Le lavage oculaire à l’aide d’une solution appropriée plusieurs fois par jour peut permettre de venir à bout des conjonctivites bénignes d’origine virale ou bactérienne, rappelle le Pr Claude Speeg-Schatz, responsable du service d’Ophtalmologie pédiatrique au CHRU de Strasbourg et présidente de la Société française d’ophtalmologie (SFO).

S’ils se révèlent insuffisants, on prescrira des collyres antiseptiques ou antibiotiques.

TLM : Quels sont les signes qui doivent évoquer une irritation de la conjonctive ?

Pr Claude Speeg-Schatz : Le premier signe de l’irritation de la conjonctive c’est le larmoiement des yeux. L’œil peut devenir rouge, sale, avec des sécrétions purulentes et les cils collés le matin au réveil. Cette irritation est le plus souvent d’origine infectieuse, virale ou bactérienne. Il faut faire la différence entre les conjonctivites de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte, qui sont en général bénignes, et celles du nouveau-né. Une conjonctivite chez le nouveau-né de moins d’un mois peut être la manifestation d’une maladie sexuellement transmissible de la mère, contractée par le bébé au moment de l’accouchement. Il peut alors s’agir d’une conjonctivite liée à un gonocoque, un chlamydia ou encore à l’herpès. Ces conjonctivites doivent être diagnostiquées et traitées rapidement, car elles peuvent être potentiellement sévères. De manière générale, les conjonctivites représentent la moitié des actes en ophtalmologie réalisés par les médecins généralistes. Il y aurait chaque année entre 20 et 50 cas de conjonctivite pour 1 000 habitants. C’est donc une pathologie très fréquente.

TLM : Comment diagnostiquer et traiter une conjonctivite d’origine bactérienne ?

Pr Claude Speeg-Schatz : La conjonctivite bactérienne est en général unilatérale, l’œil est rouge, le patient a une sensation de grain de sable dans l’œil, qui est purulent et peut gratter. Les cils sont collés le matin au réveil. De manière générale, il n’est pas nécessaire de faire de prélèvement bactériologique en cas de conjonctivite bactérienne chez l’enfant ou l’adulte. La première étape du traitement consiste en lavements de l’œil au minimum quatre fois par jour avec une solution de lavage oculaire, pour éliminer les sécrétions.

Cela peut suffire pour venir à bout de la conjonctivite bactérienne. Si au bout de trois jours l’infection n’est pas guérie, il faut continuer le lavage régulier et l’associer à un collyre antiseptique, dans un premier temps pour éviter la sélection des germes. Si cela n’est pas suffisant, différents collyres antibiotiques peuvent être utilisés, la rifamycine ou la tobramycine pendant 7 à 10 jours à la dose de trois gouttes par jour ou l’azithromycine, deux gouttes par jour pendant trois jours. Des règles d’hygiène doivent être bien respectées. Avant les soins, il est impératif de se laver les mains. La conjonctivite bactérienne est très contagieuse, il faut éviter de partager serviettes ou gants de toilette avec les autres membres de la famille. Dans les conjonctivites bactériennes, parmi les symptômes, peut apparaître un chemosis — œdème de la conjonctive qui devient gonflée.

Pour le patient cette évolution est impressionnante et constitue un facteur de stress, mais avec le lavage des yeux et les collyres antiseptiques le retour à la normale intervient en quelques jours.

TLM : Quels sont les symptômes d’une conjonctivite virale et comment la prendre en charge ?

Pr Claude Speeg-Schatz : La conjonctivite virale est en général bilatérale, l’œil est rouge, larmoyant, mais il n’y a pas de sécrétions purulentes. Il est possible d’observer dans certains cas la présence d’un ganglion en avant de l’oreille.

Cette conjonctivite, liée le plus souvent à un adénovirus, est très contagieuse aussi. Là encore, il faut veiller à respecter des règles d’hygiène lorsqu’il y a un cas dans la famille, pour ne pas contaminer toute la fratrie. Le traitement fait aussi appel aux lavages réguliers des yeux plusieurs fois par jour, avec des produits de lavage oculaire, éventuellement associés à un collyre antiseptique.

Si l’infection virale se prolonge, en particulier s’il s’agit d’une infection par le virus de l’herpès, il y a un risque de kératite : l’œil est alors plus rouge, plus larmoyant, avec une photophobie, éventuellement des douleurs oculaires.

Il faut intervenir rapidement avec un traitement spécifique pour prévenir cette complication.

TLM : Quelles sont les autres causes de conjonctivite ?

Pr Claude Speeg-Schatz : Les allergies, en particulier aux acariens et aux pollens peuvent entraîner des conjonctivites, avec rougeurs et larmoiements. Là encore le lavage oculaire régulier avec des produits adaptés permet d’éliminer les allergènes au niveau de l’œil. En cas de gêne importante, la prise en charge repose sur des collyres antiallergiques, voire sur des médicaments antiallergiques par voie générale. Attention, l’œil rouge n’est pas forcément la conséquence d’une conjonctivite. Il peut s’agir notamment d’une rosacée oculaire. L’œil est rouge larmoyant, la paupière aussi est rouge. Le patient présente des chalazions à répétition. Le diagnostic est posé par un spécialiste et la prise en charge est spécifique.

TLM : Existe-t-il des risques de complications ?

Pr Claude Speeg-Schatz : Lors de conjonctivites virales, liées à l’herpès, il existe des risques de séquelles au niveau de la cornée si la prise en charge est trop tardive. Les conjonctivites bactériennes sont en général bénignes, sauf celles du nouveau-né qui peuvent se compliquer d’ulcérations cornéennes.

TLM : Comment pratiquer le lavage oculaire ?

Pr Claude Speeg-Schatz : Le lavage oculaire peut permettre de venir à bout des conjonctivites bénignes d’origine virale ou bactérienne. Il existe ainsi des produits de lavage oculaire, à base de sérum physiologique, sous forme d’unidoses, une seule marque étant remboursée par l’Assurance maladie. Ce lavage oculaire se pratique plusieurs fois par jour, la tête penchée en arrière, à partir de l’angle interne de l’œil vers l’angle externe, en se gardant bien de toucher l’œil avec le flacon de la dosette. Une fois l’œil correctement lavé, les éventuelles croûtes collées sur les cils seront facilement détachées avec un coton. Il est important d’utiliser un coton par œil. Il n’y a aucun risque à pratiquer ces lavages oculaires. Si le lavage n’est pas suffisant, au bout de trois jours, des collyres antiseptiques ou antibiotiques seront prescrits. Le recours à un spécialiste ne devient nécessaire que lorsque la conjonctivite persiste malgré un traitement correctement mené, la rougeur de l’œil pouvant potentiellement être liée à une autre cause.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig ■