• Pr Souied : DMLA néovasculaire : Pour freiner sa progression…

Eric Souied

Discipline : Ophtalmologie

Date : 06/07/2023


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La dégénérescence maculaire liée à l’âge est une pathologie oculaire chronique qui atteint la zone centrale de la rétine et évolue à partir de l’âge de 50 ans. Des traitements existent pour la forme exsudative ou humide.

Les explications du Pr Éric Souied, chef du service d’Ophtalmologie de l’Hôpital intercommunal de Créteil et de l’Hôpital Henri-Mondor.

 

TLM : Qu’est-ce que la DMLA néovasculaire et par quoi se traduit-elle ?

Pr Souied : On estime qu’en France, plus de 400 000 personnes sont atteintes de DMLA néovasculaire (appelée aussi DMLA humide ou exsudative), avec une prédominance féminine qui s’explique par une longévité féminine plus grande. La macula est la partie centrale de la rétine, très riche en cônes qui permettent de voir les détails fins.

Autrement dit, comme elle est en face de notre centre de vision, tout ce que l’on fixe en permanence (détails dans la lecture, dans l’écriture, les visages, les détails artistiques…) est analysé par notre macula à la vitesse de la lumière.

Si la macula est atteinte, la vision centrale est floue et imprécise tandis que la vision périphérique est quant à elle conservée. Il existe plusieurs formes de DMLA, dont la forme néovasculaire.

Cette dernière se caractérise par le développement anormal de vaisseaux sanguins, appelés néovaisseaux, dans la macula. Il existe plusieurs types de ces néovaisseaux que l’on distingue en type I, II ou III. Ils peuvent exsuder et entraîner un œdème sous la rétine qui va se déformer. Ils peuvent aussi saigner, créant une hémorragie ou un hématome. Dans ce cas, le patient va ressentir une tâche au centre de sa vision.

L’évolution de la DMLA exsudative est particulièrement rapide, conduisant à une perte de la vision centrale en quelques jours ou quelques semaines.

 

TLM : Des facteurs favorisants ont-ils été identifiés ?

Pr Souied : L’âge est le premier facteur de risque de survenue d’une DMLA. Elle apparaît après 50 ans et sa fréquence augmente au fil des années. Mais il y a aussi une imputabilité génétique très forte puisque la maladie est d’ordre génétique dans plus de 70 % des cas. Par ailleurs, le tabac et une alimentation pauvre en oméga-3 et riche en acides gras saturés constituent des facteurs de risque importants. Dans ce dernier domaine, on s’est rendu compte que les aliments riches en oméga-3 à longue chaîne pouvaient ralentir l’évolution de la maladie, et notamment par l’action du DHA (ou acide docosahexaénoïque) retrouvé dans les poissons gras. Certaines études épidémiologiques ont montré que les aliments riches en lutéine (brocolis, épinards…), un des pigments caroténoïdes qui se trouvent en très forte concentration dans la rétine, ont un effet protecteur puissant. Il y a quelques années, à Créteil, nous avons réalisé une étude prospective randomisée qui a démontré moins de passage de la MLA (maculopathie liée à l’âge) vers la DMLA exsudative chez des patients supplémentés avec de hautes doses de DHA. Le recours à cette supplémentation expliquerait en partie la raison pour laquelle il y a un petit recul de l’incidence de la DMLA dans les pays industrialisés ces dernières années.

 

TLM : Quelle est la place des anti-facteurs de croissance de l’endothélium vasculaire ?

Pr Souied : Les anti-VEGF (Vascular endothélial growth factor) sont le traitement de première intention de la DMLA exsudative. J’ai d’ailleurs moi-même pratiqué la toute première intervention le 30 août 2006. Ces traitements empêchent le développement des néovaisseaux et diminuent leur perméabilité, faisant ainsi régresser l’œdème rétinien maculaire. Ils se révèlent également très utiles dans la maculopathie diabétique. Les anti-VEGF doivent être administrés par voie intravitréenne qui est une pratique indolore. Aujourd’hui, les protocoles sont individualisés et effectués généralement toutes les quatre à huit semaines, à intervalles très réguliers. Il s’agit là de moyennes statistiques qui doivent être précisées au cas par cas. En tout état de cause, ces médicaments stabilisent la maladie mais ne la guérissent pas définitivement. Le patient voit sa vision stabilisée, voire améliorée.

 

TLM : De nouveaux traitements sont-ils attendus ?

Pr Souied : De nouveaux anti-VEGF avec une durée d’action plus longue sont déjà sur le marché dans d’autre pays, et ne devraient plus tarder en France. Par ailleurs, nous participons actuellement à des essais de thérapie génique dont l’objectif n’est plus de soigner les patients, mais bien de les guérir.

 

TLM : Quel suivi médical pour ces patients ?

Pr Souied : La DMLA exsudative est une pathologie chronique nécessitant un suivi régulier à long terme. Nous bénéficions aujourd’hui de grandes avancées en imagerie qui permettent de suivre en temps réel ce qui se passe dans la macula de nos patients. Et nous sommes les pionniers dans la réalisation d’une OCT-angiographique, une technique récente et totalement non-invasive qui permet de visualiser la vascularisation de la rétine sans injecter de colorant.

 

TLM : Quelle est la place du médecin généraliste dans la prise en charge de cette affection ?

Pr Souied : Le médecin généraliste joue un rôle important puisqu’il est consulté en première intention. Chez des patients âgés de 50 ans et plus, il est essentiel de poser la question d’une éventuelle atteinte par DMLA au sein de la famille et de s’assurer que le patient a bien consulté un ophtalmologiste au cours des cinq années écoulées pour faire vérifier sa macula.

Cette visite doit se faire au moins une fois tous les cinq ans à partir de 55 ans. Enfin, il est recommandé de demander au patient de fermer un œil puis l’autre pour voir si des troubles visuels auraient pu passer inaperçus.

Propos recueillis

par Anya Leyrahoux

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