Pr ROCHE : Le médecin généraliste pivot du suivi des patients atteints de BPCO sévère
Discipline : Pneumologie
Date : 10/10/2021
Dans le suivi des patients atteints de BPCO sévère, le rôle du médecin généraliste est primordial, insiste le Pr Nicolas Roche, chef du service de Pneumologie à l’hôpital Cochin (Paris). Il doit être capable de détecter la maladie, d’évaluer sa sévérité, d’orienter le patient. Il est aussi compétent pour initier les traitements, assurer la motivation et l’observance du traitement.
TLM : Quelles sont les caractéristiques d’une BPCO sévère ?
Pr Nicolas Roche : Il existe plusieurs façons de définir la sévérité d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive. L’un des premiers critères est le niveau du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) qui lorsqu’il est inférieur de 50 % à la valeur normale traduit une forme sévère d’obstruction bronchique, laquelle est très sévère en dessous de 30 %. Le deuxième critère flèche l’importance du handicap dans la vie quotidienne qui devient significatif dès lors que les activités habituelles sont ralenties ou empêchées, et très sévère lorsqu’il existe un essoufflement pour les activités basiques de la vie quotidienne, comme s’habiller, se laver... La sévérité peut aussi s’évaluer par le nombre d’épisodes aigus d’exacerbations, notamment ceux nécessitant une hospitalisation. Les formes sévères concernent en général des patients dont l’état s’est dégradé petit à petit, avec une restriction progressive des activités de la vie quotidienne, du fait d’une dyspnée pour des actes de plus en plus simples. Le malade finit par être gêné chez lui au moindre mouvement. A l’extrême du spectre de sévérité se situent les malades insuffisants respiratoires qui eux vivent sous oxygène en permanence, et parfois ventilation non invasive.
TLM : Quelle prise en charge pour les patients souffrant de forme sévère ?
Pr Nicolas Roche : Pour les patients très gênés sans être insuffisants respiratoires, le traitement est basé sur les bronchodilatateurs en inhalation et la réadaptation respiratoire. Les bronchodilatateurs sont recommandés dans la prise en charge symptomatique de la BPCO et, selon les cas, peuvent être administrés de façon régulière, en traitement de fond pour les formes à longue durée d’action et à la demande pour soulager les symptômes pour les formes à courte durée d’action. Une prise par jour le matin peut suffire pour certains produits. Si les bronchodilatateurs sont insuffisants, les corticoïdes inhalés associés aux bronchodilatateurs peuvent améliorer certains patients pour réduire la fréquence des exacerbations. Elle doit être décidée au cas par cas, en tenant compte de ses effets secondaires possibles (pneumonies, éventuellement effets systémiques).
TLM :C omment traiter les phases aiguës d’exacerbation ?
Pr Nicolas Roche : L’exacerbation aiguë de la BPCO nécessite, lorsqu’elle est sévère, une hospitalisation. La prise en charge à l’hôpital fait appel à une optimisation de l’usage de bronchodilatateurs, une kinésithérapie pour aider à lutter contre l’encombrement bronchique, une oxygénothérapie transitoire. Des antibiotiques sont prescrits en cas d’expectoration purulente. Une ventilation non invasive peut parfois être nécessaire. Les corticoïdes oraux peuvent être prescrits en fonction de la sévérité initiale, de la présentation clinique, puis de l’évolution. Ils se discutent, là encore, au cas par cas. Ils accélèrent la guérison en cas d’exacerbation.
TLM : Et pour les formes très sévères ?
Pr Nicolas Roche : Au stade ultime de l’insuffisance respiratoire, les patients ont besoin de vivre en permanence avec de l’oxygène. Ils peuvent aussi bénéficier d’une ventilation non invasive assistée la nuit, voire également par périodes dans la journée. Cette ventilation se fait à deux niveaux de pression (au contraire de l’apnée du sommeil où le niveau de pression est constant). Une pression plus forte pour que le malade inspire. Puis cette pression redescend pour l’expiration.
TLM : Quels sont les cas particuliers à connaître ?
Pr Nicolas Roche : Dans certaines formes particulières, avec un emphysème important, certaines interventions chirurgicales ou endoscopiques visent à faire réduire le volume pulmonaire par l’ablation des zones les plus emphysémateuses. Enfin dans les cas extrêmes, pour les malades souffrant d’une atteinte très sévère, il faut aussi penser à la greffe de poumon.
TLM : De manière générale, pour les patients atteints de forme sévère, quelle est la place de la rééducation fonctionnelle ?
Pr Nicolas Roche : Pour les patients atteints de BPCO, la réadaptation est cruciale, et il est donc essentiel d’y penser, de la proposer, de pouvoir l’expliquer au patient et de savoir le/la motiver. Il s’agit de mettre en place un réentraînement à l’effort pour améliorer la force musculaire, avec des exercices sur vélo, tapis roulant ou encore avec des appareils de renforcement musculaire adaptés. Ce travail est pratiqué sous forme de stage de six semaines en moyenne dans des centres de soins de suite (par exemple après une hospitalisation, mais pas obligatoirement). Il peut aussi être mis en place en hôpital de jour, ou dans des cabinet de kinésithérapeutes, ou encore à domicile avec des dispositifs de télésurveillance. Cependant, l’offre est encore variable selon les régions. Il faut savoir aussi que les malades sont souvent réticents à cette rééducation car elle est contraignante et les médecins ne pensent pas toujours à la leur recommander. Mais pour la plupart des patients, elle améliore leur capacité à se confronter à la vie quotidienne et leur permet de retrouver un peu d’autonomie. Les programmes de réadaptation cherchent aussi, par la composante éducative, à aider le patient à observer son traitement médical, à gérer sa maladie, à repérer les épisodes d’exacerbations... La réadaptation peut être aussi associée à un soutien psychologique, ou nutritionnel. Mais, comme tous les programmes de réentraînement musculaire, ils doivent être poursuivis dans la durée. Des associations encouragent et aident les patients dans ce sens.
TLM : Quel est le rôle des médecins généralistes ?
Pr Nicolas Roche : Le rôle du médecin généraliste est primordial. Il doit être capable de détecter la maladie, d’évaluer sa sévérité, de mettre en place des, et enfin d’adresser le patient au spécialiste. Le rôle du médecin généraliste est crucial pour le suivi, la motivation, et l’observance du traitement. Le médecin généraliste peut adapter le traitement à l’évolution de la maladie, en association avec le pneumologue qui lui voit le patient en consultation à un rythme adapté à la situation.
Propos recueillis
par le Dr Clara Berguig ■