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  • Les promesses d’une médecine efficiente et équitable

  • Grâce à une information circulant plus rapidement entre les acteurs concernés, la e-santé améliore la prise en charge des patients. Avec le télédiagnostic, les médecins sont à même de prendre des décisions plus rapidement. Ils peuvent également, grâce à des applications dédiées, mesurer l’évolution de l’état de santé de leurs malades et leur délivrer les conseils adéquats. Principaux bénéficiaires de ce système, les patients atteints de pathologies nécessitant un suivi régulier et qui ne peuvent consulter leur médecin aussi souvent qu’ils le souhaiteraient. Par exemple, un diabétologue voit son patient en moyenne une fois tous les trois mois. Or cette maladie nécessite des contacts plus fréquents, rendus ainsi possibles par la télémédecine.

    En outre, la e-santé responsabilise les patients. A ce jour, on considère qu’environ la moitié des internautes se connectent pour rechercher des informations médicales, un chiffre en progression de 20% par rapport à 2005. Et c’est pour partie l’évolution des outils issus de la révolution digitale (forums, chats…) à vocation de télé-conseil (et non de télémédecine) qui ont révolutionné la façon dont les patients peuvent sélectionner l’information et collaborer en réseau. Cette évolution vers la santé mobile a renforcé l’appropriation par les patients de leur « capital santé », notamment chez ceux atteints de maladies chroniques. Plus impliqués dans la gestion de leur maladie, ils ont également un nouveau rapport au corps médical. A noter toutefois que ces chats et autres forums de santé ne remplacent en rien une consultation médicale et que leur fréquentation doit se coupler avec l’avis de spécialistes.

    Le corps médical aujourd’hui convaincu

    Par ailleurs, ces mêmes médecins n’ont pas caché leurs craintes par rapport aux données médicales délivrées sur internet. Il s’avère que les patients, devenus plus matures dans l’usage de ces informations, ont su les utiliser à leur juste mesure pour communiquer avec le corps médical venant répondre à des questions plus pointues. Les médecins ont alors mieux accepté l’usage des services rendus au public par la e-santé, d’autant que le Conseil national de l’ordre des médecins a publié en 2011 un livre blanc consacré à la déontologie médicale sur le web, qui consacre une large partie à la e-santé, régulièrement actualisée. Plus serein face aux contenus des services en ligne, le corps médical n’hésite plus à s’associer au développement d’applications ou de services dédiés, ce qui renforce la crédibilité de ces derniers. Enfin, des études révèlent que l’implication du patient dans les décisions touchant à sa santé et dans la gestion de sa maladie contribuent à diminuer les coûts et les complications liés à celle-ci.

    Un meilleur accès aux soins

    Autre point positif lié à l’usage des objets connectés : l’accès aux soins. La désertification médicale a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années, les patients de certaines zones étant confrontés à des problèmes d’accessibilité aux soins. Parallèlement, les projections sur les années 2020/2025 font état d’une population vieillissante, souffrant de maladies chroniques, et dont il va falloir gérer le parcours santé. Exigence supplémentaire, le développement de la prévention pour ces populations. C’est là que la santé connectée prend toute son importance. Dans ce cadre, tout un système législatif a été mis sur pied afin de permettre le développement d’actes de télémédecine dans des projets organisés au niveau régional. Sous l’égide des Agences régionales de santé (ARS), et avec des garanties de sécurité et de confidentialité nécessaires, plusieurs projets se sont déployés, notamment sur des chantiers prioritaires dont l’AVC, les soins à domicile, en hospitalisation à domicile (HAD), en EHPAD (Etablissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes). Néanmoins, ce cadre voit le développement de projets axés sur des établissements de soins alors que le défi des années à venir concerne davantage les soins à domicile et le suivi des maladies chroniques. Cela suppose le développement de pôles de santé permettant l’accès aux soins primaires. Pour l’heure, un projet pilote, le TELEHPAD1, centré sur l’EHPAD, permet un accès aux soins des populations vivant à proximité. Ce qui signifie que les organisations et structures en place doivent s’adapter afin d’aboutir à un véritable décloisonnement entre la ville et l’hôpital.

     

    La télémédecine,  solution d’avenir

    La télémédecine, appuyée sur une technologie désormais mature et sur une collaboration entre l’ensemble des professionnels de santé, devrait alors répondre aux futurs enjeux du système de santé. Le décret d’application de la loi HPST, publié en octobre 2010, est venu renforcer l’assise juridique de la télémédecine, en précisant les conditions de sa mise en œuvre et son organisation. Les 5 actes de télémédecine réalisables sont aujourd’hui : la téléconsultation (un médecin donne une consultation à distance à un patient, lequel peut être assisté d’un professionnel de santé) ; la télé-expertise (un médecin sollicite à distance l’avis de confrères sur la base d’informations médicales liées à la prise en charge d’un patient) ; la télésurveillance médicale (un médecin surveille et interprète à distance les paramètres médicaux d’un patient) ; la téléassistance médicale (un médecin assiste à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte) ; la régulation médicale (les médecins des centres 15 établissent par téléphone un premier diagnostic afin de déterminer et de déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature de l’appel).

    Dans ce cadre, le ministère de la Santé, en collaboration avec  le Collectif inter-associatif sur la santé (CISS), a lancé une campagne vidéo intitulée « Télémédecine : tout se joue maintenant ». Encore trop limitée à l’univers de l’hôpital, la télémédecine doit investir d’autres champs. Trois illustrations concrètes sont évoquées pour comprendre les bénéfices de cette nouvelle forme de médecine : égal accès aux soins et amélioration des délais de prise en charge ; maintien de la qualité du diagnostic par un partage des informations rapide et performant entre professionnels de santé ; limitation des complications liées à une prise en charge trop tardive —en particulier pour les AVC.

    Enfin, la mise en place de cette télémédecine permettrait de réduire le nombre de transports vers et depuis les hôpitaux, et gérer plus finement l’occupation des hôpitaux. Il faudra toutefois statuer sur une tarification des actes de télémédecine.

    Définir un cadre éthique

    Il s’agit désormais d’entériner ces nouvelles pratiques et de renforcer les passerelles entre professionnels de santé et experts du numérique, sans oublier de définir un cadre éthique. A ce titre, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) vient de publier un livre blanc sur les enjeux de la santé connectée. Objectifs : contribuer au débat public et rappeler la nécessité d’une régulation assurant à l’usager « la fiabilité des technologies et la protection des données personnelles ». Dans ce cadre, le CNOM engage les médecins à accompagner le déploiement du monde numérique. Il rappelle au passage qu’ « à toutes les époques de l’histoire, les médecins se sont adaptés aux avancées des sciences et des technologies pour améliorer la pratique de leur art ». Il se prononce pour « une régulation qui impose d’informer l’usager afin qu’il conserve sa liberté » en précisant que « la plupart des acteurs du secteur sont aujourd’hui demandeurs d’une régulation (…) et convaincus que la santé connectée aura peu d’avenir sans un environnement de confiance ». Cette régulation doit d’ailleurs se jouer avant tout au niveau européen, dans la droite ligne des réflexions engagées au sein de la Commission européenne. Enfin, le livre blanc formule 6 recommandations : définir le bon usage de la santé mobile au service de la relation médecin/patient ; promouvoir une régulation adaptée, graduée et européenne ; poursuivre l’évaluation scientifique ; veiller à un usage éthique des technologies de santé connectée ; développer la littératie numérique ; engager une stratégie nationale d’e-santé.

    Frédérique Guénot

    1. Projet de télémédecine en milieu rural pour améliorer l’accès aux soins pour les résidents en EHPAD mais aussi, ce qui fait la singularité du projet, de la population locale avec des actes de télé-consultation, télédiagnostic, téléassistance ou de télé-expertise.

     

     

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