• Pr ROCHE : La place de l’antibiothérapie dans les exacerbations de BPCO

Nicolas ROCHE

Discipline : Pneumologie

Date : 10/01/2022


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La BPCO est sujette à des exacerbations pouvant mettre le patient en danger. Le Pr Nicolas Roche, du service de Pneumologie du CHU Cochin (Paris), rappelle la place de l’antibiothérapie dans leur prise en charge en ambulatoire.

 

TLM : Quelle est la première question à se poser face à une exacerbation de BPCO ?

Pr Nicolas Roche : La première c’est : « Est-ce une exacerbation sévère ou non sévère ? » Avec son corollaire : « Peut-elle être prise en charge en ambulatoire ou pas ? » Une exacerbation sévère relève obligatoirement d’une prise en charge hospitalière, sauf dans le cas particulier d’une prise en charge en réseau spécifique prenant en charge en ambulatoire des patients aux stades sévères d’une BPCO. Un des caractères de l’exacerbation sévère est la saturation sanguine en oxygène inférieure à 90 %. À 90% et plus, on peut considérer que l’oxygénation est satisfaisante, selon les recommandations de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) de 2017 sur la prise en charge des exacerbations d’une BPCO. Mais bien sûr ce seuil doit être mis en perspective avec l'état clinique du patient.

 

TLM : Quels sont les facteurs de risques justifiant de traiter le patient en hospitalisation ?

Pr Nicolas Roche : La décision du lieu de prise en charge doit prendre en compte de nombreux éléments comme la sévérité de l’obstruction bronchique sous-jacente, l’existence de comorbidités notamment cardiovasculaires, l’entourage du patient, ses capacités à se surveiller et à recourir aux soins en cas de besoin. Il faut également rechercher les signes de gravité classiques que sont la dyspnée évidemment, mais aussi les fréquences respiratoire et cardiaque, la pression artérielle, les signes neurologiques, l’insuffisance cardiaque gauche et/ou droite. La présence de signes de gravité impose une évaluation hospitalière et si nécessaire l'admission en réanimation.

 

TLM : La pandémie Covid a-t-elle modifié le nombre des exacerbations ?

Pr Nicolas Roche : Non, il y a plutôt moins d’exacerbations depuis le début de la pandémie en raison des mesures barrières qui protègent les patients efficacement, notamment contre les virus et la pollution. On a observé cette baisse des exacerbations jusqu’à cet hiver où l’on a malheureusement l’impression, à confirmer toutefois, de revenir à peu près à la situation antérieure à la pandémie, probablement par relâchement des mesures barrières. La BPCO est un facteur de risque de Covid sévère, mais le SARS-CoV2 (en tout cas celui d’avant le variant Omicron que nous connaissons moins bien sur ce plan) n’est pas en soi un facteur de risque d’exacerbation. Le grand souci lié à la pandémie est la capacité d’accueil dans nos services hospitaliers. En conséquence la prévention des exacerbations passe par la vaccination contre le Covid (schéma à trois doses) mais aussi toujours contre le pneumocoque et contre la grippe. Le schéma vaccinal anti-pneumococcique doit être complet avec le vaccin conjugué et le vaccin polysaccharidique.

 

TLM : Lors d’une exacerbation non sévère, quel est le critère d’une antibiothérapie ?

Pr Nicolas Roche : Il n’y a pas de raison de mettre en place une antibiothérapie si l’on ne constate pas de purulence de l’expectoration. La couleur est jaune ou verte, Quelle que soit sa nuance, elle traduit alors qu’il peut s’agir d’une infection bactérienne. Ce n’est pas l’infection qui fait la gravité de l’exacerbation (sauf pneumonie associée) mais l’exacerbation elle-même, qui est sévère ou pas. À toutes fins utiles, je rappelle que le traitement princeps de l’exacerbation est la majoration des bronchodilatateurs du traitement de fond, sans corticothérapie orale de première intention.

 

TLM : La durée d’antibiothérapie s’est constamment réduite. Que recommande la Société de pneumologie de langue française ?

Pr Nicolas Roche : La plupart des études ont montré que cinq jours permettaient une efficacité optimale et qu’on ne gagne pas à les prolonger. Selon les recommandations de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) de 2017 sur la prise en charge des exacerbations d’une BPCO, les antibiotiques utilisés sont des molécules de base chez un patient sans facteur de risque, c’est-à-dire sans BPCO sévère sous-jacente : soit l’amoxicilline, ou l’amoxicilline + acide clavulanique (amoxiclav), soit un macrolide, soit la pristinamycine. Le prescripteur choisit selon les allergies, l’historique de tolérance, notamment digestive, du patient. Par exemple, en cas d’allergie à la pénicilline, on prescrit un macrolide ou la pristinamycine. Les résistances du pneumocoque à la pristinamycine sont exceptionnelles. Elles sont plus fréquentes avec les macrolides. Cela dit, on ne connaît pas le germe impliqué en ville puisqu’on ne pratique pas d’examen cyto-bactériologique des crachats (ECBC).

 

TLM : L’ECBC en ville a-t-il une indication : énième exacerbation de l’année par exemple ?

Pr Nicolas Roche : Non il n’a pas d’intérêt dans le cas général. Il se justifie seulement en cas de résistance clinique à l’antibiothérapie de première intention, quand les signes respiratoires et généraux ne s’améliorent pas en 48-72 heures. La seule exception à la prescription d’ECBC initial est une colonisation connue à un germe comme un pseudomonas.

 

TLM : Connaît-on les facteurs déclenchants des exacerbations ?

Pr Nicolas Roche : La surinfection est un facteur déclenchant dans au moins la moitié des cas (mais elle est parfois virale). Beaucoup de situations restent sans facteur connu. La consommation inappropriée d’hypnotiques ou antalgiques majeurs peut être en cause. Le rôle des pics de pollution est démontré. Ensuite, il y a des diagnostics différentiels à avoir en tête, parce qu’ils participent à la décompensation respiratoire : un pneumothorax, une embolie pulmonaire, une insuffisance cardiaque, une pneumonie... Il faut savoir les évoquer en fonction de la présentation clinique, et compléter si nécessaire les explorations en cas de doute ou d'évolution défavorable.

Propos recueillis

par le Dr Sophie Duméry

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