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  • Du bon usage des TCC en médecine générale

  • Qu’est-ce que la TCC ?  Selon la définition de Singh, la TCC s’occupe de nos pensées et de la façon dont elles affectent nos sentiments et notre comportement.  Nombre d’auteurs TCC rappellent leur filiation avec le stoïcisme. L’empereur Marc-Aurèle aurait été  un thérapeute cognitif lorsqu’il écrivait : « Si tu t’affliges pour une cause extérieure, ce n’est pas elle qui t’importune, c’est le jugement que tu portes sur elle. Or ce jugement, il dépend de toi de l’effacer à l’instant. » La TCC fait usage d’ une technique, centrée sur la définition précise du problème et sa résolution, l’évaluation des événements, des pensées , des émotions et de leur conséquences selon une méthode dite dialogue socratique.

    La TCC est-elle utile en médecine générale ? Cette méthode thérapeutique est certainement utile si les thérapeutes sont bien formés.

    L’étude citée en référence s’est intéressée au trouble dépressif en médecine générale. Si la formation du médecin est brève (4 demi –journées d’introduction à la TCC dans le cadre de la formation continue des généralistes), l’utilité paraît moins nette. Singh fait l’inventaire des situations où la TCC peut être utilisée en médecine générale : dépression, troubles anxieux, syndrome de stress post-traumatique, boulimie, prévention des rechutes des troubles bipolaires, prise en charge des symptômes chez les psychotiques et amélioration de l’observance.  Cette liste est applicable au contexte anglais où les cabinets de médecine générale peuvent employer un psychologue qui se consacre à la TCC. Dans le contexte suisse où le médecin généraliste ne bénéficie en général pas de cette possibilité, Lefebvre se demande quand l’on peut penser à une TCC au cabinet médical.  Elle recense les situations bloquées (inhibition des dépressifs chroniques, trouble panique avec agoraphobie, échec d’un régime, changement comportemental dans les dépendances) et les situations envahissantes (personnalités dépendantes, téléphones multiples, pensées négatives répétées, plainte douloureuse répétée). Ajoutons les troubles du sommeil et la gestion du stress, problèmes si fréquents en pratique générale.

    Technique utilisable par le généraliste ou référence au spécialiste?  Lefebvre de Genève distingue 7 niveaux de l’action psychothérapeutique du généraliste, dépendant de la formation de celui-ci, de son cadre de travail et des spécialistes disponibles. Les niveaux de base sont l’accueil humain, la maîtrise des techniques d’entretien et la connaissance des étapes du changement (di Clemente) :  il s’agit de savoir où en est le patient dans sa demande d’aide et sa motivation. On pourrait ajouter l’importance des compétences diagnostiques. Les généralistes font de la thérapie de soutien lorsqu’ils aident le patient à utiliser ses propres ressources. D’autres ont fait une formation complémentaire dans une technique psychothérapique (TCC, approche psycho-corporelle, modèle systémique, psychanalyse, hypnose) :  ces formations nécessitent un investissement en temps (pour la formation et pour la pratique), un travail personnel et une supervision. Cela est vrai pour la TCC comme pour la psychanalyse. Sur le mode du groupe Balint, il existe en Suisse des groupes de supervision TCC.  Reste le problème de la référence des cas au spécialiste et de la collaboration avec les psychiatres :  certaines pathologies ne répondraient – elles pas mieux à la TCC qu’à d’autres méthodes ? Comment préparer son patient à la psychothérapie ?  Certaines régions périphériques manquent de psychiatres et il est difficile de référer ses patients au spécialiste. D’autres régions manquent de psychiatres TCC. Mais est-il si important de se poser la question du modèle épistémologique du consultant à qui l’on envoie le patient, quand l’on sait que l’alliance thérapeutique compte davantage que la méthode pour le succès d’un traitement ?

    Boîte à outils pour le généraliste? Tous les généralistes ne sont pas prêts à faire une formation longue et une supervision en TCC. Le généraliste de base,  dans sa formation continue se pose toujours la question : que puis-je garder de ceci ou cela pour ma pratique ? Tout se passe comme si au cours de sa carrière il se constituait comme une boîte à outils. Que peut-on imaginer qu’il garde de la TCC ?

    • Une technique de définition du problème et une procédure pour dégager des solutions (Problem solving). Quantification de la gêne, fréquence, intensité, durée, calendrier, domaine de vie où la gène se fait sentir, hiérarchisation des problèmes multiples. Identification des causes possibles et recherche de toutes les solutions possibles. Tout cela débouchant sur un contrat thérapeutique.
    • Une notion claire des stades du changement permettant l’entretien motivationnel, pour modifier les comportements d’addiction ou les habitudes.
    • Une méthode d’interrogatoire : l’analyse fonctionnelle qui investigue les éléments suivants : le problème, l’anticipation (à quoi pensez-vous avant de vous confronter à la situation), la situation (quand le problème survient-il ?), l’émotion (que ressentez-vous alors ?), la signification personnelle (d’où vient ce problème selon vous ?), la cognition (que pensez-vous à ce moment ?), le comportement observable (comment les autres se rendent-ils compte… ?), la réaction de l’entourage, l’image (comment vous voyez-vous alors ?) et les conséquences (que faites-vous quand vous ressentez cela ? Que faites-vous pour que ça passe ?).
    • La recherche chez son patient des pensées automatiques (commentaire intérieur, pensées qui traversent notre esprit à notre insu, involontaires et répétitives) et des distorsions cognitives (erreurs logiques opérant dans le traitement des informations, par exemple la surgénéralisation :  « je n’ai jamais eu de chance… »).  La recherche de pensées alternatives (pourrait-on penser autrement ?)
    • La mise en évidence des cercles vicieux au besoin par des schémas. En particulier dans les troubles anxieux comment l’évitement peut renforcer l’angoisse. L’explication des mécanismes à l’origine des troubles paniques. L’usage de techniques de relaxation.
    • Un travail en collaboration avec le patient avec des tâches d’une séance à l’autre et une évaluation des résultats obtenus
    • L’usage d’échelles pour mesurer le changement.
    • Le travail à partir de livres que l’on fait lire au patient.

    Conclusion.  Comme toute technique de psychothérapie la TCC nécessite une formation et une supervision. Les généralistes prêts à engager du temps dans cette formation resteront minoritaires. Il est toutefois possible que certaines techniques TCC viennent à l’avenir enrichir les compétences communicationnelles du généraliste.

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