• Pr VITTON : Constipation distale, laxatifs et suppositoires en première intention

Véronique VITTON

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 22/06/2020


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La constipation d’évacuation, un sujet encore tabou rarement évoqué en consultation. Malgré leur efficacité, les laxatifs et suppositoires restent insuffisamment prescrits, déplore le Pr Véronique Vitton (service hépato-gastro-entérologie et oncologie digestive à l’hôpital Nord de marseille). 

Sa définition s’est longtemps limitée à l’émission de moins de trois selles par semaine alors qu’il peut s’agir d’une constipation d’exonération (également appelée constipation distale ou dyschésie). Dans ce cas le nombre de selles peut être normal mais le patient rapporte une plainte concernant des efforts de poussée exagérés, une sensation d’évacuation incomplète ; une sensation de blocage ano-rectal ; la nécessité de manœuvres digitales pour aider à l’exonération, le tout avec souvent des selles dures ou fragmentées, correspondant au niveaux 1 et 2 sur l’échelle de Bristol.

La constipation d’évacuation résulte d’un manque de coordination entre les muscles abdominaux et ceux du plancher pelvien lors de la défécation (dyssynergie ano-rectale), explique la spécialiste. Dans leurs recommandations pour une meilleure prise en charge de la constipation, la Société nationale française de colo-proctologie (SNFCP), le Groupe français de neuro-gastroentérologie (GFNG) et la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE) mettent en cause « un mauvais apprentissage de la contraction des sphincters anaux (...), induit par une réaction d’évitement à la douleur, un traumatisme ou une envie d’aller à la selle négligé ». Le Pr Vitton pointe également les traumatismes obstétricaux : « De nombreuses femmes, parce qu’elles ont subi une rupture des muscles anaux au moment de leur accouchement (un tiers d’entre elles), puis entrepris une rééducation périnéale trop intense et/ou trop rapidement après, se retiennent inconsciemment au moment d’exonérer. » Autres facteurs de risque connus : le sport de haut niveau, qui entraîne une hypertonicité du périnée, et les abus sexuels.

Le toucher rectal, un examen indispensable au diagnostic

Le diagnostic de constipation repose avant tout sur un interrogatoire à la recherche de signes évocateurs d’un obstacle à l’évacuation, et vise à déterminer leur sévérité et leur impact sur la qualité de vie. Certains médicaments étant susceptibles de provoquer un ralentissement du transit, un recensement exhaustif des traitements suivis par le patient doit également être effectué. Cet interrogatoire doit être suivi d’un examen clinique comprenant un examen du périnée et de la région anale. « Le médecin doit impérativement éliminer un diagnostic de cancer du côlon ou du rectum par un toucher rectal », affirme le Pr Vitton. Et ce, quel que soit l’âge du patient, insiste la spécialiste. Cet examen permet en outre d’identifier la présence d’une masse rectocèle ou de suspecter un prolapsus interne du rectum (ou procidence rectale interne), deux facteurs de risque d’échec des traitements médicamenteux de la constipation distale. 

Outre les conseils hygiéno-diététiques prônant une alimentation riche en fibres et la pratique régulière d’une activité physique, la prise en charge d’une constipation distale s’appuie en premier lieu sur des traitements médicamenteux qui ont prouvé leur efficacité, explique le Pr Vitton. « Les laxatifs à lest (mucilages) et les suppositoires à libération de gaz comme le tartrate acide de potassium, précise-t-elle, constituent le traitement de première intention en cas de selles trop dures et trop petites pour être évacuées. En agissant sur leur consistance et leur volume, ces traitements permettent de rééduquer l’exonération et, parfois, de retrouver la sensation du besoin d’aller à la selle. » Contrairement à une idée reçue encore très ancrée dans de nombreux esprits, ces traitements peuvent être suivis à vie, « comme pour des maladies chroniques », assure l’hépato-gastro-entérologue.

La prescription d’examens complémentaires doit être envisagée uniquement en cas d’échec aux traitements médicamenteux bien conduits et si la gêne est majeure, ajoute la spécialiste. Il s’agit principalement d’une manométrie ano-rectale, complétée par un test d’expulsion du ballonnet. « Ce test permet d’évaluer la poussée abdominale et de diagnostiquer une asynergie abdomino-périnéale. Mais peu de centres et de kinésithérapeutes proposent cet examen… » 

 Propos recueilis par Amélie Pelletier

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