• Pr Xavier Girerd : Le patient hypertendu nécessite un traitement sur mesure

Xavier Girerd

Discipline : Cardiologie

Date : 06/07/2023


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Dans la prise en charge des patients hypertendus, l’essentiel est que le médicament choisi soit prescrit au bon dosage, assure le Pr Xavier Girerd, cardiologue à l’Institut de Cardiologie du Groupe hospitalier PitiéSalpêtrière (Paris) et président de la Fondation de recherche sur l’hypertension artérielle (FRHTA / www.frhta.org).

 

TLM : Les derniers chiffres publiés par Santé publique France dénombrent 17 millions de Français hypertendus, parmi lesquels seuls 9 millions sont traités. On observe, en outre, une baisse du recours aux soins. Cela vous surprend-il ?

Pr Xavier Girerd : Malheureusement non. Quand on annonce aux gens qu’ils sont hypertendus, ils sont dans le déni : ils ne se considèrent pas comme malades et ne veulent surtout pas avoir à prendre un traitement tous les jours pour le reste de leur vie. En outre, beaucoup plébiscitent les solutions naturelles et sont persuadés que mener une vie saine les préservera de l’hypertension artérielle : c’est faux !

 

TLM : Est-ce à dire que les mesures de prévention comme une alimentation peu salée ou une activité physique régulière sont sans fondement ?

Pr Xavier Girerd : Des études scientifiques très bien menées (contrôlées, randomisées, contre placebo) ont montré que faire du sport —pas une simple activité physique, mais un sport dont l’intensité entraîne une hausse du rythme cardiaque et un essoufflement— entraîne une baisse de la pression artérielle de 6 mmHg ; une bithérapie entraîne une baisse de 20 mmHg. Même constat pour le sel : selon une vaste étude européenne, diminuer ses apports d’1 g réduit la pression artérielle... d’1 mmHG. À l’inverse, ce que beaucoup ignorent, c’est qu’une alimentation dépourvue de sel est dommageable pour la santé —sans parler du manque de saveur des aliments… Tout ceci pour dire que les mesures hygiéno-diététiques ne sont pas inutiles mais qu’elles ne peuvent en aucun cas remplacer un traitement médicamenteux pour normaliser la pression artérielle.

Et la tendance croissante des Français à refuser les médicaments devient très préoccupante. Il est urgent de les réhabiliter dans la prise en charge de l’hypertension artérielle.

 

TLM : Santé publique France évoque, par ailleurs, un manque de connaissances à l’égard de l’HTA : le médecin doit-il, selon vous, passer plus de temps à expliquer les choses au patient ?

Pr Xavier Girerd : Je ne le pense pas. Le problème, à mon avis, n’est pas le manque d’information —les gens sont, au contraire, surinformés. Le problème est qu’ils ne croient plus en la parole de leur médecin !

 

TLM : Dès lors, comment les convaincre de suivre leur traitement ?

Pr Xavier Girerd : En leur expliquant les raisons pour lesquelles leur médecin le leur a prescrit : à savoir diminuer le risque de faire un AVC avant 60 ans et éviter une insuffisance cardiaque après 60 ans. Le traitement médicamenteux vise à ramener leur pression artérielle à la norme sans qu’ils souffrent d’éventuels effets indésirables. Or, des travaux ont montré que les femmes avaient, comparées aux hommes, une moindre tolérance et davantage tendance à développer des effets indésirables.

L’hypothèse la plus probable est que ceci est dû au fait que les femmes et les hommes n’ont ni la même morphologie ni le même poids. Pourtant, les médicaments antihypertenseurs qui leur sont prescrits le sont aux mêmes dosages.

 

TLM : La posologie d’un médicament hypertenseur n’est donc jamais adaptée au poids du patient ?

Pr Xavier Girerd : Non et c’est, à mon avis, une grave erreur ! Les recommandations, qu’elles émanent des autorités de santé ou des laboratoires pharmaceutiques qui fabriquent les médicaments, ne mentionnent pas le poids des patients comme élément à prendre en compte pour adapter le dosage. Les doses prescrites à une patiente qui pèse moins de 50 kilos sont donc les mêmes que celles prescrites à un patient de plus de 80 : c’est absurde ! Pour limiter la survenue d’effets indésirables, la plupart des médecins préfèrent prescrire le dosage le plus faible. Résultat, le médicament n’est pas efficace, le patient déçu, et tout ceci contribue au manque d’observance thérapeutique et à l’aggravation de la perte de confiance envers l’industrie pharmaceutique.

 

TLM : Que préconisez-vous ?

Pr Xavier Girerd : De donner d’emblée le bon dosage, et donc de l’adapter au poids du patient. La prise en charge d’un patient hypertendu nécessite un traitement sur mesure. Idéalement, il faudrait prescrire une bithérapie en première intention à tous les patients hypertendus. C’est ce que recommande la Société européenne d’hypertension artérielle (ESH). Mais la Haute Autorité de santé n’a pas le même avis et ne rembourse pas les bithérapies en première intention...

 

TLM : Y a-t-il des molécules à privilégier ?

Pr Xavier Girerd : Le choix du premier médicament n’a aucune importance. Toutes les molécules se valent à condition, j’insiste, qu’elles soient prescrites au bon dosage. Après, mieux vaut peut-être éviter le médicament associé à un risque élevé d’effets indésirables comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) qui entraînent de la toux chez 20% des personnes traitées.

 

TLM : Et si le médicament ne permet pas de contrôler la pression artérielle ?

Pr Xavier Girerd : Il faut alors lui associer un deuxième médicament sans tarder. Car plus on attend, plus le système cardiovasculaire s’abîme et plus il devient difficile de récupérer une pression artérielle normale. Selon les recommandations de la HAS qui datent de 2016, on peut associer un Sartan ou un IEC à un diurétique thiazidique ou à un antagoniste calcique dihydropyridine, un diurétique thiazidique à un antialdostérone, et un bêtabloquant à un diurétique thiazidique ou à un antagoniste calcique dihydropyridine. Si l’hypertension n’est toujours pas contrôlée, on ajoute un troisième hypertenseur en s’assurant que la prescription comporte un diurétique thiazidique, puis, si nécessaire, un quatrième à condition qu’il y ait un antialdostérone.

 

TLM : L’accès aux cardiologues reste compliqué. Comment obtenir rapidement l’avis d’un expert ?

Pr Xavier Girerd : Le numérique a considérablement fait évoluer les pratiques. La téléconsultation permet aux gens de ne pas attendre d’obtenir un rendez-vous au cabinet pour obtenir un premier « débrouillage » de leur situation. Quant aux médecins généralistes qui s’interrogent sur la conduite à tenir, ils peuvent demander laavis de confrères spécialistes via des outils de téléexpertise comme la plateforme omnidoc.fr.

Propos recueillis

par Jeanne Labrune

La Fondation de recherche sur l’hypertension artérielle (FRHTA)

Depuis 2005 la FRHTA a comme missions de financer la recherche sur l’hypertension et ses maladies associées. Ces dernières années la FRHTA a cherché à faire entendre les avis d’experts médecins francophones pour lutter contre les informations non validées concernant l’hypertension artérielle.

Des vidéos sans publicité ont été produites sur la chaîne YouTube « Hypertension France », des podcasts gratuits « Les voix de l’hypertension » hébergés sur Spotify et Apple podcast, une lettre d’information mensuelle (infos@tension). L’actualité scientifique et médicale sur la tension et l’hypertension est mise à jour régulièrement sur www.frhta.org. Pour aider à la bonne utilisation des tensiomètres automatiques et de la pratique de l’automesure de la tension, l’application SuiviHTA a été mise au point et disponible gratuitement sur les plateformes de téléchargement.

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