• Pr SILVAIN : La stratégie payante du «Aller vers» pour dépister les patients Hépatite C

Christine SILVAIN

Discipline : Infectiologie

Date : 20/01/2021


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« Favoriser la proximité, à savoir mettre en place une prise en charge au plus près des personnes à risque, plutôt que d’essayer de les faire venir à l’hôpital ou chez le médecin, car on sait que cela n’est pas efficace... »

 

TLM : Que peut-on dire sur la prévalence de l’infection par le VHC aujourd’hui en France ?
Pr Christine Silvain :
On l’estime dans la population générale autour de 0,1 à 0,3% avec des disparités selon les populations. Chez les usagers de drogues par voie intraveineuse (UDVI), par exemple, elle atteint 30%. En milieu carcéral, elle est d’environ 3 %. Ces chiffres ont tendance à diminuer car nous avons traité un grand nombre de patients et que nous bénéficions aujourd’hui de traitements efficaces qui permettent de guérir de l’hépatite C. Cependant, l’incidence reste stable, de l’ordre de 5 500 cas par an. Cela concerne essentiellement les UDVI, les migrants en situation précaire, les détenus, ainsi que certains HSH1 ayant en particulier des pratiques à risque telles que le chemsex2. Au total, on estime qu’il reste environ 75 000 personnes en France contaminées par le VHC sans le savoir.

La question du dépistage est fondamentale. Quelles sont les pistes d’amélioration dans ce domaine ?
En l’absence de recommandations par la HAS d’un dépistage universel, nous nous focalisons sur un dépistage ciblé sur les populations à risque. L’essentiel est de favoriser la proximité, ce qu’on résume globalement par la démarche du « Aller vers ». Cela consiste à mettre en place une prise en charge au plus près des personnes à risque, plutôt que d’essayer de les faire venir à l’hôpital ou chez le médecin, car on sait que cela n’est pas efficace. Cela permet aussi de réduire le temps entre le diagnostic et le traitement. Cette stratégie du « Test and treat » (dépister et traiter dans la foulée) est la plus efficace dans un objectif d’éradication virale.

Vous-même, êtes-vous favorable à la mise en place d’un dépistage universel de l’hépatite C ?
Pas particulièrement. En revanche, la proposition de l’AFEF3 qui repose sur un dépistage, une fois dans sa vie, des trois
virus VIH, VHB et VHC est une bonne chose. Dans ma pratique courante, je le propose facilement aux patients à partir
de 40 ans, et ce même en l’absence de facteurs de risque, car certains peuvent avoir oublié qu’à l’âge de vingt ans ils ont eu une pratique à risque, ou ne plus se souvenir s’ils ont pu être transfusés durant leur enfance.

Les médecins généralistes y ont une place importante puisque ce sont eux qui voient le plus de patients mais il faut reconnaître qu’ils ont peu de temps et qu’il est parfois difficile d’évoquer en consultation la question du dépistage et, paradoxalement, avec une personne que l’on connaît depuis longtemps ; idem pour évoquer l’alcool ou les pratiques sexuelles à risque. En revanche, les généralistes qui travaillent auprès de populations à risque sont sensibilisés à ces questions et n’hésitent pas à aborder le sujet. Mais le médecin de famille, à la patientèle dite plus classique, ne posera pas toujours la question.

Peut-on revenir sur les différents génotypes du VHC et leur influence dans l’évolution de la maladie ?

Les nouveaux antiviraux directs sont pan-génotypiques, c’est-à-dire qu’ils sont actifs sur les six génotypes du VHC. Cela a beaucoup changé nos pratiques, car nous ne faisons quasiment plus de recherche du génotype. Celle-ci n’est entreprise que si le traitement anti-viral n’a pas été efficace, c’est-àdire lorsqu’on retrouve la présence du VHC trois mois après son arrêt. C’est alors l’occasion de vérifier aussi que le patient n’a pas été réinfecté par un génotype différent.

Que pensez-vous de la décision d’ouvrir la prescription des antiviraux directs aux médecins généralistes ?

 Il était fondamental de mettre en place cette mesure, en particulier pour les médecins généralistes impliqués auprès des populations à risque. Ce sont surtout ceux qui interviennent dans les CSAPA ou les CARRUD , en milieu carcéral ou auprès des migrants précaires. En effet, il était illogique que ces médecins qui avaient pu prescrire l’interféron n’aient pas cette possibilité pour les antiviraux directs. Dans les structures d’addictologie, le concept du « Aller vers » a montré son efficacité. Une fois le diagnostic posé et si le patient ne présente pas de fibrose hépatique sévère, c’est le médecin généraliste qui le suit qui traitera et cela se passe très bien. Pour autant, nous savons que tous les généralistes ne sont pas concernés par ces prescriptions. En moyenne, un médecin traitant compte moins de cinq patients atteints d’une hépatite C dans sa consultation. Il est donc difficile pour lui de s’impliquer dans ces prises en charge.

Propos recueillis par Charlotte Delloye

1. Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. 2. Pratiques d’injections de drogues dans un contexte sexuel à risque. 3. Association française pour l’étude du foie. 4. Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie. 5. Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues.

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