• Pr VALENSI : DT2 : risque cardiovasculaire revu à la baisse mais à évaluer

Paul VALENSI

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 10/01/2022


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« Il est faux de dire que tous les patients diabétiques ont un risque cardiovasculaire élevé », affirme le Pr Paul Valensi, endocrinologue-diabétologue à l’hôpital Jean-Verdier (Bondy), et membre de la Task- Force ESC-EASD*. De cette observation découlent de nouvelles recommandations en matière d’évaluation du risque cardiovasculaire dans cette population.

 

TLM : Pourquoi la SFD** et la SFC*** ont-elles modifié récemment leurs recommandations en matière de dépistage coronaire chez les personnes diabétiques asymptomatiques ?

Pr Paul Valensi : Traditionnellement, on considère que les patients diabétiques de type 2 ont un risque cardiovasculaire élevé ou très élevé, et que les diabétiques de type 1 ont un risque sans doute élevé —du fait de leur moins grand nombre, ce surrisque est plus difficile à étudier. Or des travaux suédois menés chez des personnes diabétiques de types 1 et 2 ont montré que ce dogme était faux. Certes, ces patients ont un risque cardiovasculaire supérieur à celui de la population générale, mais ce surrisque est en fait très hétérogène ; pour autant on s’est aperçu que si les facteurs de risque modifiables sont contrôlés, le niveau de risque est alors considérablement réduit. On ne considère donc plus que tout patient diabétique est, du seul fait de son diabète, à très haut risque cardiovasculaire.

 

TLM : Quels sont ces facteurs de risque cardiovasculaire ?

Pr Paul Valensi : Plusieurs facteurs de risque doivent être pris en compte : certains sont indépendants du diabète, comme l’âge, le sexe ainsi que les facteurs de risque classiques que sont un taux élevé de LDL-cholestérol et de cholestérol non-HDL, une hypertension artérielle, un tabagisme, un antécédent familial de maladie cardiovasculaire précoce ; d’autres sont liés au diabète : une maladie ancienne, déséquilibrée, une atteinte rénale...

 

TLM : Comment doit-on désormais quantifier le risque coronaire ?

Pr Paul Valensi : Pour l’heure, cela reste délicat. En revanche, la Société francophone du diabète, en accord avec la Société française de cardiologie, propose de stratifier ce risque chez les diabétiques asymptomatiques âgés de 35 à 75 ans grâce à un nouvel algorithme d’évaluation du risque coronaire. Cette stratification se fait en trois étapes : classification, à partir de critères simples, des patients à très haut risque, à haut risque et à risque modéré ; mesure du score de calcifications coronaires (score calcique) à l’aide d’un scanner cardiaque chez les patients à haut risque ; reclassement éventuel de ces patients dans le groupe à très haut risque ou à risque modéré.

 

TLM : Que change cette nouvelle approche ?

Pr Paul Valensi : C’est une approche très centrée sur le patient, dont l’objectif est de répondre à la question « Quel est le niveau de risque cardiovasculaire de mon patient ? ». Car de ce niveau de risque dépendent à la fois les objectifs thérapeutiques (plus exigeants pour le niveau de LDL-cholestérol à atteindre notamment) et les modalités de prise en charge. Avec cette nouvelle approche, seuls les patients à très haut risque relèvent d’un dépistage systématique d’une maladie coronaire jusque-là silencieuse par scintigraphie myocardique ou échographie de stress ; s’il est positif, une coronarographie assortie d’un avis cardiologique sera également nécessaire.

 

TLM : Quels sont précisément les critères correspondant à chaque niveau de risque ?

Pr Paul Valensi : Un patient sera désormais classé à très haut risque cardiovasculaire s’il présente d’emblée des antécédents cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, fibrillation atriale...), un taux de LDLc >1,9g/L sous traitement ; une macroprotéinurie (albuminurie supérieure à 300 mg/24h ou 200 mg/L), une insuffisance rénale sévère (DFG estimé <30 ml/min/1,73 m2), une sténose athéromateuse périphérique supérieure à 50 %, un ECG anormal avec des ondes Q, ou si son échocardiographie montre une anomalie fonctionnelle ou une hypertrophie du ventricule gauche. Chez les autres patients, le risque est évalué au regard des critères du haut risque : un diabète de type 2 de plus de 10 ans ou un diabète de type 1 de plus de 20 ans ; un antécédent de maladie cardiovasculaire précoce (avant 50 ans chez l’homme, 60 ans chez la femme) chez un parent du premier degré ; des facteurs de risque non contrôlés de façon persistante (HbA1c, LDLc, non-HDLc, HTA, tabac) ; une albuminurie comprise entre 30 et 300 mg/j ou entre 20 et 200 mg/L ; un DFGe compris entre 30 et 60 ml/min/1,73m2 ; une rétinopathie sévère ; une neuropathie autonome ou une dysfonction érectile. Il suffit de remplir deux de ces critères pour être considéré à haut risque.

 

TLM : Sur quel critère repose le reclassement des patients à haut risque ?

Pr Paul Valensi : Sur le score calcique. S’il est supérieur à 400 à tout âge ou compris entre 101 et 400 à moins de 60 ans, ces patients sont reclassés en patients à très haut risque ; à l’inverse, si leur score calcique est compris entre 11 et 100 à plus de 50 ans ou inférieur à 10 à tout âge, ils rejoignent le groupe à risque modéré ; dans les cas contraires, ils restent dans le groupe à haut risque.

 

TLM : Que vont changer, sur le plan pratique, ces nouvelles recommandations ?

Pr Paul Valensi : Ces nouvelles recommandations impliquent de la part des diabétologues des changements de pratiques, un plus grand investissement et une compétence dans l’évaluation du risque cardiovasculaire et rénal, ainsi qu’une meilleure collaboration avec les autres spécialistes concernés. Cela va, en outre, permettre de limiter les écho-Doppler aux seuls patients diabétiques pour lesquels ils sont réellement indiqués. Aujourd’hui encore, par habitude sans doute, beaucoup trop de ces examens sont réalisés chez des patients asymptomatiques en dépit des recommandations préconisant le contraire.

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

* European Society of Cardiology (ESC) et European Association for the Study of Diabetes

** Société Francophone du Diabète

*** Société Française de Cardiologie

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