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  • Pourquoi les maladies professionnelles demeurent invisibles

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    Deux études donnent, parmi d’autres, une idée de l'importance des expositions professionnelles aux cancérogènes et de leurs conséquences :

    • L’étude DARES (1) publiée en 2003 montre que 2 370 000 personnes, soit 13,5 % des salariés… sont exposées à un ou plusieurs produits cancérogènes. 70 % des salariés exposés sont des ouvriers.

    • L’étude Invs Imbernon (2) indique qu’en France, « le nombre de cancers de la vessie attribuables à des expositions professionnelles se situerait entre 625 et 1 110… pour 1995. Or le nombre… réparé (en maladie professionnelle) est égal à 7 en 1999 ».

    Comment interpréter cet état de fait ? Malgré le désastre de l'amiante, le milieu médical méconnaît les expositions professionnelles aux cancérogènes et met rarement en œuvre une surveillance appropriée qui permettrait parfois un dépistage précoce. En omettant de faire déclarer les cancers professionnels, les médecins ne contribuent pas à la réparation pour leurs patients et ne participent pas à la mise en visibilité sociale du phénomène. Pourquoi ?

     

    Les sources d'information pour le médecin de soins sur les antécédents d'exposition de ses patients.

    > Le salarié lui-même peut décrire ses conditions de travail, les produits qu'il manipulait. La plupart des anciens exposés à l'amiante sont maintenant informés de cette exposition.

    > Le médecin traitant peut se mettre en relation avec le médecin du travail de l'entreprise et obtenir des renseignements sur les conditions de travail du patient.

    > Le Code du travail (3) prévoit que tous les salariés exposés à des cancérogènes (ou des produits chimiques depuis le 23/12/2003) disposent d'une fiche individuelle d'exposition pendant leur activité professionnelle et d'une attestation d'exposition quand ils quittent l'entreprise. Ces documents comportent des renseignements sur la nature, l'intensité et la durée des expositions.

    Malheureusement ils sont encore rarement réalisés. Il convient donc d’inviter les médecins à inciter leurs patients à les réclamer à leur entreprise.

    > Le salarié peut aussi demander communication de son dossier médical de médecine du travail qui, en cas d'exposition à certains cancérogènes, doit être conservé durant 50 ans et comporter des renseignements sur les expositions.

    > Deux documents peuvent faciliter la recherche d'exposition par métier :

    - l’étude réalisée par la Ligue contre le cancer (4), un classement par pathologies puis par agents causals ;

    - la compilation établie par D. Huez (5), un classement par secteurs professionnels, activités ou métiers puis agents cancérogènes.

    > 13 tableaux de maladies professionnelles font référence à des cancers professionnels. L'Institut national de recherche et de sécurité (Inrs) (6) fournit gratuitement un manuel très pratique (ED 835) qui permet d'accéder aux tableaux des maladies professionnelles par différentes entrées : pathologies, travaux, agents causals (dont cancérogènes). Son site Internet reprend ces mêmes entrées.

    > Site Internet Siste : spécifiquement destiné aux relations santé/travail et à destination des médecins de soins : http://www.reseau-siste-paca.org.

     

    Qui effectue la surveillance ?

    > Si le salarié est toujours en activité, il devrait bénéficier de la surveillance du service de santé au travail de son entreprise, même si l'exposition a eu lieu dans une entreprise différente. On parle alors de surveillance post-exposition.

    > Si le patient n'est plus en activité, il appartient au médecin traitant d'effectuer cette surveillance.

    > Les centres d’examens de santé des caisses primaires d’assurance-maladie (Cpam) sont aussi partie prenante dans cette surveillance.

     

    Comment ?

    L'arrêté du 28 février 1995 (7) (art D. 461-25 du Code de la Sécurité sociale) fixe dans un tableau annexe les modalités de surveillance et les examens complémentaires à effectuer en fonction des agents cancérogènes des maladies professionnelles indemnisables. Ces examens sont prescrits par le médecin de soins et pris en charge par un fonds spécial. Mais les formalités administratives sont si lourdes que cette procédure n'est quasiment pas utilisée.

    Il n'est pas possible de détailler les modalités pratiques de chaque type d'exposition. Il faut axer la surveillance sur l'organe cible de chaque agent cancérogène.

     

    Restons modestes !

    Cette surveillance, dans la plupart des cas, permettra au mieux de faire de la prévention tertiaire, c’est-à-dire du dépistage précoce. Nous sommes très loin de la prévention primaire qui consisterait à ne pas exposer les salariés aux cancérogènes. Pour y parvenir, il est essentiel de rendre visible l'aspect professionnel de ces cancers. Cela passe par la déclaration systématique en maladie professionnelle à la moindre suspicion d'origine professionnelle, même en l'absence de tableau de maladie professionnelle, le dossier sera alors transmis à la commission régionale de reconnaissance des maladies professionnelles (Crrmp).

    En 2003, 13,5 % des salariés ont été exposés dans leur vie professionnelle à des cancérogènes. S'enquérir du métier, des éventuelles expositions à des cancérogènes professionnels, devrait faire partie de l'interrogatoire systématique des patients par le médecin traitant. De même, devant tout cancer, le médecin ne doit-il pas se poser la question de son éventuelle origine professionnelle ?

     

    Notes et bibliographie

    1. DARES Enquête SUMER 2003, juillet 2005 - N° 28.1 « Les expositions aux produits cancérogènes ». http://www.travail.gouv.fr/publications/p_detailPublication.asp ?idTitre=2504

    2. Ellen Imbernon, « Estimation du nombre de certains cancers attribuables à des facteurs professionnels en France », Invs, 26 pages 2003 http://www.invs.sante.fr/publications/2003/cancers_pro/index.html

    3. Code du travail R-231-56-10 & décret du 23 décembre 2003

    4. Ligue contre le cancer : « Cancers professionnels, comment les repérer, les déclarer, les faire reconnaître, les faire indemniser… » http://www.ligue-cancer.asso.fr/IMG/pdf/cancerpromg.pdf

    5. Dominique Huez, « Cancérogènes et mutagènes chimiques usuels selon le secteur et l’activité professionnels », compilation établie à partir des listes de produits cancérogènes et mutagènes de l’Union européenne (UE) et du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), « Revue Santé travail » de la Mutualité française - 16 pages. http://www.a-smt.org/textes/cancero.pdf

    6. INRS-MSA http://www.inrs.fr « Guide d'accès aux tableaux des MP » http://inrs.dev.optimedia.fr/mp3/

    7. Arrêté du 28-02-1995 sur le site de l’ANDEVA : http://andeva.free.fr/reglementation/1995_0228_a_spp.htm

     

    Risque professionnel et toxicomanie

    On repère quatre modèles de problématisation de la question de l'alcool et des toxicomanies en milieu professionnel (1) :

    1. Dans le premier modèle, l'employé est considéré comme la source du problème, il transporte ses problèmes d’alcool et de toxicomanie au travail.

    2. Le deuxième modèle considère la surconsommation de substances psychoactives comme résultant de l’inadéquation entre l’individu et son travail.

    3. Le troisième s'intéresse aux caractéristiques du travail (conditions et organisation) comme étant associées à l’émergence ou à l’aggravation de la surconsommation de substances psychoactives.

    4. Le quatrième s’intéresse aux relations dynamiques entre le contexte de travail et la construction d’une culture du travail axée sur la consommation de substances psychoactives. On parle ici de la « culture-problème ».

    1. D’après Maranda (M.-F.) et Morissette (P). « La problématisation de l’alcool et des drogues en milieu de travail », dans « Santé, sécurité et transformation du travail », sous la direction de D. Harrisson et C. Legendre), Sainte-Foy, Presses de l’université du Québec, 2002, p. 79-103.

     

     

     

     

     

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