• Pr Stéphane Schneider : Modalités de mise en place d’une nutrition entérale ou parentérale

Stéphane Schneider

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 13/10/2022


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Patients en état de dénutrition, dysphagie due à une cause neurologique —AVC, Parkinson— sont quelques-unes des indications de la nutrition entérale et parentérale. Le Pr Stéphane Schneider, gastroentérologue, responsable de l’activité Nutrition au CHU de Nice, en précise les modalités d’introduction, notamment pour les patients à domicile.

 

TLM : Comment définir la nutrition entérale et parentérale ?

Pr Stéphane Schneider : Qu’il s’agisse de nutrition entérale ou parentérale, l’objectif est de donner une alimentation artificielle à un patient, sans que celui-ci ne manifeste la volonté de manger, un désir de nourriture ou la sensation de faim. La nutrition entérale se pratique par le biais d’une sonde gastrique. Celle-ci peut passer par le nez ou à travers une stomie digestive, gastrostomie ou jéjunostomie. La nutrition parentérale, elle, court-circuite le tube digestif pour être administrée par voie intraveineuse. La nutrition par voie entérale respecte donc la physiologie digestive. Elle présente moins de risque de complications et elle est de surcroît moins chère. La nutrition parentérale est plus simple pour le patient car il ne porte pas de sonde à travers le nez ou ailleurs, mais seulement un cathéter pour délivrer les nutriments ; le risque de complications est cependant plus important. Le choix de la voie d’administration de la nutrition artificielle est déterminé par le médecin, en accord avec le patient, en fonction de la pathologie en cause. Il peut s’agir soit d’une nutrition transitoire pour quelques semaines —le temps que le patient puisse se réalimenter normalement—, soit, dans certains cas, d’une nutrition à vie. Il y a ainsi chaque année environ 50 000 personnes qui en bénéficient.

 

TLM : Quand faut-il mettre en place une alimentation entérale ou parentérale ?

Pr Stéphane Schneider : Les indications de nutrition artificielle sont multiples. Globalement, ce type d’alimentation est destiné à des patients en état de dénutrition, incapables de couvrir leurs besoins nutritionnels en mangeant. L’alimentation artificielle entérale est nécessaire, par exemple, pour des malades présentant une dysphagie due à une cause neurologique —accident vasculaire cérébral, maladie de Parkinson—, ou encore à une tumeur des voies aérodigestives supérieures. Les malades dénutris après une infection aiguë, un passage de longue durée en soins intensifs ou après une chirurgie lourde peuvent aussi en avoir besoin. En cas d’occlusion chronique ou de carcinose péritonéale notamment, la nutrition parentérale est instaurée en première intention.

 

TLM : Qui prescrit et surveille l’administration de la nutrition artificielle à domicile ?

Pr Stéphane Schneider : Il existe des textes réglementaires définissant précisément cette pratique. La prescription est forcément faite par un médecin hospitalier ou exerçant dans une clinique privée. Le médecin prescripteur détermine les besoins et le mode d’administration en fonction de l’âge, du sexe, du poids, de la taille et de la maladie du patient… Il fait poser les sondes gastriques pour la voie entérale ou les cathéters veineux pour la voie parentérale. Il prescrit les produits de nutrition, la durée d’administration, le matériel, la pompe, la surveillance biologique. Des prestataires de soins distributeurs de matériel prennent alors en charge la logistique à domicile. Des infirmières gèrent la mise en place de l’alimentation artificielle au quotidien. Concernant la nutrition entérale, l’infirmière branche la sonde du patient à la pompe, elle-même connectée aux poches de nutriments, le patient étant en général nourri pendant la nuit.

La nutrition entérale recourt à des produits complets couvrant les besoins en macro et micronutriments avec, selon les situations, des fibres ou pas. Par voie entérale, le patient est alimenté tous les jours.

 

TLM : Et pour la nutrition parentérale ?

Pr Stéphane Schneider : Ce sont également les infirmières qui viennent à domicile pratiquer les branchements des poches de nutrition au cathéter. Ces poches présentent trois compartiments, l’un pour les acides aminés, un autre pour les lipides et un troisième pour les glucides, associés à des vitamines et des oligoéléments. Les poches sont mélangées et les micronutriments ajoutés avant d’être administrées par voie intraveineuse. Par voie parentérale, l’alimentation peut se faire trois fois par semaine.

 

TLM : Quelle solution pour les patients souffrant de malabsorption ?

Pr Stéphane Schneider : Pour les patients souffrant de malabsorption ou de mal-digestion, il existe des produits semi-élémentaires, en partie digérés, qui permettent de répondre mieux à leurs besoins par voie entérale.

 

TLM : Comment s’effectue la surveillance à domicile ?

Pr Stéphane Schneider : Les sondes digestives ou les cathéters sont mis en place à l’hôpital. Les infirmières libérales effectuent la surveillance à domicile de ces dispositifs. Le médecin traitant peut aussi être sollicité. Cette surveillance vise à vérifier la prise de poids, l’évolution pondérale et l’absence de complications.

Quelles sont les éventuelles complications liées à cette nutrition artificielle ?

Elles sont moins fréquentes en nutrition entérale que parentérale. Le principal risque, en nutrition entérale, c’est la pneumopathie d’inhalation ; un risque rare mais grave, avec un taux de mortalité de l’ordre de 50 %. Cette complication survient en général au début de la mise en place de la nutrition, à l’hôpital, rarement à domicile. Pour réduire ce risque il est impératif de maintenir une position demi-assise pendant toute la durée de l’alimentation. Il peut y avoir aussi des troubles digestifs —diarrhée, constipation— qui seront gérés en modulant la quantité de fibres dans les nutriments. Parfois des infections autour de la sonde, au niveau de la paroi du nez par exemple, peuvent survenir.

Les accidents avec l’alimentation parentérale sont plus fréquents. Il peut s’agir d’infections par le biais du cathéter, en raison d’un manque d’hygiène lors de la mise en place ou du retrait de la poche de nutrition. Le professionnel de santé qui s’en charge doit être doté d’équipements stériles, charlotte, masque, casaque, gants. Peuvent aussi survenir des hyperglycémies ou encore une insuffisance cardiaque liées à des apports liquides trop importants… Pour éviter ces complications parfois graves, les professionnels de santé doivent respecter les bonnes indications et les bonnes pratiques. En particulier, la nutrition parentérale est utilisée trop souvent car elle est mieux acceptée par le patient —elle lui évite de vivre avec une sonde dans le nez— mais présente davantage de risques. Il faut donc privilégier chaque fois que possible la voie entérale, dont les complications sont moins fréquentes.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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