• Numéro TLM 133
  • La déferlante ChatGPT

Spécialité : Santé numérique

Date : 23/10/2023

La déferlante ChatGPT

Le 30 novembre 2022 aura été une date clé dans l’histoire de l’Intelligence artificielle. Déjà bien connues des experts du domaine, les Intelligences Artificielles Génératives tombent dans le domaine public grâce à Chat-GPT (développé par la société américaine Open-AI et soutenu par Microsoft), entraînant un bouleversement sans précédent. En six mois, 100 millions de personnes le testent. C’est une redécouverte de l’IA ! De nombreuses institutions voient les bénéfices de cet outil et s’en emparent. A commencer par le secteur de la santé…

 

Posé comme une interface d’échange entre un internaute et un robot basé sur une technologie d’intelligence artificielle, ChatGPT correspond à un logiciel capable de générer du texte de manière autonome en se basant sur une très large quantité de données. Il permet, via un « prompt », autrement dit une requête, d’obtenir une réponse structurée et claire sur n’importe quel sujet en un temps record. Mieux on structure sa question, meilleure est la qualité de la réponse. Il est possible, et c’est d’ailleurs conseillé, de contextualiser sa demande pour obtenir une réponse encore plus pointue. Chaque réponse peut faire l’objet d’une nouvelle question, ouvrant la possibilité de produire un écrit précis et complet. Pour un travail de spécialiste, il est conseillé d’effectuer sa requête en demandant à ChatGPT de se positionner comme chercheur, médecin, mathématicien... Le spectre d’action est très large, d’autant qu’il permet de faire du codage, des dessins, des créations graphiques… Les potentialités semblent infinies.

Au cœur du système. Basé sur un LLM (large langage model) qui permet de construire des phrases grâce à l’apprentissage de données, cette intelligence artificielle est le fruit d’une évolution technologique qui a démarré il y a un demi-siècle. Par intelligence artificielle, il faut ici comprendre tout outil utilisé par une machine afin de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ». Les principales applications de l’IA incluent, entre autres, les moteurs de recherche, les systèmes de recommandation, la compréhension du langage naturel, les chatbots, sans oublier les outils de génération d’images, de prise de décision automatisée. Dès les années 60, les chercheurs mettent au point des systèmes experts spécialisés, basés sur des algorithmes décisionnels, construits sur le savoir d’experts médicaux. Mais ils sont coûteux à développer et non accessibles au public. Ces algorithmes deviennent progressivement « autonomes » et intègrent les données qui leur sont fournies. Tout cela pose les bases de l’apprentissage automatique. Puis ces IA s’affinent et deviennent des algorithmes profonds, nourris d’une masse d’informations toujours plus puissante. « Cela dit, ces algorithmes qui génèrent du texte automatiquement ne sont pas nouveaux. Il y a cinq ans, des modèles ont été développés par des IA pour générer des articles automatiques, révèle Aurélie Jean, experte française sur la recherche en intelligence artificielle et auteur d’un récent ouvrage sur le sujet1. Aujourd’hui, nous avons réussi à entraîner ces modèles sur des centaines de milliards de paramètres optimisés. Précédemment, l’encyclopédie était en mesure de fournir une masse d’informations. » Or, la création d’internet et le développement du secteur des télécommunications ont facilité la transmission et le stockage de données à grande échelle. Et, à la fin des années 90, l’apparition de moteurs de recherche gratuits ouvre au grand public une déferlante d’informations.

« Une nouvelle organisation structurelle du savoir. » Tous ces développements donnent aux algorithmes d’apprentissage profonds les éléments nécessaires pour manipuler des données de masse. La révolution suivante, en 2015, démocratise des technologies d’intelligence artificielle et celles-ci basculent dans le grand public avec ChatGPT en novembre dernier. Depuis, des dizaines d’intelligences artificielles se créent chaque jour… Cela dit, il faut bien comprendre que « la révolution de l’IA générative est dans l’interface, pas dans la technologie elle-même. Nous sommes dans une nouvelle organisation structurelle du savoir, et de l’accès à celui-ci, par une interface très bien construite mais qui pose parfois quelques problèmes, comme son caractère anthropomorphique qui peut laisser croire que nous discutons avec un humain », rappelle Aurélie Jean.

Frédérique Guénot

 

  1. Résistance 2050, Aurélie Jean, Amanda Sthers, Éditions de l’Observatoire.


La nécessité d’un encadrement juridique

Respect des droits d'auteur, protection des données personnelles, engagement de la responsabilité civile : l'utilisation de l'IA pose des questions de législation inédites. Si les technologies avancent à la vitesse grand-V, le droit est quant à lui beaucoup plus lent. Au regard des nombreuses questions éthiques posées par l'utilisation de ChatGPT (désinformation à grande échelle, manipulation...), le Comité national pilote pour l'Ethique du numérique (CNPEN) vient de rendre son « Avis sur les systèmes d’intelligence artificielle générative : Enjeux d'éthique ». Le rapport se concentre ici sur la génération automatisée de textes. En ligne de mire, ChatGPT, dont l'utilisation n'est pas sans dans danger, notamment dans la production de contenus destinés à être publiés sur les réseaux sociaux. Le CNPEN invite à une éthique dès la conception des intelligences artificielles combinée à une évaluation des risques juridiques liés à l'utilisation de ces IA. Il pointe les risques liés à un mauvais usage de ces outils, le choix du vocabulaire adopté, qui n'est pas sans incidence sur la qualité de la réponse. Le CNPEN évoque également les enjeux économiques et environnementaux et détaille des préconisations pour la conception, la recherche et la gouvernance.

De même, il recommande d’éduquer l'ensemble des acteurs à l'utilisation de ces IA, et notamment à la construction de prompts, compétence indispensable pour obtenir des réponses qualitatives. Au-delà de la volonté d'établir une éthique commune, il entend créer une entité souveraine de recherche et de formation « IA, science et société ».

A.B.

 



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