• Pr RIVELINE : Des traitements plus personnalisés pour les patients diabétiques de type 2

Jean-Pierre RIVELINE

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 10/01/2022


  • 167_photoParole_126PE_Riveline.jpg

Les recommandations internationales préconisent d’individualiser le traitement médicamenteux du diabète de type 2 en l’adaptant aux caractéristiques cliniques du patient et pas seulement à l’objectif glycémique. Explications du Pr Jean-Pierre Riveline, endocrinologue-diabétologue au Centre universitaire du diabète et de ses complications à l’Hôpital Lariboisière (Paris).

 

TLM : Les recommandations en matière de traitement médicamenteux du diabète T2 ont donc évolué...

Pr Jean-Pierre Riveline : Depuis les dernières recommandations de la HAS en 2013, des nouvelles classes thérapeutiques, les agonistes des récepteurs du GLP-1 et les inhibiteurs du SGLT2, ont montré, lors d’études de morbi-mortalité un bénéfice cardiovasculaire et rénal. Les dernières recommandations de l’American Diabetes Association (ADA) et de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) s’orientent donc vers une prise en charge personnalisée du diabète de type 2, adaptée notamment au phénotype des patients : existence d’antécédents cardiovasculaires, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, obésité morbide... Il n’existe donc plus de dogme en matière de traitement médicamenteux même si la metformine reste le traitement de première intention, sauf intolérance ou contre-indication. La réactualisation des recommandations de la HAS est donc très attendue !

 

TLM : Alors, que faire lorsque la metformine ne suffit plus ?

Pr Jean-Pierre Riveline : En cas d’échec de la monothérapie, si l’hémoglobine glyquée (HbA1c) reste au dessus de l’objectif glycémique après renforcement des mesures hygiéno-diététiques et contrôle de l’observance, une bithérapie s’impose. La HAS recommande d’associer un sulfamide hypoglycémiant ou, en seconde intention, un inhibiteur de l’alphaglucosidase. Ces recommandations sont peu suivies aujourd’hui. Plusieurs autres alternatives thérapeutiques s’offrent aux cliniciens : en l’absence de comorbidité, un inhibiteur de la DDP4 (gliptine), éventuellement en association fixe, peut être proposé si le déséquilibre glycémique n’est pas trop prononcé. Ces molécules ont l’avantage d’être bien tolérées, notamment sur le plan rénal et digestif. Il existe d’autres possibilités. Les recommandations internationales récentes des sociétés de diabétologie (ADA/EASD 2021) préconisent les nouvelles classes thérapeutiques, mieux tolérées et seules à même d’individualiser le traitement en fonction d’éventuelles pathologies cardiovasculaires ou rénales.

 

TLM : Quelle est la place des agonistes des récepteurs du GLP-1 ?

Pr Jean-Pierre Riveline : Apparues il y a 10-15 ans en France, quatre molécules agonistes des récepteurs du GLP-1 sont commercialisées en France uniquement sous forme injectable sous-cutanée : l’exénatide, le sémaglutide, le liraglutide et le dulaglutide. Le GLP-1 (glucagon like peptide) est une hormone intestinale de la famille des incrétines, produite par les cellules endocrines de l’intestin au moment des repas. Il intervient à différents niveaux : amplification de la sécrétion d’insuline, réduction de celle de glucagon, sécrétion d’autres hormones à tropisme gastro-intestinal... Le GLP-1 ralentit ainsi la vidange gastrique et agit sur les centres cérébraux de la satiété. De fait, les agonistes des récepteurs du GLP-1, aussi appelés analogues du GLP-1, permettent une baisse de l’HbA1c et une perte de poids, et ceci sans occasionner d’hypoglycémie. Et surtout, les études de morbi-mortalité cardiovasculaire menées ces dernières années ont montré chez des patients à haut risque cardiovasculaire un effet bénéfique, protecteur, sur trois critères de jugement : mortalité CV, infarctus du myocarde, AVC. En échec de monothérapie, les agonistes des récepteurs du GLP-1 devraient donc être privilégiés, en association à la metformine, chez les patients à haut risque cardiovasculaire en prévention secondaire ainsi qu’en cas d’obésité majeure. Leur profil de tolérance se caractérise essentiellement par des événements digestifs (nausées, parfois vomissements...), justifiant l’augmentation progressive des doses. Par précaution, ils seront à éviter en cas d’antécédents de pancréatite.

 

TLM : Qu’apportent les inhibiteurs du SGLT2 ?

Pr Jean-Pierre Riveline : A ce jour, deux inhibiteurs du Sodium-glucose cotransporter type 2 (SGLT2) sont commercialisés : la dapagliflozine et l’empagliflozine. Depuis 2021, leur prescription est ouverte à tous les médecins. Aussi appelés gliflozines, les inhibiteurs du SGLT2 ont constitué une véritable révolution dans la prise en charge du diabète. En 2016, une étude de morbi-mortalité, l’étude EMPA-REG menée avec l’empagliflozine, a montré qu’en six mois seulement cette molécule s’avérait capable de réduire la mortalité, notamment en améliorant l’insuffisance cardiaque et en ralentissant l’évolution de l’insuffisance rénale, par des mécanismes encore mal connus. On sait que les inhibiteurs du SGLT2 inhibent le transporteur de réabsorption du glucose au niveau du tubule rénal, engendrant une excrétion urinaire de glucose, une baisse de la glycémie et une perte pondérale, cette dernière étant cependant moins spectaculaire qu’avec les agonistes du GLP-1. Les inhibiteurs SGLT2 induisent également une diminution de la tension artérielle qui pourrait participer aux effets bénéfiques de néphroprotection et de cardioprotection. Ces effets protecteurs sont observés même chez des sujets non diabétiques. Cette classe thérapeutique est ainsi, depuis peu, indiquée dans l’insuffisance cardiaque et la maladie rénale chronique, y compris dans une population non diabétique. Dans le diabète de type 2, les recommandations internationales telles que celles de l’ADA préconisent aujourd’hui, en échec de monothérapie, les inhibiteurs du SGLT2 en association à la metformine chez les patients à risque cardiovasculaire, en prévention primaire ou secondaire. Les effets indésirables sont dominés par des infections vaginales, parfois urinaires, et plus rarement un risque d’acidocétose sans hyperglycémie, observées surtout chez des sujets diabétiques de type 1. A noter avec la canagliflozine, un inhibiteur du SGLT2 non commercialisé en France, un surrisque d’amputation principalment de l’orteil, en particulier en cas d’AOMI. Toutefois, cet effet indésirable n’a pas été observé avec les inhibiteurs SGLT2 disponibles en France.

Propos recueillis

par Marie Christine Tomasso

  • Scoop.it