• Pr SARAUX : Diagnostic et prise en charge du rhumatisme psoriasique en 2022

Alain SARAUX

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 10/01/2022


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La Société française de rhumatologie vient de produire ses nouvelles recommandations sur la prise en charge du rhumatisme psoriasique. Le Pr Alain Saraux, rhumatologue au CHRU de Brest, en expose ici les principales actualisations.

 

TLM : Peut-on repréciser en préambule les signes qui doivent faire évoquer un rhumatisme psoriasique ?

Pr Alain Saraux : Selon la classification française actuelle, le rhumatisme psoriasique fait désormais partie du groupe des spondylarthrites. Il s’agit d’un ensemble de pathologies à multiples facettes qui englobent des affections auparavant individualisées, comme la spondylarthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique, les arthrites réactionnelles, les rhumatismes inflammatoires associés aux maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI)... Si ces différentes entités ont été regroupées, c’est parce qu’elles présentent des manifestations cliniques et d’imagerie communes et partagent des mécanismes physiopathologiques et génétiques similaires. Le rhumatisme psoriasique fait clairement partie du groupe des spondylarthrites. Sur le plan clinique, plusieurs tableaux sont évocateurs. Ainsi, si un patient présente un psoriasis cutané associé à des douleurs dans le dos, cela doit faire penser à une spondylarthrite axiale. Le diagnostic doit être envisagé aussi pour un patient souffrant d’arthrites périphériques asymétriques, avec enthésite (inflammation au niveau de l’insertion des tendons) ou dactylite (inflammation au niveau de plusieurs articulations des doigts). Des associations avec des atteintes extra-rhumatologiques sont possibles, comme le psoriasis cutané, l’uvéite, ou encore les MICI. Le diagnostic est porté sur des critères à la fois cliniques, radiologiques et biologiques.

 

TLM : Quelles sont les nouvelles recommandations en matière de prise en charge ?

Pr Alain Saraux : La Société française de rhumatologie vient tout récemment de produire ses nouvelles recommandations concernant ces pathologies. De nouveaux essais thérapeutiques justifient cette actualisation. De manière générale, les modalités de prise en charge et de suivi doivent être adaptées à la présentation de la maladie, en fonction du phénotype et de la présence ou non d’atteintes extra-rhumatologiques. Il s’agit de maladies chroniques potentiellement graves et handicapantes, avec des manifestations rhumatologiques et extra-rhumatologiques. Le rhumatologue coordonne la prise en charge, souvent multidisciplinaire, en collaboration avec le médecin généraliste et les différents spécialistes concernés. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie, de contrôler les symptômes et l’inflammation, de prévenir les dommages structuraux et de préserver ou de restaurer les capacités fonctionnelles et l’autonomie. Le diagnostic et la prise en charge doivent donc intervenir le plus précocement possible. Les modalités et la fréquence du suivi dépendent du niveau d’activité de la maladie et de sa présentation clinique.

 

TLM : Quels sont les principes généraux de ces recommandations ?

Pr Alain Saraux : Dans tous les cas, l’arrêt du tabac doit être systématiquement préconisé. Les régimes alimentaires d’exclusion ne sont pas conseillés. Les comorbidités, notamment cardio-vasculaires, l’obésité, l’ostéoporose doivent être dépistées régulièrement et prises en charge. L’activité physique doit être encouragée, ainsi que les exercices d’auto-rééducation. Dans les formes sévères, la kinésithérapie est nécessaire. Les antalgiques peuvent être utilisés pour les douleurs résiduelles en association avec les autres traitements. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) jusqu’à la dose maximale sont indiqués en première ligne. En cas d’efficacité, ils seront poursuivis à la posologie et pour la durée nécessaire au contrôle des symptômes, en tenant compte de la balance bénéfice/risque. La corticothérapie générale n’est pas justifiée dans la majorité des cas. Les injections locales de corticoïdes peuvent être envisagées et doivent même être privilégiées en cas de localisation unique.

 

TLM : Que faire en cas d’échec ou d’insuffisance de ce traitement symptomatique dans les formes axiales ?

Pr Alain Saraux : En cas de manifestation axiale prédominante, les traitements de fond conventionnels synthétiques ne sont pas indiqués. Les traitements ciblés (anti-TNF, anti-IL17, JAKI), avec les antiTNF en première intention, doivent être envisagés chez les patients ayant une maladie active malgré le traitement par AINS. Cependant, lorsqu’il n’y a pas d’atteinte structurale des articulations sacro-iliaques, pas d’inflammation au plan biologique ou à l’IRM, un traitement ciblé n’est pas indiqué, sauf exception.

 

TLM : Et pour les formes avec arthrite prédominante ?

Pr Alain Saraux : En cas d’arthrite prédominante, après échec du traitement symptomatique, les traitements de fond conventionnels synthétiques (méthotrexate, leflunomide, sulfasalazine) sont à envisager. En cas de psoriasis cutané, le méthotrexate doit être privilégié. Si la maladie est résistante au traitement conventionnel ou s’il y a des atteintes structurales ou encore en cas de MICI active, d’uvéite réfractaire ou récidivante, un traitement ciblé doit être envisagé, avec en première intention un anti-TNF alpha ou un anti-IL17.

Selon les situations, d’autres traitements ciblés peuvent être prescrits. L’aprémilast en cas de rhumatisme psoriasique non sévère, c’est-à-dire sans atteinte structurale et en cas de résistance au méthotrexate, peut être envisagé. L’association de méthotrexate au traitement ciblé ne doit pas être systématique. En cas d’enthésite et de dactylite, après échec du traitement symptomatique, un traitement ciblé peut être préconisé (anti-TNF alpha, anti-IL 17, anti-IL12/23...).

 

TLM : Ces nouvelles stratégies thérapeutiques permettent-elles vraiment de ralentir l’évolution de la maladie, voire de guérir les patients ?

Pr Alain Saraux : Les traitements ciblés ont transformé la prise en charge de ces maladies. Si un premier traitement ciblé est inefficace, il faut d’abord éliminer les raisons autres que la maladie pouvant expliquer l’absence de résultat, en particulier une mauvaise observance, une pathologie mécanique, un syndrome fibromyalgique, avant d’envisager un deuxième traitement ciblé. Enfin, en cas de rémission ou de faible activité de la maladie pendant au moins six mois, sous bio-médicaments, l’espacement progressif du traitement ou la réduction de la posologie peut être envisagée.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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