• Pr SIMON : L’observance thérapeutique au temps du coronavirus

Nicolas SIMON

Discipline : Epidémiologie

Date : 09/07/2020


  • 44_photoParole_120PE_ObservanceSimon.jpg

MÉDECIN ADDICTOLOGUE À L’AP-HM (MARSEILLE), LE PR NICOLAS SIMON REVIENT SUR LES DIFFICULTÉS D’OBSERVER LA COMPLIANCE AUX TRAITEMENTS EN PÉRIODE DE CONFINEMENT ET SUR LES RISQUES INHÉRENTS À L’ISOLEMENT

 

TLM: Il est admis qu’en France 1 patient sur 2 n’est pas observant. L’épidémie à Covid 19 a-t-elle aggravé la situation?


Pr Nicolas Simon : Il est trop tôt pour disposer d’études sur la question mais nous pouvons à ce stade émettre quelques hypothèses. Dans un contexte où, pendant plusieurs semaines, nous avons été contraints à la suspension d’une activité clinique normale, avec des patients qui avaient du mal à joindre leur médecin traitant, des difficultés à se rendre à l’hôpital ou pour faire renouveler une ordonnance, on peut craindre en effet que cela ait eu des répercussions négatives sur l’observance. Un élément qui vient s’ajouter au phénomène dit de la perte de chance, à savoir des personnes qui n’auront pas pu consulter suffisamment tôt. Des études rétrospectives viendront sans doute nous éclairer dans les mois à venir.

 

TLM: Quelles étaient, dans ce contexte, les maladies le plus à risque ?


Pr Nicolas Simon : Cela ne concerne pas tant les pathologies que la nature des traitements. Certains médicaments présentent ainsi un profil d’utilisation qui les rend plus sensibles à un oubli de prise. Certains médicaments dont la pharmacocinétique est relativement longue n’auront pas, en cas d’oubli ou si la dose n’est pas strictement respectée, de conséquences graves. Pour d’autres en revanche où les fluctuations de concentration sont plus prononcées, un oubli sera plus problématique. Ainsi, l’arrêt brutal de bêtabloquants pourrait exposer le patient à des conséquences cardiaques. De même dans le cas de certains opioïdes, un arrêt subit peut induire un syndrome de sevrage. Idem pour le cortisol. C’est donc inhérent à la pathologie tout comme au mécanisme d’action du médicament et à sa pharmacocinétique . Dans un autre domaine, une mauvaise compliance ou un arrêt de traitement antipsychotique peut favoriser des rechutes.

 

TLM: Tandis que les patients ne pouvaient consulter en cabinet, quels étaient les messages adressés pour appuyer l’observance ?

 Pr Nicolas Simon : Comme nombre de mes confrères, j’ai été amené à pratiquer la téléconsultation pendant le confinement. Cette relation était capitale pour renforcer l’adhérence du patient à son traitement. A contrario, cela a été plus compliqué pour les patients qui n’ont pas pu accéder à la consultation à distance. Ces patients-là sont devenus quasiment des « perdus-de-vue ». Lorsqu’on revoit un patient en consultation il ne s’agit jamais d’un tout simple renouvellement d’ordonnance. Le fait de faire le bilan, de parler de sa maladie, des effets indésirables, de la tolérance du médicament, permet de renforcer et de justifier l’utilité du traitement. Et c’est important de revenir ainsi sur des traitements pris sur des mois, voire des années...

 

TLM : Précisément, comment avez-vous abordé la consultation à distance ?


Pr Nicolas Simon : Dans mon cas, c’est d’abord l’occasion de faire le bilan de ce qui s’est passé depuis la précédente consultation. Savoir, par exemple, si des symptômes

étaient arrivés, si l’état était stable, quelle était l’humeur du patient aussi, puisqu’il peut y avoir un retentissement psychologique dû à l’éloignement ou la solitude. Ajuster aussi une prescription en fonction du ressenti du patient et de la tolérance du médicament par rapport à d’éventuels effets indésirables. Ce contact à distance c’est en outre l’opportunité de renforcer le suivi et montrer au patient qu’il n’est pas abandonné à son sort. D’ailleurs mes retours patient montrent qu’ils sont enchantés qu’on ne les oublie pas.

 

TLM : Quels conseils aux médecins généralistes ?


Pr Nicolas Simon : Faire preuve de la plus parfaite transparence. Expliquer au patient le bien-fondé de son traitement. Les patients sont de plus en plus demandeurs d’explications, ils ont besoin de comprendre pour adhérer. Surtout lorsqu’ils sont polymédiqués, c’est l’occasion de dialoguer, expliquer au patient qu’il pourrait réduire tel médicament mais en respectant certaines règles. Inversement, pour tel autre médicament, ne rien changer, au risque de s’exposer à des conséquences. Bref, toujours être dans l’explication. Des consignes qui demandent du temps mais facilitent à coup sûr l’observance...

 

TLM : Comment ramener les patients « oublieux» vers une juste observance en période post-confinement ?


Pr Nicolas Simon : Je tiens pour principe que quand le médicament est mal compris par le patient, on l’expose à une mauvaise compliance. Si l’on n’a pas pris le temps d’expliquer, de justifier un médicament, le risque c’est qu’il ne soit pas pris. C’est seulement par une discussion franche que l’on peut apprendre si le patient a démarré et s’il prend bien son traitement. Il faut poser la question sans jugement, de manière que le patient se sente suffisamment à l’aise pour dire qu’il n’a pas encore commencé son traitement et ensuite essayer par le dialogue d’en comprendre la raison.

 

  • Scoop.it