• Pr Puymirat : Post-infarctus: Réduire le risque de récidive et d’insuffisance cardiaque

Etienne Puymirat

Discipline : Cardiologie

Date : 06/07/2023


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L’objectif de la prise en charge après un infarctus c’est de réduire le risque de récidive et l’évolution vers l’insuffisance cardiaque.

Pour cela, rappelle le Pr Etienne Puymirat, cardiologue à l’hôpital Georges-Pompidou, Paris, il est indispensable de contrôler tous les facteurs de risque CV, qu’ils soient comportementaux ou médicaux.

 

TLM : Comment évolue l’épidémiologie des infarctus du myocarde en France ?

Pr Etienne Puymirat : Il y a actuellement chaque année environ 80 000 infarctus, selon les dernières données de l’Assurance maladie. C’est une maladie qui reste, dans 70 % des cas, à prédominance masculine. Les projections d’avenir font état d’une augmentation de l’incidence dans les 15 prochaines années, essentiellement du fait du vieillissement de la population. Il faut souligner qu’il y a eu nombre d’améliorations dans la prise en charge de l’infarctus au cours des 20 dernières années, depuis la prise en charge pré-hospitalière jusqu’au suivi à long terme. Mais cette prise en charge reste hétérogène sur le plan géographique, en fonction des régions. Certaines populations (patients âgés, personnes défavorisés…) mettent également plus de temps à contacter le SAMU ou le service des pompiers, en cas de douleurs thoraciques aiguës. Par ailleurs, les femmes présentent souvent des symptômes atypiques et sont également prises en charge encore trop tardivement, tout comme les personnes très âgées. Le traitement optimal en urgence consiste en une revascularisation avec pose de stent(s). Quand l’angioplastie ne peut être réalisée dans les 120 minutes après la réalisation de l’ECG, une thrombolyse doit être envisagée en l’absence de contre-indication.

 

TLM : Quelle prise en charge dans le post-infarctus, avant la sortie des patients de l’hôpital ?

Pr Etienne Puymirat : L’objectif de la prise en charge après un infarctus, c’est de réduire le risque de récidive et l’évolution vers l’insuffisance cardiaque. Pour cela, il est indispensable de contrôler tous les facteurs de risque CV, qu’ils soient comportementaux ou médicaux. L’arrêt du tabac est bien sûr, de ce point de vue, impératif. Il faut également travailler avec le patient sur l’hygiène de vie, l’inciter à faire de l’exercice physique, à améliorer son alimentation et à perdre du poids si c’est nécessaire, éventuellement avec l’aide d’un diététicien. Par ailleurs, plusieurs catégories de médicaments doivent être prescrites dans les suites d’un infarctus dans le cadre de la prévention secondaire.

 

TLM : Quel traitement pour le patient qui vient d’avoir un infarctus ?

Pr Etienne Puymirat : Les médicaments cardioprotecteurs sont prescrits systématiquement dans le post-infarctus, en particulier en cas d’insuffisance cardiaque associée. L’association BB, IEV ou ARA2 est recommandée. Lorsque la fraction d’éjection systolique est inférieure à 40 %, des antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes et des inhibiteurs du récepteur au GLP2 doivent être associés.

 

TLM : Les antiagrégants plaquettaires sont-ils forcément systématiques ?

Pr Etienne Puymirat : Oui, ils sont très importants pour réduire le risque de récidive et éviter les complications inhérentes aux stents (thrombose de stent). Il est recommandé de prescrire deux antiagrégants plaquettaires pendant un an, dans les suites immédiates de l’infarctus. L’aspirine fait l’objet d’une prescription systématique, associée à d’autres molécules antiagrégantes comme le ticagrelor, le prasugrel ou le clopidogrel. Au bout d’un an, un seul médicament antiagrégant plaquettaire est recommandé. Le plus souvent l’aspirine est le traitement de choix. Il est bien toléré, avec un petit risque de saignement digestif. Chez les personnes à risque d’hémorragie, il peut être associé à des protecteurs gastriques.

 

TLM : Quels sont les objectifs en matière de LDL-cholestérol dans le post-infarctus ?

Pr Etienne Puymirat : La prise en charge du LDL-cholestérol est également très importante. Les dernières recommandations basées sur des essais cliniques proposent désormais une prise en charge stricte pour réduire de manière drastique le taux de LDL-cholestérol. Le traitement a deux objectifs précis : le LDL doit être inférieur à O,55 g/l et son taux doit être diminué de 50 % par rapport à celui avant l’infarctus. Même si ces objectifs peuvent sembler ambitieux, il est possible d’y parvenir chez 70 % des patients, par exemple en associant une statine de forte intensité avec l’ézétimibe dès la sortie de l’hopital.

 

TLM : Comment surveiller les patients dans le post-infarctus ?

Pr Etienne Puymirat : Il est important de revoir le patient régulièrement au début, après l’accident cardiaque, pour s’assurer que les facteurs de risque cardiaque ont bien été corrigés. La réadaptation cardiaque est fondamentale. Il faut aussi évaluer à nouveau la fonction cardiaque par une échographie, pour mesurer l’insuffisance cardiaque résiduelle. Si la fraction d’éjection systolique reste basse à long terme, la pose d’un défibrillateur sera discutée.

 

TLM : Cette prise en charge —protecteur cardiaque/anti-agrégant plaquettaire/anti-cholestérol— permet-elle de réduire les récidives ?

Pr Etienne Puymirat : La prise en charge du post-infarctus devrait systématiquement être complétée par un séjour en centre de réadapation cardiovasculaire. Mais le nombre de places dans ces établissements est très insuffisant, ce qui en limite l’accès. Par ailleurs, pour les malades de 60 ans ou moins qui travaillent encore, il est difficile de libérer du temps pour un séjour de rééducation. De manière générale, les progrès dans la prise en charge ont permis de réduire de plus de 50% le taux de mortalité associée à l’infarctus ainsi que le risque de récidive.

 

TLM : Quelles améliorations peut-on encore apporter ?

Pr Etienne Puymirat : Il faut continuer à éduquer la population sur l’importance de consulter en cas de douleurs thoraciques. De même, il faut continuer à encourager l’accès précoce à la prise en charge en urgence, pour que l’appel des secours soit plus rapide, en particulier pour certaines populations (milieux sociaux défavorisés, femmes). Il faut également améliorer le dépistage des facteurs de risque chez les personnes qui souffrent d’inflammation systémique chronique, comme celles atteintes de maladies auto-immunes, à risque plus élevé de pathologies coronariennes aiguës que la population générale. La prise en charge de la maladie inflammatoire de ces patients devrait être associée systématiquement aux traitements de tous les facteurs de risque cardiovasculaire.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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