Elle insiste également sur la nécessité de ne pas rendre ce partage automatique sur les réseaux sociaux, mais aussi de supprimer ou récupérer les informations lorsqu’un service n’est plus utilisé.

    Attention en outre au discours promotionnel qui tend à décrire ces objets comme « bénéfiques pour la santé ». Il ne faudrait pas confondre outil et résultat : la simple acquisition de tels objets ne saurait suffire à parler de « prévention médicale ». S’ils constituent une aide supplémentaire à la prise en charge des maladies chroniques, notamment, et visent à responsabiliser le patient en l’incitant à protéger sa santé au quotidien, ils ne remplacent pas une consultation médicale régulière. Leur objectif est plutôt d’améliorer la prise en charge grâce à un suivi médical de plus en plus personnalisé.

    Les limites de ces nouvelles technologies

    Si les industriels espèrent que la santé connectée suscitera le même engouement que la téléphonie mobile, il faut pourtant replacer ces objets dans un contexte médical et non économique. Pour que la médecine de soins soit reconnue, il faut que le bénéfice médical de ces objets soit établi et que l’avis du régulateur soit favorable. Pour apporter la preuve du bénéfice médical de l’utilisation d’un outil (que les objets soient associés ou non à un programme informatique), il faut ainsi suivre une démarche d’évaluation rigoureuse comprenant une hypothèse de départ (l’utilisation de l’objet permet d’améliorer tel paramètre de santé), des tests cliniques et des calculs statistiques aboutissant à un résultat. Tout ceci nécessite une vraie démarche de la part des autorités pour reconnaître ces objets connectés comme de véritables outils de santé.

    D’autre part, on peut craindre le poids incertain de la réglementation. La santé est en effet un marché très régulé. Les allégations de santé ne sont pas autorisées sans preuve et tous les appareils de mesure ne pourront répondre à la définition réglementaire d’un instrument médical. Il y a ainsi des disparités entre les différents objets. Par exemple, les podomètres ne sont pas considérés comme des instruments de soins, alors que les tensiomètres et les glucomètres le sont.

    Autre exemple : un électrocardiogramme connecté à un smartphone est défini comme un outil médical, mais certains oxymètres de pouls échappent à la réglementation et sont vendus en magasin de sport. Bon nombre d’objets connectables cherchent donc encore leur définition, à mi-chemin entre instrument médical et outil facilitant le quotidien. Quid également du financement : privé, public ? La réglementation française, comme internationale, doit donc encore évoluer pour permettre à ces objets de prendre véritablement place au sein de la « santé connectée ».

    Ariane Langlois


    Le « Quantified Self » ou l’art de la mesure

    Défini comme le mouvement regroupant les outils qui permettent de mesurer, d’analyser et de partager ses données personnelles, le quantified self, aussi appelé « auto-mesure » ou encore self tracking, permet de suivre son état de santé via des outils comme les objets connectés, les applications mobiles ou les applications Web. Lancée aux Etats-Unis en 2007, cette tendance a franchi dès 2012 les frontières de l’hexagone, où elle s’est affirmée et a connu une forte progression en 2013. Si les premiers outils sont apparus comme des gadgets ludiques voire expérimentaux, ils se sont améliorés et adaptés pour répondre aux attentes des utilisateurs.

    Aujourd’hui, les bracelets connectés occupent une place prédominante dans l’univers du quantified self. Si la plupart sont axés sur des mesures au quotidien, un nombre croissant répondent à des besoins plus spécifiques. Conçus généralement par des équipementiers sportifs, ces bracelets affichent diverses informations sur l’activité physique afin d’aider à suivre un programme de nutrition, de gestion du stress... Si nombre de ces applications séduisent les sportifs, d’autres ont une vocation plus médicale. Ainsi, les piluliers connectés limitent l’inobservance médicamenteuse, qui représente près d’un million de journées d’hospitalisation et entraîne jusqu’à 12 000 décès par an. De même, le stylo connecté pour diabétiques a pour but d’aider les patients à prendre la bonne dose d’insuline en fonction de leur taux de glycémie et permet l’accès —tant pour le patient que pour le médecin— à une plateforme de suivi médical. En neurobiologie, des T-shirts connectés permettent de prévenir les crises d’épilepsie grâce à des capteurs biométriques enregistrant les paramètres corporels, à quoi s’ajoute une application mobile qui traite et analyse les données pour détecter le risque de crise. Si une crise est pressentie, le système alerte le médecin. De même, les patchs connectés permettent de géolocaliser les patients souffrant de dépendance (Alzheimer ou autres) et d’émettre un signal d’alerte en cas de chute ou de fugue. En pneumologie, des projets sont à l’étude pour améliorer la gestion de l’asthme, optimiser la prise en charge à domicile des patients souffrant d’apnée du sommeil, et en rhumatologie, des ceintures connectées vibrent lorsque l’utilisateur adopte une mauvaise position.

    Et ce n’est qu’un début : les pansements connectés délivrant des informations sur l’état de santé d’un patient, les couches équipées de capteurs pour les seniors, les détecteurs de chute à distance laissent entrevoir les potentialités de ces applications e-santé et objets connectés qui permettront de personnaliser la relation au patient, de l’autonomiser, de réduire les journées d’hospitalisation et, par là, les dépenses de santé…

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