- Numéro TLM 135
LE NUMÉRIQUE NOUVEAU PILIER DE LA PRÉVENTION SANTÉ
Spécialité : Santé numérique
Date : 10/04/2024
PASSER D'UNE MÉDECINE CURATIVE à UNE MÉDECINE PREVENTIVE
Le numérique, un allié de poids
de la prévention en santé
« Mettre le paquet sur la prévention, la médecine prédictive », pour « aller beaucoup plus vite, et beaucoup plus fort ». Tels étaient les propos du chef de l'État lors de la présentation d'un bilan à mi-parcours du Plan France 2030 le 11 décembre dernier à Toulouse. Et pour cause ! La prévention en France est devenue la nouvelle priorité des politiques publiques de santé. En témoigne l’évolution législative effective depuis le 1er janvier 2024 : médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens peuvent désormais proposer des bilans de prévention pris en charge à 100% par l'Assurance maladie, et ce à différents âges clés de la vie
Si les années 2010 ont été marquées par l'essor de la santé numérique, les prochaines années annoncent une indiscutable montée de la prévention en santé numérique. C'est ce que traduit la stratégie d'accélération santé numérique lancée en 2021 et qui a investi 718 millions d'euros afin de faire de la France un leader dans le numérique en santé. Avec un objectif de taille : encourager le passage d'une médecine curative à une médecine préventive, prédictive et personnalisée. Le numérique, qui permet de démultiplier l'impact d'une action et de porter sa connaissance au plus grand nombre, se révèle alors un formidable outil pour résoudre les difficultés actuelles du système français. Car, face à la hausse des déserts médicaux, au manque de lits dans les hôpitaux, le système de santé français peine à remplir ses missions. C'est là où la stratégie de prévention prend tout son sens.
• Prévenir pour mieux guérir. En matière de prévention, on distingue trois niveaux : primaire, secondaire et tertiaire. Le premier vise à réduire les facteurs de risque et à encourager les individus à prendre en main leur propre santé. Il ouvre une prise de conscience collective permettant de réduire les maladies liées à l'obésité, à la sédentarité, la pollution ou encore le stress. La prévention secondaire, quant à elle, prévient les maladies graves. Actions de dépistage et diagnostics précoces permettent la prise en charge rapide de patients dont les pathologies sont susceptibles d’évoluer vers des maladies plus graves. La prévention tertiaire, enfin, accompagne au plus près des patients dans leur relation avec leur médecin. Basée sur des outils numériques comme moyen de surveillance continue, elle minimise le risque de rechute et réduit le nombre de consultations supplémentaires, voire l'hospitalisation.
• Une prévention aujourd’hui indispensable. Cette stratégie de prévention en santé numérique semble incontournable au regard de deux facteurs : le vieillissement de la population, d’une part, et les pathologies qui y sont liées, d’autre part. Selon l'Insee, la population française atteindrait près de 70 millions d'habitants en 2044 et les plus de 65 ans représenteraient 28,7% d'ici à 2070. S’y ajoutent les conclusions du rapport des Entreprises du médicament publiées en 2019, qui révèle que les plus de 65 ans souffriront de quatre à six pathologies différentes d'ici à 2030. Concrètement, cela va entraîner la prise en charge d’1,5 million de personnes âgées dépendantes et gérer une augmentation de 50% du nombre de patients atteints d’affections de longue durée par rapport à la situation actuelle, sans oublier l'accroissement des maladies chroniques de cette population.
Or, aujourd'hui, le budget moyen consacré à la prévention s'évalue à 3% des dépenses de santé dans l'Union européenne. En France, il est à moins de 2%, et ce malgré les efforts du gouvernement français. Il faut bien l’admettre, les campagnes de dépistage, la promotion d’activités physiques régulières et la nécessité d'une alimentation saine affichent de bien piètres résultats.
• Des freins à la prévention. Car il existe encore des freins au développement de la prévention en France. D'une part, celle-ci n'est pas ancrée dans la culture française contrairement à d'autres pays. Notre modèle repose sur des soins curatifs et non préventifs. Au niveau culturel, la prévention n'est pas intégrée par les Français, ces derniers ne prenant pas en compte la valeur de cette prévention. D’autre part, les Français sont protégés par un système qui finance une grande partie des dépenses. De fait, ils n'ont pas l'habitude de payer pour leur propre santé.
Au niveau économique, ensuite, la prévention souffre d'un déficit de reconnaissance et, surtout, manque d'un cadre clair et structuré dans lequel les acteurs de la prévention pourraient trouver toute leur légitimité. Car, à ce jour, l'Assurance maladie finance peu la prévention. De plus, la difficulté à mesurer l'impact de cette prévention au niveau économique et à en évaluer le retour sur investissement ne facilite pas la tâche. D’ailleurs, peu d'entreprises se sont spécialisées dans la prévention en santé numérique.
Aussi, au regard des enjeux de la prévention en santé numérique, celle-ci se pose comme un enjeu de premier plan puisqu’elle permet de transformer les défis de santé publique en opportunités et de répondre de façon partielle, mais essentielle, à la défaillance de notre système.
Frédérique Guénot ■
- Ce dossier est composé de 2 Articles