• Pr SAUSSINE : Diagnostiquer et traiter les cystites

Christian SAUSSINE

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 10/10/2021


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Cystite simple, non récidivante, cystite à répétition, ces infections urinaires occasionnent brûlures et douleurs parfois insupportables, alerte le Pr Christian Saussine, chef du service d’Urologie et responsable du Diagnostic et de la prise en charge des infections urinaires au CHU de Strasbourg.

 

TLM : Que faire face à une cystite asymptomatique ?

Pr Christian Saussine : Une femme sur deux au cours de sa vie contractera une infection urinaire. Ces cystites sont gênantes, douloureuses parfois. Si, de manière générale, elles ne mettent pas en jeu le pronostic vital chez les patientes en bonne santé, elles occasionnent des symptômes parfois importants, avec des douleurs dans certains cas insupportables, une pollakiurie, des brûlures en urinant. Il arrive à l’inverse que certaines infections de la vessie soient asymptomatiques et découvertes lors d’une analyse d’urine au cours d’un bilan systématique. En l’absence de symptômes et de facteurs de risque il n’y a pas lieu de traiter ces bactériuries isolées. En cas de symptômes avec bactériurie mais sans leucocyturie, il peut s’agir d’une contamination du prélèvement qui doit être refait. Lorsque la bactériurie s’accompagne aussi d’une leucocyturie et de symptômes, un traitement doit être envisagé.

 

TLM : Faut-il pratiquer un examen cytobactériologique des urines chaque fois qu’une patiente présente des symptômes de cystite ?

Pr Christian Saussine : En général, lorsqu’il s’agit d’un premier épisode d’infection urinaire, il n’est pas nécessaire de faire un ECBU. Un test sera éventuellement pratiqué chez le médecin, par le biais de bandelettes urinaires pour détecter les leucocytes, les nitrites, les globules rouges. Lorsque la bandelette est négative, il est peu probable qu’il y ait une infection. Les symptômes évocateurs de cystite peuvent alors être liés à une autre pathologie qu’il importe de rechercher. Si la bandelette dépiste la présence de leucocytes ou de nitrites l’infection est probable, un traitement antibiotique probabiliste sera prescrit, sans analyse. Cependant, quand les symptômes persistent malgré le traitement ou en cas d’infections récidivantes, un ECBU est indispensable.

 

TLM : Quels sont les traitements de première intention ?

Pr Christian Saussine : Face à une cystite simple, non récidivante, même en l’absence d’ECBU, trois traitements antibiotiques sont recommandés d’emblée : soit la fosfomycine, soit le pivmécillinam, ou encore la nitrofurantoïne. Lorsque l’antibiotique est efficace, les symptômes disparaissent dans les 48 heures après le début de la prise du médicament, parfois même en quelques heures. Si les symptômes persistent au-delà de 48 heures ou en cas de récidive, un ECBU avec antibiogramme est nécessaire. Cette analyse permet de vérifier qu’il s’agit bien d’une infection urinaire et pas d’une autre pathologie mimant les symptômes d’une cystite. En deuxième intention, le traitement sera guidé par l’antibiogramme. De manière générale, les médicaments dérivés de la pénicilline sont actifs contre les germes de l’infection urinaire. Attention en revanche, les fluoroquinolones induisent des résistances : prescrits une première fois, il est désormais recommandé d’attendre six mois avant de les utiliser à nouveau.

 

TLM : Quels sont les facteurs de risque qui favorisent les cystites à répétition ?

Pr Christian Saussine : Au-delà de quatre épisodes par an de cystite, on parle d’infections urinaires récidivantes. Cela mérite un interrogatoire, un examen clinique complet et éventuellement des explorations pour en comprendre la cause. Le principal facteur favorisant ces cystites à répétition, c’est la constipation. Chez les patientes constipées, les germes du tube digestif stagnent, ne sont pas éliminés facilement, entraînent une pullulation microbienne qui peut venir coloniser la vessie. Il faut interroger la patiente sur ce point. Et, le cas échéant, lui apprendre ou l’aider à réguler son transit. Le deuxième facteur de risque, c’est un mauvais « fonctionnement » urinaire. Par exemple, certaines patientes ont des mictions trop rares, car elles se retiennent d’aller aux toilettes dans certains contextes. Et un temps trop long de stagnation des urines dans la vessie favorise les infections. Les patientes ont parfois aussi des mictions dites par poussées, elles font des efforts pour uriner et cela peut être source d’infections. Face à une femme présentant des infections à répétition, il faut aussi l’interroger sur la fréquence des mictions et le volume d’urine par 24 heures. Normalement la diurèse des 24 heures doit être de 1 à 1,5 litre par jour. En-dessous de 1 litre, la patiente ne boit pas assez et cela peut expliquer les mictions rares. A l’inverse, il n’est pas nécessaire de boire plus de 2,5 litres d’eau par jour, sauf ponctuellement en cas d’infection urinaire.

 

TLM : Quelles sont les autres causes d’infections à répétition ?

Pr Christian Saussine : Une fois éliminés ces facteurs de risque fréquents, d’autres causes plus rares existent. Tout dysfonctionnement vésico-sphinctérien, source de résidus post-mictionnels majore le risque d’infection qu’il soit d’ordre neurologique ou idiopathique. Les complications liées à une infection urinaire simple sont exceptionnelles. Le risque de pyélonéphrite est possible en cas de reflux d’urine de la vessie vers le rein en présence de certaines anomalies. Les migrations des bactéries de la vessie vers la circulation générale par voie sanguine sont exceptionnelles. Chez des personnes sans problème spécifique, le risque de pyélonéphrite suite à une infection urinaire est très faible.

 

TLM : Les infections urinaires sont-elles fréquentes dans la population des femmes enceintes ?

Pr Christian Saussine : La situation de la grossesse est particulière. Les transformations physiologiques et hormonales de la femme enceinte engendrent des modifications de l’appareil urinaire qui favorisent les infections urinaires et le risque de pyélonéphrite. La pression de l’utérus sur la vessie entraîne une pollakiurie fréquente qui peut faire méconnaître une infection. Surtout les infections urinaires pendant la grossesse peuvent être à l’origine de complications, notamment obstétricales graves, fausse-couche ou accouchement prématuré. Dans ce contexte, le dépistage systématique et régulier des infections par bandelettes est recommandé. Et toute infection urinaire, y compris asymptomatique, sera confirmée par ECBU, et traitée en choisissant une molécule qui n’est pas bien sûr contre-indiquée pendant la grossesse.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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