Pr ROUSSEL : Prise en charge du diabétique : le tournant numérique
Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition
Date : 09/07/2020
LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS DIABÉTIQUES ÉVOLUE CONSTAMMENT. PENDANT L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19,
IL A ENCORE FALLU INNOVER. LE PR RONAN ROUSSEL (ENDOCRINOLOGIE ET MÉTABOLISME, HÔPITAL BICHAT), EXPLIQUE ICI À QUELS OUTILS SON SERVICE A EU RECOURS...
TLM: Vous êtes l’un des initiateurs de l’application CoviDIAB. En quoi consiste-t-elle?
Pr Ronan Roussel : Au départ il s’agissait de créer un outil connecté d’information et d’accompagnement pour répondre à l’anxiété ressentie par les patients diabétiques face à une épidémie qui les concernait tout particulièrement. Les patients inscrits ont accès à une médiathèque, mise à jour quotidiennement sur le diabète dans le contexte Covid, et reçoivent des notifications chaque fois qu’une information utile à leur cas est publiée. En termes d’accompagnement, et grâce à un algorithme élaboré par l’AP-HP, chaque inscrit reçoit sur son smartphone deux fois par semaine des questions personnalisées —« Présentez-vous de la fièvre ? Des difficultés respiratoires ? », etc.— et en fonction de la réponse une recommandation voire une alerte lui sont adressées qui l’orientent vers une téléconsultation, son médecin traitant, le Samu ou les urgences. Si le patient ne suit pas la recommandation, les alertes nous remontent et permettent d’entrer en communication avec lui pour vérifier son état. Enfin, trois fois par semaine, un groupe de professionnels se relayent pour animer une session en live et répondre aux questions des participants.
TLM: Quel bilan en tirez-vous ?
Pr Ronan Roussel : En connectant patients et soignants l’application s’est avérée constituer un canal très performant d’information, d’interaction, d’accompagnement, de veille et d’orientation des patients. L’interactivité joue ici un rôle capital : les patients osent poser des questions et chacun bénéficie de celles des autres, à telle enseigne que certains ont confié avoir davantage appris sur le diabète à travers cet outil qu’en plusieurs années de consultation. En termes de communication il s’agit d’un bras de levier considérable puisqu’on peut faire passer des messages simultanément à plusieurs centaines de personnes. Il permet également de mettre en place des sessions de groupe, des formations ou des séminaires interactifs à très large échelle. J’ajoute qu’il peut constituer un outil de recherche puisqu’il permet d’envoyer des questionnaires ciblés à plusieurs patients et d’en avoir le retour. Compte-tenu de la qualité et des performances de cet outil, et à la demande des patients eux-mêmes, nous avons décidé de maintenir ce canal de communication et d’en élargir l’application au-delà du Covid.
TLM : Etiez-vous préparés à l’utilisation d’outils numériques pour faire face au Covid?
Pr Ronan Roussel : Nous usions déjà d’un certain nombre de dispositifs, en particulier de plateformes de télésurveillance. La crise a été l’occasion de donner un coup d’accélérateur. Concernant la téléconsultation et la transmission des données, nous avons utilisé la plateforme ORTIF, de l’Agence régionale de santé. Mais nous avons aussi mis en place, via la plateforme Diabnext, nos propres outils sécurisés de télésurveillance et de télétransmission. Cette plateforme permet d’échanger par mail, d’enclencher des téléconsultations. Grâce à ces outils on peut par exemple aller jusqu’à accompagner à distance l’initiation d’une insulinothérapie — l’infirmière assurant la démonstration du geste —, mais aussi, quasiment au jour le jour sinon de semaine à semaine, l’augmentation progressive des doses.
TLM: Pensez-vous que ces outils sont susceptibles de faire évoluer la prise en charge du diabète ?
Pr Ronan Roussel : Nous sommes résolument partisans de l’utilisation de ces nouvelles technologies. Elles représentent l’avenir, la profession médicale doit s’y engager résolument, d’autant que les patients le réclament. Pour nous il n’y aura pas de retour en arrière. Jadis un service de diabétologie c’était une unité d’hospitalisation, une unité d’hôpital de jour et une autre de consultation. Nous envisageons d’y ajouter une quatrième, de télémédecine, avec ses médecins et ses infirmières. Quelques-uns au départ mais dont le nombre ira en augmentant. Sa mission sera évidemment articulée avec celles des trois autres unités, et les patients circuleront donc entre les quatre.
Propos recueillis par Isabelle Duval