• Pr SANCHEZ : Les recommandations 2019 sur la Maladie thromboembolique veineuse

Oliver SANCHEZ

Discipline : Pneumologie

Date : 09/07/2020


  • 38_photoParole_120PE_ThrombosesSanchez.jpg

LE PR OLIVIER SANCHEZ, DU SERVICE
DE PNEUMOLOGIE ET SOINS INTENSIFS DE L’HÔPITAL EUROPÉEN GEORGES-POMPIDOU AP-HP, RAPPELLE CE QU’IL FAUT RETENIR DES DERNIÈRES RECOMMANDATIONS SUR LA PRISE EN CHARGE DE LA MALADIE THROMBO-EMBOLIQUE VEINEUSE (MTEV), PARUES EN 2019

 

TLM : Que sait-on de l’épidémiologie de la Maladie thrombo-embolique veineuse?


Pr Olivier Sanchez : Il s’agit d’une affection très fréquente, 30 à 35 000 patients sont hospitalisés en France chaque année pour une embolie pulmonaire (EP). Son incidence augmente avec l’âge, et particulièrement après 65 ans, avec une légère prédominance féminine. Des données épidémiologiques bretonnes montrent une diminution de l’incidence des thromboses veineuses profondes (TVP) alors que celle de l’EP demeure inchangée entre la fin des années 1990 et les années 2010. Elle s’explique probablement par une utilisation plus large de l’angioscanner thoracique pour le diagnostic de l’EP.

 

TLM : Et des modalités diagnostiques ?

 

Pr Olivier Sanchez : L’algorithme diagnostique de l’EP validé s’articule en trois étapes. La première repose sur l’évaluation de la probabilité clinique (présence de facteurs de risque, de signes évocateurs et alternative diagnostique plus probable que l’EP). La seconde consiste à doser les D-dimères lorsque la probabilité clinique n’est pas forte. Si ce dosage est positif ou si la probabilité clinique est forte, un angioscanner doit être réalisé. TLM : Quid des populations particulières ? Pr Olivier Sanchez : On distingue les femmes enceintes, pour lesquelles existe depuis peu un algorithme validé dans deux larges études, et les patients en état de choc. Chez ces derniers, l’échographie veineuse ou l’échocardiographie sont privilégiées pour les cas les plus graves, l’angioscanner étant proposé pour les patients transportables.

 

TLM : Que préconisent les recommandations en termes de prise en charge?

 

Pr Olivier Sanchez : Il existe un traitement dit « conventionnel », reposant sur l’injection d’une héparine relayée par un antivitaminique K (AVK), et les anticoagulants directs (AOD). Ces derniers sont privilégiés du fait de leur bonne tolérance et de leur simplicité d’emploi mais restent contre-indiqués dans l’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/mn), le syndrome des anti-phospholipides et les femmes enceintes. Deux AOD ont une autorisation de mise sur le marché et un prix de remboursement : il s’agit de l’apixaban et du rivaroxaban.

 

TLM: Qu’en est-il de la reperfusion vasculaire au cours d’une EP en phase aiguë?

 

Pr Olivier Sanchez : Elle est réservée aux patients en état de choc ou en arrêt cardiaque (3 à 4 % des EP). La thrombolyse médicamenteuse en association aux anticoagulants permet d'accélérer la désobstruction vasculaire. Si le risque hémorragique est trop important, la thrombectomie par voie chirurgicale ou percutanée est indiquée. L’assistance circulatoire peut permettre de stabiliser leur état hémodynamique le temps d’assurer la reperfusion pulmonaire au moyen de thrombolytiques ou de la chirurgie.

 

TLM: Quels sont les parcours de soins à proposer au patient EP ? Quels sont ceux pouvant être traités en ambulatoire ?


Pr Olivier Sanchez : La validation d’outils permettant d’identifier les patients avec une EP à risque très faible de mortalité ainsi que la simplification du traitement leur permet désormais d’être pris en charge sans ou après une très courte hospitalisation (24 heures). Il est en revanche indispensable d’assurer un suivi très strict dans le cadre d’un parcours de soins spécifique avec en particulier une consultation 3 à 4 jours après la sortie. Les autres patients sont hospitalisés. Tous sont revus à un, trois et six mois afin d’évaluer le contexte étiologique, la tolérance et la durée du traitement anticoagulant.

 

TLM : Comment gère-t-on un geste invasif sur un patient sous anticoagulants ?


Pr Olivier Sanchez : Il faut évaluer le risque hémorragique lié au geste et le risque thrombotique pour le malade. La période la plus à risque est le mois qui suit le diagnostic. Il est donc préférable de ne pas pratiquer de geste invasif lors de cette période. Au-delà, un geste peut être pratiqué après arrêt anticipé des anticoagulants (3 jours pour les AOD et 5 pour les AVK). Un relais par HBPM n’est pas nécessaire.

 

TLM : Quand et comment rechercher une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique après une EP ?


Pr Olivier Sanchez : Il s’agit d’une complication rare à envisager dès le diagnostic de l’EP devant une élévation anormalement importante des pressions pulmonaires sur l’échographie cardiaque, ou en présence d’anomalies évocatrices sur le scanner. Elle peut être évoquée lors du suivi devant une dyspnée. L’échographie cardiaque et la scintigraphie pulmonaire permettent de suspecter le diagnostic. Le patient sera alors orienté vers un centre spécialisé qui complétera le bilan (cathétérisme cardiaque droit et angiographie pulmonaire) et discutera du traitement.

 

TLM: Quel est le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge de la MTEV?

 

Pr Olivier Sanchez : Un rôle clé. Il fait partie intégrante du parcours de soins. Il contribue à la recherche de l’étiologie de la maladie. Il évalue la tolérance du traitement, l’évolution de la maladie et la survenue de complications ou de séquelles. L’objectif des dernières recommandations françaises sur la MTEV est de lui fournir des données actualisées et de répondre aux questions fréquentes concernant sa prise en charge.

 

  • Scoop.it