• Pr POL : L’impact des antiviraux sur les patients VHC à profil psychiatrique

Stanislas POL

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 11/07/2022


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Les enseignements de l’étude BaroC Psy* présentés au congrès de l’European Association for the Study of the Liver (EASL) montrent que le traitement antiviral réduit toutes les hospitalisations chez les patients atteints d’hépatite C et ayant un profil psychiatrique. L’analyse du Pr Stanislas Pol, chef du service d’Hépatologie à l’hôpital Cochin (AP-HP).

 

TLM : Quels sont les liens entre troubles psychiatriques et risque d’hépatite C ?

Pr Stanislas Pol : Nous savons que l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est cinq à dix fois plus fréquente chez les patients atteints de troubles mentaux ou de l’humeur qu’au sein de la population générale. Des méta-analyses ont mis en évidence une telle association et ceci est vrai partout dans le monde, en Europe, aux Etats-Unis, en Asie... En France, la prévalence de l’hépatite C en population générale est aujourd’hui de 0,3%, même s’il existe des clusters, parmi les usagers de drogues, les personnes incarcérées ou les migrants. Mais à l’hôpital Sainte-Anne, parmi les patients hospitalisés, cette prévalence est de l’ordre de 3,5 %. Pourtant, les patients dans les hôpitaux psychiatriques sont abandonnés pour ce qui concerne le dépistage et la prise en charge de l’hépatite C.

Une première étude BaroC, basée sur le Système national des données de santé, s’est intéressée à la population traitée en France par des antiviraux à action directe par voie orale pour une hépatite C entre 2015 et 2019. L’objectif était d’évaluer leur consommation globale de soins, et pas seulement ceux concernant l’hépatite. Les résultats ont été publiés en décembre 2021.

 

TLM : Quels sont donc les enseignements de l’étude BaroC ?

Pr Stanislas Pol : L’étude BaroC s’est penchée sur le profil de 71 446 patients traités par des antiviraux de l’hépatite C. Elle a notamment permis d’observer que 32 % des patients recevant ce traitement avaient un profil psychiatrique, c’est-à-dire qu’ils avaient été hospitalisés en psychiatrie, ou qu’ils bénéficiaient de médicaments pour une pathologie mentale, ou encore qu’ils présentaient une maladie associée à une addiction à l’alcool... Ainsi ce travail a permis de mettre en évidence la surreprésentation de patients souffrant de troubles psychiatriques dans une cohorte de malades traités pour une hépatite C. Ces résultats ont été inattendus par leur ampleur.

Pour la moitié seulement de ces patients avec un profil psychiatrique, des facteurs de risque classiques d’hépatite C ont pu être retrouvés comme l’usage de drogues ou une transfusion (par exemple après tentative de suicide). Mais pour l’autre moitié, aucun des facteurs de risques habituels de l’hépatite C n’a été mis en évidence.

 

TLM : Pourquoi avoir mené une seconde étude, BaroC Psy dans ce contexte ?

Pr Stanislas Pol : Nous avons ensuite cherché à comprendre l’impact du traitement de l’hépatite C par les antiviraux sur l’état de santé global de ces patients et pas seulement sur la maladie hépatique. Nous avons donc comparé les hospitalisations, en psychiatrie, médecine, chirurgie ou obstétrique, avant et après le traitement. Les premiers résultats de cette étude BaroC PSY viennent d’être présentés au congrès de l’European Association for the Study of the Liver (EASL) qui s’est tenu à Londres du 22 au 26 juin 2022.

Ils portent sur les données d’hospitalisation, entre 2015 et 2019, un an avant et un an après le traitement antiviral, pour 17 203 patients infectés par le VHC présentant également des troubles psychiatriques. Les résultats sont assez spectaculaires. Si 57,4 % des patients ont été hospitalisés au moins une fois l'année précédant le traitement, seulement 41,6 % l'ont été l’année suivante. Le nombre de patients hospitalisés au moins une fois a diminué de 28 % après la guérison de l’infection par le virus de l’hépatite C.

Le nombre moyen d'hospitalisations par patient et par an en médecine générale était de 1,2 avant le traitement et est passé à 0,8. La durée du séjour hospitalier en médecine générale était de 20,5 jours avant le traitement et de 16,7 jours après. De même, en psychiatrie, le nombre moyen d'hospitalisations par patient par an a diminué, allant de 1,4 à 1,2 après le traitement.

 

TLM : Comment expliquer l’impact du traitement de l’hépatite C sur les hospitalisations, notamment en psychiatrie ?

Pr Stanislas Pol : Le traitement par antiviraux réduit toutes les hospitalisations chez les patients atteints d’hépatite C et ayant un profil psychiatrique. Et cela est vrai pour les hospitalisations en psychiatrie, en médecine, en chirurgie, en gynécologie-obstétrique. Le point fondamental de cette étude c’est vraiment la baisse des hospitalisations quelle que soit la pathologie mentale dont souffrent ces patients, qu’il s’agisse de troubles addictifs, de l’humeur, de troubles névrotiques, de troubles psychotiques ou autres. La question d’un neurotropisme du virus de l’hépatite C est posée. Le traitement antiviral pourrait avoir alors un impact neuropsychiatrique chez ces patients. De manière générale, d’ailleurs, il a été montré que les bénéfices du traitement antiviral de l’hépatite C vont au-delà de la baisse du risque de cancer du foie, mais incluent aussi une réduction de la mortalité globale, du risque d’infarctus dans les trois ans qui suivent la guérison, une baisse des infections, des artériopathies... Par ailleurs, aujourd’hui, ces antiviraux d’action directe par voie orale guérissent l’hépatite C chez plus de 98 % des patients en 8 à 12 semaines. Ils sont bien tolérés et entraînent peu d’effets secondaires.

 

TLM : Quel est le message à retenir de cette étude ?

Pr Stanislas Pol : Il faut souligner que l’infection par le virus de l’hépatite C est bien plus fréquente pour les patients souffrant de troubles psychiatriques et que ceuxci doivent bénéficier d’un dépistage. Pour ces patients, non seulement le traitement par les antiviraux permet de guérir l’hépatite C, mais réduit aussi le risque d’hospitalisation, y compris en psychiatrie. Ces données doivent inciter à recommander un dépistage de l’hépatite C pour tous les patients hospitalisés en psychiatrie, voire à ceux concernés par une pathologie mentale. Un essai a d’ailleurs démarré au sein du groupe hospitalier Sainte-Anne/Maison Blanche à Paris. Près de 3,5 % des patients qui ont commencé à être dépistés dans ce contexte se sont avérés positifs pour l’hépatite C. Une nouvelle population à risque d’hépatite C vient d’être identifiée, celle souffrant d’une pathologie psychiatrique. Il faut désormais faciliter le dépistage et le traitement par les antiviraux dans ce groupe.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

* Les études BaroC et BaroC PSY ont été soutenues par Gilead Sciences et analysées par IQVIA.

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