• Pr Robert Cohen : Le nouveau schéma vaccinal des infections invasives à méningocoques

Robert Cohen

Discipline : Infectiologie

Date : 08/01/2025


  • 528_photoParole_20_138PE_Cohen.jpg

Ces maladies, potentiellement très graves voire mortelles, peuvent être prévenues par la vaccination, dont le schéma évolue en 2025. Le point avec le Pr Robert Cohen, pédiatre à Saint-Maur-des-Fossés et au CHI de Créteil (94), président du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique de la Société française de pédiatrie et d’ACTIV (Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne).

 

TLM : Comment définir les méningocoques ?

Pr Robert Cohen : Les méningocoques sont des bactéries, naturellement portées par 10 % des enfants et 30 à 40 % des adolescents et jeunes adultes (14-24 ans). Ce sont des porteurs sains mais un petit nombre d’entre eux vont développer des infections d’une brutalité inouïe, mettant en jeu le pronostic vital en quelques heures. Il faut souligner le contraste existant entre l’infection asymptomatique et l’infection symptomatique !

 

TLM : Combien d’infections invasives à méningocoques surviennent chaque année en France ?

Pr Robert Cohen : Tous les ans, on en recense plusieurs centaines : entre 400 et 800 environ.

On parle désormais d’infections invasives à méningocoques, et non plus de méningites à méningocoque : en effet, près de la moitié d’entre elles ne sont pas des méningites mais des septicémies, des arthrites, des pneumonies pouvant se révéler rapidement graves.

Néanmoins les méningites restent les plus fréquentes.

 

TLM : Quels sont les dangers de ces maladies ?

Pr Robert Cohen : Elles sont potentiellement très dangereuses avec un taux de mortalité de l’ordre de 10 %, et des conséquences graves comme des amputations ou des séquelles neurologiques, dans 10 % des cas également. Ces infections peuvent se révéler fulminantes : un gamin peut aller très bien un mardi et mourir le mercredi.

Au tout début on se trouve face à un tableau clinique banal, avec de la fièvre, des céphalées, des douleurs abdominales. Tout à coup, les choses s’accélèrent : syndrome meningé, photophobie, vomissements, maux de tête, raideur de la nuque ou purpura fulminans, avec des tâches rouges qui ne s’effacent pas à la pression. Ce dernier symptôme est le plus grave, il s’agit d’une urgence absolue ! Il peut tuer en quelques heures, malgré une bonne prise en charge médicale, car il provoque une sidération du système immunitaire. De plus, ni les enfants ni les parents ne sortent indemnes d’une réanimation en pédiatrie. Il subsiste souvent un stress qui engendre des difficultés scolaires, des troubles de l’attention et divers problèmes psychologiques, bien plus nombreux que ce que l’on croyait auparavant.

 

TLM : Comment prévenir ces maladies ?

Pr Robert Cohen : Les méningocoques se transmettent par voie respiratoire mais on ne peut pas porter en permanence un masque, excepté lors de grandes épidémies comme celle du Covid. La prévention c’est donc la vaccination. Dans les pays développés, il existe cinq sérotypes de méningocoques, autrement dit cinq familles différentes, responsables en Occident de 97 % des infections invasives à méningocoques. Depuis le début des années 2000, nous disposons de vaccins dirigés contre la capsule — ou la carrosserie — des sérotypes ACWY, et des vaccins sous-capsulaires pour le sérotype B. Les vaccins capsulaires sont très efficaces et remarquablement supportés : ils ont l’avantage d’entraîner une immunité très prolongée chez l’adolescent. Si la couverture vaccinale est bonne, ils permettent une protection individuelle mais aussi collective, avec une réduction de la circulation de la bactérie. Aujourd’hui, grâce à la vaccination, le nombre de cas d’infections invasives a meningocoques est très faible en France.

En Angleterre, qui a commencé la vaccination dix ans avant nous, les résultats sont impressionnants avec une baisse considérable de ces infections.

 

TLM : Quel est le schéma vaccinal ?

Pr Robert Cohen : La vaccination contre les sérogroupes ACYW est recommandée, avec une première dose à six mois et une seconde à un an. Sans oublier un rappel avant 14 ans. Les vaccins contre le méningocoque B offrent une protection moins longue.

Mais le B est le sérotype le plus fréquent.

La vaccination nécessite trois doses : à 3 mois, 5 mois et 12 mois. La commission technique de la vaccination recommande la vaccination ACYW pour les adolescents, mais pas pour le sérotype B. Néanmoins elle a souhaité son remboursement : si les parents et le médecin jugent que la protection de l’adolescent est importante, le vaccin est remboursé. Les maladies infectieuses surviennent plus fréquemment dans les milieux défavorisés et ne pas rembourser ce vaccin reviendrait à accentuer des inégalités sociales.

 

TLM : Cette vaccination a été recommandée après la crise Covid. Pourquoi ?

Pr Robert Cohen : Pendant la période de Covid, nous avons constaté une chute considérable des infections invasives à méningocoques. Mais, une fois levées les mesures d’hygiène, elles sont remontées en flèche, avec des chiffres supérieurs à la période pré-Covid, la dette immunitaire jouant un rôle. C’est pour cela que ces vaccins ont été recommandés après le Covid. Un décret les rend obligatoires pour les enfants nés à partir du 1 er janvier 2025.

 

TLM : Est-il parfois nécessaire de se faire vacciner après 65 ans ?

Pr Robert Cohen : Pour l’instant aucun pays n’a recommandé la vaccination chez les séniors, même si on sait qu’après 65 ans, avec la sénescence immunitaire, le risque d’infections invasives à méningocoques augmente. Mais cette position peut évoluer.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste dans la prévention des infections invasives à méningocoques ?

Pr Robert Cohen : Nous avons un calendrier vaccinal qui est l’un des plus complets du monde. Le médecin généraliste a donc pour mission de le faire appliquer. Il doit aussi arriver à capter les adolescents, qui ne sont pas si souvent en consultation, pour le rappel du vaccin contre les sérogroupes ACWY avant 14 ans. D’ailleurs, comme ce rappel n’est pas obligatoire et insuffisamment réalisé, il existe un projet de le proposer en même temps que la vaccination contre les papillomavirus vers 11-12 ans.

Propos recueillis

par Brigitte Fanny Cohen

  • Scoop.it