• Pre Béatrice Duly-Bouhanick : Prise en charge de l’HTA chez le sujet diabétique

Béatrice Duly-Bouhanick

Discipline : Cardiologie

Date : 23/10/2023


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Fréquente en cas de diabète, l’HTA constitue un facteur de risque majeur de complications cardiovasculaires mais aussi oculaires et rénales.

Malgré une littérature abondante sur les cibles tensionnelles à atteindre chez le sujet diabétique et un arsenal thérapeutique anti-HTA important, encore de trop nombreux patients ne sont pas à l’objectif.

Le point avec la Professeure Béatrice Duly-Bouhanick, endocrinologue au CHU Rangueil de Toulouse et présidente de la SFHTA (Société française d’hypertension artérielle).

 

TLM : Pourquoi un bon contrôle de l’HTA est-il essentiel chez le sujet diabétique ?

Pre Béatrice Duly-Bouhanick : Parce que la plupart de ces patients sont à haut risque, voire très haut risque cardiovasculaire. Pour rappel, pour être considéré comme à risque modéré, le patient doit présenter un diabète évoluant depuis moins de 10 ans, sans atteinte d’organe cible et sans autre facteur additionnel. La prévalence de l’HTA dans le diabète de type 1 est de l’ordre de 15 %. La cause en est essentiellement la néphropathie diabétique ou une HTA familiale en l’absence d’atteinte rénale. En revanche, dans le diabète de type 2, après de nombreuses années d’évolution, la plupart des patients sont hypertendus. Il y a une véritable corrélation entre la durée d’évolution du diabète et la fréquence ainsi que la profondeur de l’HTA.

 

TLM : Quels objectifs tensionnels chez le diabétique hypertendu ?

Pre Béatrice Duly-Bouhanick : Les dernières recommandations de l’ESH (Société européenne et internationale d’Hypertension artérielle, Société européenne de Néphrologie) 2023 viennent renforcer et compléter les recommandations de 2018. Le seuil d’intervention correspond à une mesure ≥ 140/90 mmHg et la cible d’intervention, si elle est bien tolérée, est de <130/80 mmHg. Mais beaucoup de patients diabétiques de type 2 sont des sujets âgés qui peuvent ne pas supporter cette dernière cible. Dans ce cas et pour tout patient de plus de 80 ans, on ciblera plutôt entre 140 ou 150 car c’est essentiellement la pression artérielle systolique qui pose problème chez le sujet âgé. Ici, on peut revoir les cibles à la hausse car le patient d’un certain âge est en proie aux effets secondaires liés aux traitements, à la polymédication et à l’hypotension orthostatique qui est pourvoyeuse de chutes. Enfin, plusieurs études s’accordent sur le fait de ne pas cibler en dessous de 120/70 mmHg car une pression trop basse peut être délétère sur le plan cardiovasculaire.

 

TLM : De quels traitements disposent les patients diabétiques hypertendus aujourd’hui ?

Pre Béatrice Duly-Bouhanick : Les mesures hygiéno-diététiques sont incontournables et constituent le préalable de la prise en charge de l’hypertendu diabétique. Pour les diabétiques de type 2 avec une pression artérielle de 140 /90 mmHg, les recommandations insistent sur l’importance d’un régime diabétique pauvre en sel (entre 6 et 8g par jour, selon la HAS), l’arrêt du tabac, un apport en alcool modéré et une activité physique adaptée au patient. Lorsque la pression artérielle est supérieure à 140/90 mmHg, il est préférable de démarrer d’emblée un traitement pharmacologique, de préférence une bithérapie si le patient le tolère car il faut rapidement contrôler la pression artérielle. L’ensemble des cinq classes de médicaments disponibles en France peut donc être utilisé chez le diabétique et ce, en fonction des caractéristiques du patient : âge, comorbidités associées… Par ailleurs, les nouveaux antidiabétiques comme les inhibiteurs des SGLT2 ou les analogues du GLP-1 sont placés très haut dans l’arsenal thérapeutique chez les patients avec une maladie cardiovasculaire, une atteinte rénale ou une insuffisance cardiaque. Une efficacité a été démontrée aussi sur la microangiopathie. Enfin, la finérénone —un anti-aldostérone non stéroïdien non disponible en France— permettrait d’éviter l’atteinte cardiaque et d’assurer une protection rénale. En tout état de cause, il faudra souvent associer plusieurs traitements anti-HTA pour atteindre l’objectif tensionnel.

 

TLM : Quel est, selon vous, l’intérêt des associations thérapeutiques ?

Pre Béatrice Duly-Bouhanick : Les recommandations européennes, à la différence des recommandations françaises, prônent la bithérapie fixe dès que possible au regard de la tolérance du patient pour faciliter l’observance en limitant le nombre de comprimés. L’objectif ici étant de traiter efficacement et rapidement. Une lutte contre l’inertie thérapeutique et la prise en compte de l’observance sont deux points clés de la prise en charge.

 

TLM : Comment surveiller ces patients à haut risque ?

Pre Béatrice Duly-Bouhanick : Tous les patients hypertendus sous traitement nécessitent une surveillance clinique dans un premier temps. Les recommandations de la HAS sur la prise en charge de l’HTA insistent sur la nécessité de suivre mensuellement pendant six mois le patient pour adapter son traitement jusqu’à atteindre l’objectif tensionnel, mais les recommandations plus récentes européennes raccourcissent ce temps à trois mois pour obtenir le contrôle. On réévaluera ensuite le contrôle tensionnel, en cabinet ou en mesure ambulatoire. Sur le plan biologique, il est impératif d’établir une surveillance accrue à chaque fois que vous introduisez un traitement hypertenseur, car en baissant la pression artérielle la fonction rénale peut s’altérer, au moins de façon transitoire, et la kaliémie peut se voir modifiée en fonction des diurétiques utilisés.

 

TLM : Quel rôle pour le médecin généraliste ?

Pre Béatrice Duly-Bouhanick : Il est le pivot du système de prise en charge du patient diabétique hypertendu. En effet, ces patients souffrent généralement de pathologies associées et sont donc amenés à consulter différents spécialistes. Le médecin généraliste joue ici un rôle de centralisateur et contribue activement à l’enjeu véritable qui est d’améliorer le contrôle tensionnel des patients diabétiques puisqu’aujourd’hui, en France, seul un hypertendu sur 4 est à l’objectif.

Propos recueillis

par Romy Dagorne

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