• Pr Yves Lachkar : Le choix du traitement laser dans le glaucome à angle ouvert

Yves Lachkar

Discipline : Ophtalmologie

Date : 06/07/2023


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Changement de paradigme dans le traitement du patient glaucomateux !

Le laser SLT se positionnerait désormais comme le traitement de première intention du glaucome à angle ouvert. Les explications du Pr Yves Lachkar, chef du service d’Ophtalmologie à l’hôpital Saint-Joseph et directeur de l’Institut du Glaucome à Paris.

 

TLM : Quel est l’arsenal thérapeutique dont nous disposons pour la prise en charge du glaucome ?

Pr Yves Lachkar : Le glaucome a aujourd’hui accès à un arsenal thérapeutique important et multiple dont le but principal est d’abaisser la pression intraoculaire (PIO). Il est essentiellement constitué de collyres que l’on instille dans l’œil, de différents types de lasers et enfin de chirurgie, domaine qui dispose également de plusieurs techniques plus ou moins invasives.

 

TLM : Quels sont les indications du traitement par laser ?

Pr Yves Lachkar : Il existe de nombreuses formes de glaucome. Mais dans la pratique, on en distingue deux grands types : le glaucome à angle ouvert et celui à angle étroit ou fermé. Certains lasers (laser argon notamment) sont dédiés à la prévention et au traitement de ces derniers par iridotomie ou iridoplastie.

Ces interventions sont généralement effectuées en consultation. Le Laser SLT (Selective laser trabeculoplasty) permet quant à lui de traiter le glaucome à angle ouvert par trabéculoplastie.

 

TLM : Le laser SLT peut-il être indiqué en première intention chez le patient glaucomateux ?

Pr Yves Lachkar : Les paradigmes ont radicalement changé ces dernières années. Auparavant, la prise en charge des glaucomes à angle ouvert débutait le plus souvent par le traitement médical (instillation de collyres). Ce n’était qu’en cas de mauvaise évolution ou de mauvaise tolérance que le traitement au laser était proposé, suivi par l’option chirurgicale.

Aujourd’hui, plusieurs études ont démontré l’efficacité du laser SLT comme traitement de première intention du glaucome à angle ouvert. Et notamment l’étude LiGHT (Laser in Glaucoma and Hypertension Trial), une grande étude randomisée multicentrique ayant comparé l’efficacité pressionnelle d’un traitement par SLT ou par collyre antiglaucomateux en première intention chez des patients atteints de glaucome à angle ouvert. Un premier groupe de patients naïfs a été traité d’emblée par Laser SLT, alors que le second a été traité par collyres. Les résultats publiés à trois ans dans le Lancet1 étaient sans appel concernant les yeux traités par SLT en première intention. Près de 80% d’entre eux n’ont pas nécessité de collyres antiglaucomateux pour atteindre leur PIO cible, le nombre de cas de progression de la maladie glaucomateuse était significativement plus important dans le groupe collyre et les nombres de chirurgie de la cataracte et de trabéculectomie étaient significativement inférieurs dans le groupe SLT. Par ailleurs, on sait désormais que plus le SLT est proposé tôt dans la prise en charge et plus il est efficace.

 

TLM : Laser SLT : quelles sont les nouvelles données ?

Pr Yves Lachkar : Les résultats de cette même étude à six ans ont été publiés dans la revue Ophtalmology2 très récemment. Près de 70% des yeux du bras trabéculoplastie sont restés au niveau ou en-dessous de la PIO cible sans nécessiter de traitement médical ou chirurgical.

De plus, près de 30 % des yeux du groupe avec les gouttes ont eu une progression de la maladie, contre un peu moins de 20 % dans le groupe trabéculoplastie. Le résultat était significatif. Il y a eu aussi plus de chirurgies de la cataracte et du glaucome dans le groupe recevant les gouttes que dans celui avec le traitement laser. Le laser SLT est efficace, très bien toléré, retarde la chirurgie et permet de stabiliser les patients glaucomateux.

 

TLM : Alors, le laser SLT égale-t-il ou dépasse-t-il en efficacité le traitement par collyre ? Et comment choisir ?

Pr Yves Lachkar : Ces techniques ne s’opposent pas mais se complètent, ce qui signifie qu’un patient peut parfaitement avoir recours à des collyres et du laser, une chirurgie plus des collyres, ou encore du laser puis une chirurgie. Ces traitements peuvent, dans certains cas, s’additionner. En tout état de cause, après un traitement au laser, il faudra poursuivre la surveillance au long cours de la tension du nerf optique et du champ visuel. Près d’un tiers des patients vont nécessiter, par la suite —au bout de six ans— l’instillation d’un collyre, un nouveau traitement au laser ou une intervention chirurgicale pour stabiliser leur maladie. En revanche, il est vrai que le traitement par laser SLT permet généralement de diminuer de façon drastique le traitement médical (collyre) et engendre par conséquent, une amélioration de la qualité de vie du patient.

 

TLM : Qu’est-ce que la cyclophotocoagulation infraliminaire cadencée ? Et constitue-t-elle une alternative efficace à la chirurgie ?

Pr Yves Lachkar : Il s’agit d’une technologie de traitement au laser qui se fait au bloc opératoire car il répond à des procédures laser plus invasives et plus douloureuses, nécessitant par conséquent le recours à une anesthésie locale avec sédation pour détendre le patient et lui éviter toute douleur. Ces lasers sont généralement réservés aux patients qui ont déjà été opérés du glaucome mais pour lesquels la tension oculaire n’est pas équilibrée malgré la chirurgie et le collyre en complément. La cyclophotocoagulation est donc une option thérapeutique réservée au glaucome réfractaire. Ce type de laser a l’avantage de délivrer des impulsions laser ultracourtes (microsecondes) sous la forme d’un train de pulses alternant temps de tir et temps de refroidissement, permettant de réduire la PIO en limitant les effets inflammatoires. Le mécanisme d’action passe par une inflammation induite du corps ciliaire avec une diminution de la production d’humeur aqueuse et une optimisation de la voie d’évacuation uvéosclérale.

Propos recueillis

par Marie Ruelleux

1. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(18)32213-X

2. https://doi.org/10.1016/j.ophtha.2022.09.009

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