• Pr. SIXOU : Le bain de bouche: un geste barrière contre le SARS-CoV-2 ?

Michel SIXOU

Discipline : Epidémiologie

Date : 01/02/2021


  • 105_photoParole_122PE_Sixou.jpg

Se laver soigneusement et régulièrement les mains, éternuer dans son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique, porter un
masque, respecter une distance d’au moins un mètre avec les autres... En attendant la vaccination de l’ensemble de la population, l’application des gestes barrières reste la seule mesure recommandée pour lutter contre la transmission du SARS-CoV-2, à l’origine
de la pandémie de Covid-19. Dans un communiqué de presse, Unilever, l’un des leaders mondiaux des produits d’hygiène-beauté, rappelle qu’à ce jour, «
le SARS-CoV-2 semble être principalement transmis par les gouttelettes de salive et les écoulements nasaux lorsqu’une personne infectée tousse ou éternue, avant, pendant et après la phase aiguë de la maladie, ainsi que
dans les cas asymptomatiques
». La bouche, avec ses multiples récepteurs au niveau des glandes salivaires et de la langue, est un endroit d’élection pour la fixation du virus. Pour preuve, la charge virale peut atteindre 107 à 108 particules virales/ml de salive, complète le Pr Michel Sixou, professeur en Santé publique au département d’Épidémiologie et de Prévention de l’Université Paul-Sabatier à Toulouse. L’application d’un geste barrière à ce niveau-là pourrait donc aider à réduire la diffusion du virus de la Covid-19 et participer à la lutte contre la pandémie, estime l’expert en Santé publique.

uUne réduction de 99,9 % de la charge virale. C’est ce qu’a mis en évidence l’étude in vitro récente commandée par Unilever et réalisée par Microbac Laboratories, un laboratoire de recherche indépendant, précise le groupe dans un communiqué de presse. Cette étude, dont les résultats ont été publiés sur la plateforme bioRxiv, a été menée sur un substitut du SARS-CoV-2. « Dans cette étude, les chercheurs ont comparé l’activité virucide de quatre bains de bouche sur un virus proche du SARS-CoV-2, explique le Pr Sixou. Ils ont utilisé un coronavirus
humain impliqué dans le rhume, dont la structure sous forme de spicules est semblable. Parmi les quatre bains de
bouche testés, l’un était à base de CPC, un autre à base d’éthanol et de zinc, un troisième contenait un mélange d’enzymes, et le dernier, sans principe actif, servait de placebo
. » Lors de ces tests, seule la technologie CPC s’est révélée efficace. Les résultats préliminaires d’une deuxième étude, réalisée sur le SARS-CoV-2, semblent confirmer ces résultats. « Le bain de bouche qui contient du CPC à hauteur de 0,07 % testé dans l ’étude réduit de 99,9 % la charge virale du SARS-CoV-2 (...) après 30 secondes de rinçage », peut-on lire dans le communiqué.

Le CPC est un tensio-actif utilisé dans certains bains de bouche pour réduire la plaque dentaire. « Il est particulièrement apprécié des utilisateurs car il donne l’impression d’avoir les dents propres et lisses, et procure une haleine fraîche. En outre, contrairement à d’autres principes actifs, il déstabilise relativement peu le microbiote local, n’induit aucune résistance, et peut donc être utilisé régulièrement », souligne le Pr. Sixou.

u Une durée d’efficacité de six heures. Une seconde étude, menée à Singapour sur un petit groupe de patients atteints de la Covid-19, montre quant à elle la persistance de cet effet pendant les six heures qui suivent le rinçage. « C’est un résultat tout à fait surprenant ! Et cela suggère qu’en utilisant deux fois par jour un bain de bouche à base de CPC, on peut contribuer à diminuer le risque infectieux lié au SARS-CoV-2 », s’enthousiasme le Pr Sixou. Avant de tempérer : « L’étude sur la rémanence ne porte finalement que sur 16 personnes infectées, soit 4 dans chaque groupe de bain de bouche testé. Mais ces résultats sont prometteurs. Reste à présent à les confirmer dans des essais cliniques plus larges. »

u Des études en attente de publication. Pour l’heure, la première étude démontrant l’efficacité des bains de bouche a été soumise aux comités de lecture des revues dans lesquelles elle pourrait être publiée. En attendant, comme c’est le cas pour tous les travaux portant sur la Covid-19 depuis mars 2020, elle a été diffusée en opensource, « afin que ses résultats soient partagés par l’ensemble de la communauté scientifique, mais aussi par le grand public et les autorités de santé ». Les conclusions de la seconde étude devraient être diffusées ultérieurement. S’ils venaient à être confirmés, ces résultats pourraient servir à compléter les gestes barrières en y ajoutant le bain de bouche, « une mesure facile à intégrer dans nos pratiques quotidiennes », estime le Pr Sixou. « Nous savons qu’un seul geste barrière ne peut pas réduire à lui seul la propagation de l’épidémie ; en revanche, en les combinant, on peut atténuer plus efficacement la charge virale. A ce titre, l’utilisation de bains de bouche à base de CPC pourrait être intéressante », conclut-il.

Mathilde Raphaël

 

 

 

 

  • Scoop.it