• Pr Rima Nabbout : Modalités de mise en place d’un régime cétogène

Rima Nabbout

Discipline : Pédiatrie

Date : 17/01/2023


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Le régime cétogène est indiqué dans un certain nombre d’épilepsies de l’enfant qui ne répondent pas aux traitements médicamenteux. « Il nécessite une organisation importante, prévient le Pr Rima Nabbout, directrice du Centre de référence des Epilepsies rares de l’hôpital Necker (Paris), mais quand c’est efficace, cela vaut vraiment le coup ! »

 

TLM : Qu’est-ce que le régime cétogène ?

Pr Rima Nabbout : Ce n’est pas un régime amincissant ! C’est un régime alimentaire constitué presqu’exclusivement de lipides et de protéines. Dans ce régime, le nombre de calories apportées par les lipides représente les trois quarts des apports caloriques de l’alimentation.

Le régime doit être riche en lipides et pauvre en glucides, avec généralement quatre fois plus de lipides que de glucides et de protéines. Ce régime est indiqué dans un certain nombre d’épilepsies de l’enfant qui ne répondent pas aux traitements médicamenteux. Il est d’ailleurs prescrit d’emblée pour certaines maladies métaboliques avec épilepsie, comme notamment le déficit en transporteur de glucose de type GLUT-1. Le régime cétogène peut être particulièrement efficace pour certains syndromes épileptiques, comme le syndrome des spasmes infantiles, celui de Lennox-Gastaut, de Dravet, la sclérose tubéreuse de Bourneville, l’épilepsie avec crise myoclono-atonique, l’état de mal super-réfractaire…

 

TLM : Par quel mécanisme ce régime alimentaire a-t-il un effet favorable dans certaines épilepsies ?

Pr Rima Nabbout : Plusieurs facteurs expliqueraient la capacité de ce régime à défavoriser la résistance aux médicaments. L’effet du régime cétogène passe par de multiples mécanismes, comme par exemple la production de corps cétoniques qui auraient un effet anti-inflammatoire, la restriction d’apport en glucose et la transformation des acides gras. De surcroît, le régime cétogène augmenterait la quantité de neurotransmetteurs inhibiteurs, comme le GABA ou acide gamma-aminobutyrique, ce qui diminuerait l’hyperexcitabilité neuronale.

 

TLM : A quel moment ce régime est-il prescrit ?

Pr Rima Nabbout : Face à un enfant souffrant d’épilepsie, les médicaments sont la première ligne thérapeutique. Cette première ligne est efficace dans 70 à 80 % des cas. Lorsque l’épilepsie résiste au médicament prescrit, une deuxième de traitement peut être proposée. Le régime cétogène peut alors aussi être recommandé à ce moment-là, dans les épilepsies pharmaco-résistantes, en association en général avec des médicaments. Le régime cétogène est efficace pour 30 à 40% de ces patients. Il est possible de savoir après un essai d’un mois ou deux s’il est efficace. Nous encourageons les parents les plus réticents à l’utiliser, lorsqu’il y a une indication. Cela demande la mise en place d’une organisation importante. Mais quand c’est efficace, cela vaut vraiment le coup. Lorsque le régime fonctionne, il peut être suivi pendant au moins deux ans, avec la possibilité d’augmenter progressivement les parts de glucides. Le régime peut être prolongé dans certains cas. Il est d’ailleurs souvent indispensable à vie pour les patients atteints de déficit en transporteur de glucose de type GLUT-1 ou de déficit en pyruvate déshydrogénase.

 

TLM : Existe-t-il des études randomisées qui ont démontré l’efficacité de ce régime ?

Pr Rima Nabbout : L’efficacité du régime cétogène sur les épilepsies de l’enfant a été démontrée dans quelques essais cliniques randomisés et dans des études prospectives sur des syndromes épileptiques spécifiques. En se basant sur la littérature, on observe une diminution de 50 % des crises chez à peu près la moitié des patients après trois mois de ce régime, avec un nombre de crises diminué dès les deux premiers mois du traitement chez la majorité des patients répondeurs.

 

TLM : Comment mettre en place ce régime ?

Pr Rima Nabbout : Chez l’enfant, la mise en place du régime cétogène se fait en milieu hospitalier, avec une équipe de soignants et de diététiciens, spécifiquement formée.

Cette période d’initiation à l’hôpital permet à la famille de comprendre, d’appréhender ce régime très inhabituel, d’être formée et informée. La pratique au quotidien de ce régime nécessite un vrai savoir-faire. Nous avons contribué à un gros travail de formation, pour familiariser les diététiciens au régime cétogène, en Ile-de-France et aussi en dehors. Il ne s’agit pas seulement de donner des recettes alimentaires, mais d’assurer un suivi des enfants, de leur croissance, de l’absence de déficit en vitamines ou en calcium.

La prescription d’un tel régime est limitée aux centres spécialisés dans la prise en charge de l’épilepsie de l’enfant, travaillant avec une équipe de diététiciens.

 

TLM : En pratique, que peuvent manger les enfants pendant ce régime ?

Pr Rima Nabbout : Par exemple, lors du petit déjeuner, il n’y a pas de céréales, ni de croissants ni de pains grillés, mais des produits laitiers enrichis en crème. Pour le déjeuner, des protéines, de la viande, des saucisses, avec beaucoup de beurre ou d’huile. Lors de chaque repas, le taux de lipides doit être quatre fois plus important que celui des glucides.

Les sucres rapides doivent être totalement éliminés. Pour le dessert, un quart de pomme est possible, mais pas plus. Il y a très peu de fruits et de légumes. Il existe une version plus modérée : le régime à bas index glycémique, d’où l’on exclut tous les aliments à index glycémique élevé. Les diététiciens peuvent recommander différents produits disponibles dans le cadre de ce régime. Mais, clairement, les parents doivent s’impliquer, cuisiner. Chez l’enfant scolarisé, il faut s’organiser avec le personnel de l’école, pour veiller à ce que le jeune patient ne prenne pas le morceau de pain ou de gâteau d’un autre enfant, ce qui ruinerait les efforts de la famille, du médecin et du diététicien.

 

TLM : Quels sont les risques d’un tel traitement ?

Pr Rima Nabbout : Le premier risque c’est que cela ne soit pas efficace ou ne le soit que partiellement. Comme tout traitement, il faut un suivi de l’efficacité et des effets secondaires. Il faut vérifier l’absence d’hypercholestérolémie en particulier en cas de prédisposition génétique, l’absence de calculs rénaux car le régime cétogène favorise l’excrétion du calcium, ce qui peut induire des lithiases rénales. Il peut y avoir aussi un manque de calcium, de vitamine D. Les problèmes de croissance doivent être prévenus par des supplémentations en vitamines et en calcium, avec des compléments ne contenant pas de sucre, bien sûr. Attention aussi, lors des prescriptions d’antibiotiques ou d’autres médicaments : il faut bannir ceux qui contiennent du sucre. Le régime cétogène, c’est comme un médicament, avec son efficacité, ses indications, ses effets secondaires et ses impératifs d’observance.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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