• Pr SANCHEZ : Les traitements multimodaux de la HTP-TEC

Olivier SANCHEZ

Discipline : Pneumologie

Date : 11/07/2022


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Les associations d’options thérapeutiques — chirurgicales et médicamenteuses — ont transformé la prise en charge de l’hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique.

Grâce à quoi, analyse le Pr Olivier Sanchez, pneumologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP), le pronostic s’est nettement amélioré.

 

TLM : Comment se définit l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTP-TEC) ?

Pr Olivier Sanchez : L’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique est définie par la présence d’une hypertension pulmonaire pré-capillaire confirmée au cathétérisme cardiaque droit (pression artérielle pulmonaire moyenne supérieure à 20 mmHg et pression artérielle pulmonaire d’occulsion inférieure à 15 mmHg) associée à des séquelles d’embolie pulmonaire confirmée sur l’imagerie (angiographie ou angioscanner pulmonaire) après au moins trois mois de traitement anticoagulant. Selon les données récentes, on estime à 2 à 3 % la prévalence de cette maladie.

 

TLM : Comment se pose le diagnostic de HTP-TEC ?

Pr Olivier Sanchez : Le diagnostic se décline en deux temps : suspicion et confirmation. On suspecte l’existence de cette pathologie lorsque le patient conserve, ce qui est anormal, un essoufflement après un épisode d’embolie pulmonaire. Une fois éliminées les causes évidentes de dyspnée — insuffisance respiratoire, insuffisance cardiaque gauche, etc. —, on évoquera le diagnostic d’hypertension pulmonaire post-embolique. Deux explorations permettent alors le dépistage : l’échocardiographie et la scintigraphie pulmonaire de ventilation et perfusion. La première recherche des anomalies évocatrices d’hypertension pulmonaire : ventricule droit dilaté, élévation de la pression pulmonaire. La seconde explore d’éventuelles séquelles perfusionnelles. On ne recourra pas à l’angio-scanner thoracique car cet examen ne permet pas d’exclure avec certitude l’hypothèse d’une hypertension pulmonaire post-embolique alors qu’une scintigraphie pulmonaire normale peut le faire avec une bonne sécurité. Lorsque l’échocardiographie et la scintigraphie pulmonaire sont anormales, la suspicion est forte. Mais il faut alors impérativement confirmer ce diagnostic en adressant le patient à un centre expert qui réalisera deux examens complémentaires indispensables : un cathétérisme cardiaque droit pour mettre en évidence une hypertension pulmonaire, et une imagerie thoracique — angiographie pulmonaire le plus souvent, ou angio-scanner thoracique — pour confirmer la présence d’anomalies vasculaires pulmonaires en rapport avec une HTP-TEC.

 

TLM : Une fois le diagnostic posé, comment traiter ?

Pr Olivier Sanchez : Dans tous les cas il faut un traitement anticoagulant curatif pérenne, par antivitaminique K exclusivement puisque nous ne disposons pas de données sur les anticoagulants oraux directs dans cette indication. Mais à lui seul le traitement antivitaminique K n’est pas suffisant, il faut également une évaluation par un centre expert pour juger, sur la base d’une imagerie parfaitement réalisée, des possibilités thérapeutiques spécifiques. La première étape consiste alors à déterminer si le malade peut bénéficier d’une endartériectomie pulmonaire, chirurgie endovasculaire permettant de désobstruer chirurgicalement les artères pulmonaires. Environ 60 % des malades, s’ils ne présentent pas de comorbidités majeures, peuvent bénéficier de cette chirurgie dont les résultats sont excellents, à court, moyen et même, aujourd’hui, à long terme, avec parfois une normalisation hémodynamique.

S’agissant des patients non opérables, il existe deux options thérapeutiques qui doivent également être discutées dans le centre expert : d’une part l’angioplastie pulmonaire, qui permet de dilater des segments de l’artère pulmonaire rétrécis et obstrués, et de l’autre le traitement médicamenteux. Le choix entre la chirurgie, l’angioplastie pulmonaire et le traitement médicamenteux nécessite une discussion pluridisciplinaire qui regroupe les radiologues interventionnels qui pratiquent l’angioplastie, les chirurgiens qui réalisent l’endartériectomie pulmonaire, les spécialistes de l’hypertension pulmonaire qui analysent les données cliniques, hémodynamiques et surtout l’imagerie. L’intégralité de ces données permet d’évaluer les possibilités thérapeutiques. En France, il existe un réseau de centres prenant en charge les hypertensions pulmonaires coordonné à l’hôpital Bicêtre. Un seul centre réalise l’endartérectomie pulmonaire (Centre chirurgical Marie-Lannelongue - CCML) et deux centres réalisent les angioplasties (CCML et Grenoble).

 

TLM : Quels traitements médicamenteux les patients non éligibles à une chirurgie ou à une angioplastie peuvent-ils recevoir ?

Pr Olivier Sanchez : Le seul médicament doté aujourd’hui d’une AMM est le riociguat.

Les essais thérapeutiques démontrent que, par rapport au placebo, il améliore les symptômes, le test de marche de six minutes et l’hémodynamique des patients. Mais ces résultats demeurent modérément satisfaisants, car les lésions endo-vasculaires persistent ; on ne traite donc que leurs conséquences hémodynamiques. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, on discute des associations de traitements, notamment médicamenteux et angioplastie. Il est rare que l’angioplastie ne soit pas réalisable du tout : le plus souvent on arrive à trouver, en plus du traitement médicamenteux, des segments artériels pulmonaires à dilater. C’est là tout l’enjeu des discussions multidisciplinaires spécialisées.

 

TLM : Quel bilan dresser de la prise en charge actuelle de cette maladie ?

Pr Olivier Sanchez : Des progrès notables ont été réalisés grâce au développement de la technique d’angioplastie pulmonaire. Il s’agit d’une véritable révolution qui permet maintenant d’envisager des traitements multimodaux. Il arrive ainsi qu’après avoir opéré le patient, la désobstruction reste incomplète, on réalise alors des séances d’angioplastie en association avec un traitement médicamenteux. Ces associations thérapeutiques ont transformé la prise en charge de cette maladie. Les résultats sont bons, mais à la condition d’une évaluation hyper-spécialisée dans des centres dotés de cette expertise.

Propos recueillis

par Elvis Journo

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