• Pr RAHERISON-S. : Les biothérapies pour limiter le recours à la corticothérapie orale

Chantal RAHERISON-SEMJEN

Discipline : Pneumologie

Date : 09/07/2020


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LES PATIENTS AVEC UN ASTHME SÉVÈRE CORRÉLÉ À UNE INFLAMMATION DE TYPE 2 REPRÉSENTENT ENTRE 50 ET 60% DES ASTHMATIQUES SÉVÈRES. ILS PEUVENT BÉNÉFICIER D’UNE BIOTHÉRAPIE CIBLÉE QUI AMÉLIORE LA QUALITÉ DE VIE. ENTRETIEN AVEC CHANTAL RAHERISONSEMJEN, PROFESSEUR DE PNEUMOLOGIE AU CHU DE BORDEAUX ET PRÉSIDENTE DE LA SOCIÉTÉ DE PNEUMOLOGIE DE LANGUE FRANÇAISE (SPLF)

 

TLM: Quels sont la prévalence et les critères de diagnostic de l’asthme sévère corrélé à une inflammation de type 2?


Pr Chantal Raherison-Semjen : La prévalence d’adultes avec un asthme est de 6,4% en France. Parmi eux, entre 3 et 5% ont une pathologie sévère dont plus de moitié (50 à 60%) sont atteints d’un asthme sévère corrélé à une inflammation de type 2, c’est-àdire un phénotype Th2+ de type allergique et/ou éosinophilique. L’asthme sévère est un asthme non contrôlé malgré un pallier de traitement maximal. Un des critères de diagnostic est la fréquence des cures de corticothérapies orales pour exacerbations : au moins 2 sur les 12 derniers mois. Le phénotype Th2+ ou Th2est déterminé à l’aide d’un entretien clinique, du bilan biologique et d’une prise de sang.

 

TLM : Quelle prise en charge pour cette forme sévère de l’asthme?


Pr Chantal Raherison-Semjen : Dans les centres spécialisés, un bilan systématique est proposé pour évaluer les retentissements respiratoires de l’asthme, mais également les comorbidités liés à la corticothérapie (complications cardiaque ou musculaire, ostéoporose). La prescription d’une biothérapie va permettre très souvent d’améliorer les symptômes respiratoires, la qualité de vie, diminuer la fréquence des exacerbations et de réduire progressivement, voire d’éliminer, la corticothérapie générale.

Pour certains patients, une réhabilitation à l’exercice est également proposée. On remet enfin au patient un plan d’action personnalisé pour qu’il puisse s’autogérer en cas de crise.

 

TLM : Quelle est l’efficacité des thérapies personnalisées ?


Pr Chantal Raherison-Semjen : Les biothérapies sont efficaces en moyenne chez 60 à 70 % des malades. La biothérapie la plus ancienne est un anticorps anti-IgE qui dispose d’une AMM pour les patients ayant un asthme sévère allergique. D’autres biothérapies plus récentes, les anti-IL-5, IL-4 et IL-13, sont proposées en fonction des marqueurs de l’inflammation identifiés chez les patients Th2+. Après un contrôle à trois ou quatre mois, si le patient est répondeur à la biothérapie, on peut diminuer progressivement la corticothérapie orale.

 

TLM : Comment évaluez-vous la prise en charge de l’asthme sévère par les médecins généralistes ?


Pr Chantal Raherison-Semjen : Beaucoup de patients n’ont encore jamais eu de mesure de spirométrie. Or la mesure objective du souffle est importante. Cet examen est recommandé au moins une fois par an, quand l’état est stable. Il faut également penser à évaluer le contrôle de la maladie

asthmatique à l’aide des questionnaires existants. Enfin, lorsqu’un asthme est mal contrôlé malgré une pression thérapeutique importante et, de surcroît, quand il y a des cures fréquentes de corticothérapie générale, le patient doit être adressé à un pneumologue.

 

TLM : Votre prise de fonction à la tête de la SPLF a coïncidé avec le début de la crise du coronavirus. Quelles recommandations avezvous mises en place à cette occasion ?

Pr Chantal Raherison-Semjen : Dès le début de la crise, nous avons publié des recommandations de prise en charge de toutes les maladies respiratoires. Nous avons ainsi rappelé aux patients atteints d’asthme sévère qu’ils devaient poursuivre leur traitement. Contrairement à certaines idées fausses, il n’y a aucune inquiétude à avoir ni avec les corticoïdes ni avec les autres médicaments. Plus récemment, nous avons élaboré un guide pour le suivi respiratoire des patients ayant eu le Covid-19. Nous pensons que cette infection peut malheureusement entraîner des séquelles respiratoires. Nous allons d’ailleurs démarrer une méta-cohorte épidémiologique pour suivre ces patients durant un an.

 

TLM : Quels enseignements tirez-vous de cette crise et quels seront les autres chantiers de votre présidence ?

Pr Chantal Raherison-Semjen : Elle a révélé une méconnaissance des maladies respiratoires ! Imaginez qu’il n’y a pas un seul pneumologue au sein du Conseil scientifique... Dans les médias, les infectiologues ont pris seuls le devant de la scène. Un pneumologue n’aurait jamais affirmé que les masques sont inutiles... J’espère que cette prise de conscience sociétale va nous aider à obtenir un plan ambitieux pour les maladies respiratoires. Enfin, nous allons continuer à alerter sur les facteurs de risque environnementaux comme le tabac, la pollution, les pesticides et les nouveaux agents infectieux.

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