• Pr RANNOU : Arthrose : la primauté des traitements non pharmacologiques

François RANNOU

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 10/10/2021


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Dans l’arthrose de la hanche, du genou, voire du pouce, les traitements non pharmacologiques constituent désormais la première ligne thérapeutique, assure le Pr François Rannou, rhumatologue, chef de service à l’hôpital Cochin à Paris.

 

TLM : Les traitements non pharmacologiques sont-ils importants dans la prise en charge des patients atteints d’arthrose ?

Pr François Rannou : En préambule, je voudrais expliquer que différents essais thérapeutiques de grande qualité méthodologique ont évalué les effets des traitements non pharmacologiques de l’arthrose. Ils ont tous conclu que ces traitements avaient un effet équivalent aux médicaments. Avec cependant une différence de taille : ils n’ont pas d’effets secondaires. Les traitements non pharmacologiques sont désormais la première ligne thérapeutique dans l’arthrose. Les recommandations les plus récentes, qu’elles soient internationales, européennes ou françaises affirment que le premier traitement de l’arthrose est non pharmacologique. Avec deux catégories de prise en charge. La première comprend les traitements non spécifiques, c’est-à-dire la perte de poids (si nécessaire) et l’activité physique régulière. La deuxième catégorie regroupe les traitements non pharmacologiques analytiques adaptés à chaque localisation de l’arthrose. Il y a donc une double approche non pharmacologique : faites de l’activité physique et renforcez de manière analytique les articulations concernées.

 

TLM : Par exemple, quelle rééducation analytique en cas d’arthrose de la hanche ?

Pr François Rannou : L’objectif est de développer les muscles autour de l’articulation de la hanche. Il faut renforcer les muscles en éventail de la fesse, faire des exercices pour lutter contre l’enraidissement postérieur et contre la perte d’extension de la hanche. Il n’existe pas d’orthèse spécifique pour la hanche. Mais des conseils précis concernant le chaussage doivent être donnés. Il faut recommander aux patients des chaussures avec semelles épaisses amortissantes. Par ailleurs, des cannes anglaises peuvent être utiles lors des poussées douloureuses aiguës. De manière schématique, le traitement non pharmacologique est le traitement de fond de la phase chronique de la maladie. Lors de la phase aiguë, les médicaments anti-inflammatoires eux sont nécessaires.

 

TLM : Et pour l’arthrose du genou, quelles sont les modalités du traitement non pharmacologique ?

Pr François Rannou : Pour le genou, la perte de poids est fondamentale, tout comme la reprise de l’activité physique. Sur le plan analytique, le premier objectif est le port d’une genouillère, qui permet de diminuer la douleur. Les semelles amortissantes ont aussi leur place. Sur le plan de la rééducation, il faut diminuer les contraintes qui pèsent sur l’articulation, renforcer les muscles qui stabilisent le genou, les ischio-jambiers et les quadriceps. Le travail proprioceptif, notamment des exercices de repositionnement de la jambe par rapport à la cuisse, est également important. Des orthèses dynamiques de décharge, dispositifs très onéreux et prescrits uniquement par des médecins spécialisés, dans certains cas contribuent à stabiliser l’articulation. Des exosquelettes pour soulager le genou ont fait leur apparition sur le marché et permettent aux patients atteints d’arthrose, par exemple, de faire du ski.

 

TLM : Existe-t-il des traitements analogues pour l’arthrose du pouce ?

Pr François Rannou : Oui et c’est important d’en parler. Il s’agit de prescrire aux patients une orthèse d’ouverture de la première commissure à porter la nuit. Des essais thérapeutiques que nous avons réalisés ont permis de démontrer l’intérêt d’une telle orthèse contre la douleur et pour réduire la prise de médicaments.

 

TLM : Quelle est la place des cures thermales dans ces traitements non pharmacologiques ?

Pr François Rannou : Ces cures thermales ont un intérêt évident. Et cela pour plusieurs raisons. Il a été démontré que les cures thermales permettent de réduire la consommation de médicaments et qu’elles ont une efficacité sur les symptômes. Surtout, ces cures thermales vont inciter les patients à apprendre à gérer eux-mêmes leur maladie. Ils y apprennent les exercices de rééducation, les traitements physiques, afin de pérenniser cette prise en charge non pharmacologique à long terme. Lors des cures thermales, les kinésithérapeutes prennent le temps d’enseigner aux patients les exercices à réaliser pour renforcer leur musculature de manière spécifique et pour leur permettre de réduire la douleur au quotidien.

 

TLM : Ces cures thermales permettent-elles aussi une remise en forme globale ?

Pr François Rannou : L’objectif c’est aussi une remise en forme globale en améliorant l’état physique et même psychologique. Ces cures permettent de ré-initier le mouvement chez des personnes handicapées par la douleur de l’arthrose et qui ont perdu l’habitude de bouger.

 

TLM : Les médecins généralistes sont-ils formés à cette prise en charge non pharmacologique ?

Pr François Rannou : Les médecins généralistes ne connaissent pas encore bien l’importance de la prise en charge non pharmacologique dans l’arthrose. Ils ne savent pas qu’elle permet, parfois, d’éviter la mise en place d’une prothèse ou en tout cas de la retarder. Le traitement non pharmacologique c’est le traitement de fond que le patient doit intégrer à long terme dans son mode de vie. Il est bénéfique pour les articulations, mais il permet en plus de prévenir toutes sortes de pathologies, en particulier cardiovasculaires. Quand les patients concernés bénéficient d’une telle prise en charge, ils en ressentent vite l’intérêt. Le problème c’est le starter : si le médecin généraliste est convaincu, le patient le sera aussi. Lorsque les séances avec le kinésithérapeute sont terminées, le patient s’approprie généralement ces exercices pour les réaliser ensuite seul chaque jour.

 

TLM : Comment s’intègrent traitements pharmacologiques et non pharmacologiques dans la prise en charge de l’arthrose ?

Pr François Rannou : Pendant les phases aiguës, par exemple pour le genou, la prise en charge repose sur les médicaments anti-inflammatoires, avec éventuellement des infiltrations de corticoïdes. Entre les crises, pendant les phases dites chroniques de l’arthrose du genou, le traitement à privilégier est non pharmacologique, à visée biomécanique. Les antalgiques sont prescrits lors des phases aiguës ou chroniques. Plusieurs études ont mis clairement en évidence que les traitements non pharmacologiques bien menés réduisaient la consommation de médicaments antalgiques et anti-inflammatoires.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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