• Pr. TAILLE : Prise en charge de l’asthme sévère associé à une inflammation de type 2

Camille TAILLE

Discipline : Pneumologie

Date : 20/01/2021


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TLM : Quand peut-on parler d’asthme sévère et d’asthme sévère non contrôlé? Pr Camille Taillé : Un patient est atteint d’asthme sévère lorsqu’il a besoin de corticoïdes par voie inhalée à forte dose, avec un bronchodilatateur de longue durée d’action, depuis au moins 12 mois. Si malgré ce traitement, les symptômes d’asthme persistent, avec des exacerbations, l’asthme est mal contrôlé. Avant de parler d’asthme sévère, il faut bien sûr s’assurer que le patient manipule bien son dispositif, que l’observance du traitement est correcte sur 12 mois et que la prise en charge des comorbidités (reflux, rhinosinusite, apnées du sommeil...) est optimale. On estime que 3 à 5% des patients asthmatiques souffrent d’asthme sévère, dont une bonne partie sont non contrôlés.

Qu’est-ce qu’une inflammation de type 2 et comment la mettre en évidence ?
L’inflammation de type 2 est reflétée par la présence de cytokines de type 2 (notamment IL-4, IL-5 et IL-13).
On peut la caractériser par deux marqueurs différents. L’élévation du taux d’éosinophiles sanguins est mesurée grâce à une simple prise de sang. C’est une technique rapide à faire en routine mais peu précise car elle peut conduire à sous-estimer une inflammation bronchique. On peut également compter les éosinophiles dans l’expectoration, mais la technique est lourde et pratiquée seulement dans des centres experts. Le deuxième marqueur, plus récent, est la fraction expirée de monoxyde d’azote (FeNO), très simple, mais mesuré avec un appareil non remboursé en France et de ce fait disponible uniquement dans certains centres. Entre 50 et 60% des asthmes sévères seraient associés à une inflammation de type 2. L’intérêt d’identifier ces patients est qu’il existe désormais des traitements qui vont cibler spécifiquement cette inflammation.

Le plus fréquent de ces facteurs étant les infections virales, il est important de faire vacciner les patients contre la grippe en hiver. Ensuite, il faut limiter l’exposition aux allergènes chez les patients allergiques, et de manière générale réduire l’exposition aux irritants : parfums, désodorisants, bougies, produits ménagers et bien sûr le tabac. Cela passe par de l’éducation et de la prévention. La prise régulière d’un traitement de fond par corticoïdes inhalés reste toutefois la meilleure solution pour limiter les exacerbations même si cela n’est pas efficace chez tout le monde, notamment les patients sévères.

Quid des facteurs contribuant aux exacerbations ?

Le médecin généraliste a un rôle essentiel dans le dépistage des asthmes non contrôlés qu’il doit ensuite référer à un pneumologue, voire à un centre d’asthme. Ce n’est pas toujours facile, car il voit ces patients le plus souvent en période d’exacerbations et n’a pas toujours l’occasion de refaire le point en période « froide ». Si un patient fait deux ou trois exacerbations dans l’année, le médecin traitant devrait avoir le réflexe de demander l’avis d’un spécialiste. Il doit vérifier avant que le patient prend bien son traitement et qu’il n’y a pas d’élément extérieur facilement corrigeable qui contribue au mauvais contrôle, tel qu’un reflux gastroœsophagien non traité. Dès lors qu’un patient a besoin d’un traitement par fortes doses de corticoïdes inhalés, il faut l’avis d’un pneumologue, le seul habilité à prescrire des biothérapies.

Que va faire le spécialiste ?

Face à un asthme non contrôlé associé à une inflammation de type 2, le pneumologue dispose aujourd’hui de cinq biothérapies. Il s’agit d’anticorps monoclonaux qui inhibent des molécules spécifiques de l’inflammation : trois ciblent la voie de l’IL-5, un cible à la fois l’IL-4 et l’IL-13 et le dernier cible les immunoglobulines de type E. Ces sont des traitements très innovants administrés par voie sous-cutanée (le plus souvent par le patient lui-même à la maison) tous les 15 jours ou tous les mois. Ils permettent de réduire les exacerbations (de 50% en moyenne), les doses de corticoïdes oraux, et d’améliorer le contrôle de la maladie. Cependant tous les patients ne répondent pas de la même façon. Pour une molécule donnée, certains « super-répondeurs » voient tous leurs symptômes disparaître en quelques semaines (15 à 20%), la majorité ont des réponses franches mais peuvent garder quelques symptômes, et il y a malheureusement des « non répondeurs » (environ 20%).

Comment s’effectue le choix de la biothérapie ?

C’est exceptionnel d’arrêter le traitement de fond chez un patient asthmatique. Lorsqu’il reçoit en plus une biothérapie et qu’elle est bien supportée, c’est toutefois possible. On ne connaît pas encore la durée optimale de traitement pour ces biothérapies, mais elle est certainement longue. En effet, des études ont montré, pour deux de ces molécules, des rechutes rapides chez les patients ayant arrêté leur biothérapie, après trois ans de traitement.

Comment surveiller et réévaluer le traitement de l’asthme sévère non contrôlé ?
C’est le pneumologue qui surveille le traitement, conjointement avec le médecin généraliste qui est le mieux placé pour voir le patient en période d’exacerbation. Après quatre à six mois, il évaluera les bénéfices en termes d’exacerbations, d’amélioration du contrôle et de fonction respiratoire. Si les effets sont positifs, le traitement sera poursuivi et renouvelé tous les six mois pendant plusieurs années. Parallèlement, on peut réduire le traitement de fond avec les corticoïdes inhalés. A l’inverse, si le traitement ne fonctionne pas ou pas suffisamment, après minimum six mois d’évaluation, on essayera une autre biothérapie. Certains patients peuvent répondre à l’anti-IL-5 et pas à l’anti-IL-4/13 et vice-versa, par exemple.

Propos recueillis par Sabine Casalonga

 

 

 

 

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