• Pr RACCAH : Pour anticiper les complications macrovasculaires du diabète de type 2

Denis RACCAH

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 11/04/2022


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Le diagnostic de diabète de type 2 (DT2) est souvent retardé par rapport à l’hyperglycémie chez le patient. D’où des complications déjà présentes au moment du diagnostic. Le traitement antidiabétique devra donc être choisi en fonction du type de complications. Il faudra aussi savoir changer rapidement de molécule en cas d’apparition d’effets indésirables. Les préconisations du Pr Denis Raccah, chef du service de Diabétologie, hôpitaux Sainte-Marguerite et de la Conception, CHU Marseille.

 

TLM : Il faut, dès le diagnostic, faire le bilan des complications du DT2...

Pr Denis Raccah : Effectivement. L’hyperglycémie modérée évolue silencieusement, le patient DT2 ne ressent aucun signe d’alerte. Il faut donc dépister les complications déjà présentes au moment du diagnostic puisque ce moment n’est pas forcément celui du début du déséquilibre glycémique. Je préfère pour cette raison que l’on parle de « DT2 connu depuis telle date » car il y a toujours une incertitude sur la durée réelle d’évolution de l’hyperglycémie.

Ce bilan comprend la recherche d’une micro-angiopathie due à l’hyperglycémie chronique : rétinopathie, glomérulopathie, neuropathie périphérique... Il faudra rechercher aussi les complications macro-angiopathiques : coronariennes, carotidiennes, artérite des membres inférieurs, où le diabète intervient comme facteur supplémentaire d’athérome. Chez les patients macroangiopathiques l’hyperglycémie démultiplie l’impact des facteurs de risque connus (HTA, hypercholestérolémie, surpoids, tabagisme), présents bien souvent chez les diabétiques de type 2.

 

TLM : D’où la prise en compte immédiate de ces facteurs de risque dans la stratégie thérapeutique...

Pr Denis Raccah : Bien entendu. Même si la lutte contre l’insulinorésistance par les règles hygiéno-diététiques réduit également les autres facteurs de risques athéromateux (surpoids, hyperlipidémie, HTA) et le syndrome métabolique, au moment du diagnostic le patient peut déjà présenter un haut risque cardiovasculaire, voire des antécédents personnels cardiovasculaires, comme par exemple un infarctus myocardique, un angor, un AVC. Les cardiologues paraissent de plus en plus sensibilisés au dépistage du diabète (cf. les recommandations de l’European Society of Cardiology - ESC, élaborées conjointement avec l’European Association for the Study of Diabetes - EASD de 2019).

On constate une amélioration du dépistage du diabète de type 2 à l’occasion d’un événement cardiovasculaire comme on constate une amélioration du dépistage des complications cardiovasculaires lors du dépistage d’un DT2.

 

TLM : Quelle stratégie thérapeutique dans ce cas ?

Pr Denis Raccah : Les dernières recommandations de la Société francophone de diabétologie (SFD) ont été publiées en décembre 2021. Devant un patient dépisté DT2 avec un antécédent cardiovasculaire, situation qui n’est pas rare, nous sommes en prévention secondaire cardiovasculaire, qui justifie d’utiliser des antidiabétiques ayant prouvé une protection cardiovasculaire grâce à plusieurs études et l’accumulation des données, afin d’éviter la récidive. Si la metformine reste la première ligne de traitement chez un patient DT2 avec antécédents cardiovasculaires, quel que soit le niveau de son hémoglobine glyquée, on associe à la metformine une molécule qui diminue le risque de récidive ou d’aggravation chez ce patient particulier. Deux classes thérapeutiques ont fait leur preuve en ce domaine : les agonistes du GLP1 (aGLP1) et les inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2). L’actualisation fournie par la SFD précise les critères de choix de l’une ou l’autre molécule associées à la metformine. Le choix entre aGLP1 et iSGLT2 se décide par le type d’antécédents cardiovasculaires. En cas de maladie athéromateuse (coronaropathie, AVC, AOMI) on préfère les aGLP1. S’il s’agit d’une insuffisance cardiaque ou avec maladie rénale chronique, on choisira un iSGLT2.

 

TLM : Lors du traitement quels éléments faut-il surveiller et selon quel rythme ?

Pr Denis Raccah : L’hémoglobine glyquée apprécie la qualité du contrôle glycémique à long terme. Personnellement je prône une surveillance tous les trois à six mois au moins, pour un patient DT2 —un an c’est trop long ! Il faut aussi toujours évaluer l’efficacité, et vérifier l’absence de contre-indications et la tolérance de ces traitements, particulièrement chez la personne âgée. On procédera à l’évaluation de la tolérance tous les trois à six mois.

 

TLM : Que faire en cas d’effets indésirables ?

Pr Denis Raccah : Les aGLP1 ont des effets indésirables digestifs de type nausées et vomissements qu’il faut notamment éviter chez le sujet âgé, car on peut aboutir à des déshydratations allant jusqu’à l’insuffisance rénale fonctionnelle. La bonne attitude est de ne pas insister et d’arrêter immédiatement la prescription. Quant aux iSGLT2 ils favorisent une hypotension orthostatique et des vertiges posturaux car ils sont aussi diurétiques. Chez les personnes âgées, fréquemment sous antihypertenseurs dont des diurétiques, l’ajout d’un iSGLT2 majore le risque de lipothymie, et donc parfois de chute. Si, donc, la tolérance digestive d’un aGLP1 ou hémodynamique d’un iSGLT2 est médiocre on pourra recourir à l’association metformine + inhibiteur de la DPP4 (iDPP4) qui a fait la preuve de sa sécurité cardiovasculaire, en particulier la sitagliptine en cas d’insuffisance cardiaque .

Propos recueillis

par le Dr Sophie Duméry

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