• Pr Pierre-Yves Benhamou : Diabète : De la bonne indication des traitements injectables

Pierre-Yves Benhamou

Discipline : Cardiologie

Date : 17/01/2023


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« La France compte près de 2,5 millions de diabétiques de type 2 et environ 200 000 de type 1. Ces patients sont pour la plupart concernés par les traitements injectables : des prescriptions personnalisées passant par des outils qu’ils doivent s’approprier », recommande le Pr Pierre-Yves Benhamou, praticien hospitalier au CHU de Grenoble.

 

TLM : Peut-on dresser un rapide inventaire des principaux traitements injectables ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Aujourd’hui il existe, d’une part, les insulines (les insulines d’action lente, les insulines d’action rapide, les insulines retard…) qui permettent de traiter l’immense majorité des patients, qu’ils soient de type 1 ou de type 2. Et, depuis quelques années, nous disposons des analogues du GLP-1 (glucagon-like peptide-1), pour les diabétiques de type 2. Ce sont des hormones entéro-digestives, c’est-à-dire produites dans le tube digestif à partir de l’alimentation.

 

TLM : Et leurs indications ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Le patient diabétique de type 1 n’a pas d’autre alternative que l’insuline, qui représente son traitement de base.

Il consiste à injecter une fois par jour une insuline de type lente puis compléter avec une insuline rapide au moment des repas, soit au total trois injections.

Chez le diabétique de type 2, le schéma thérapeutique habituel est de commencer par un antidiabétique actif par voie orale. En cas de résultats insuffisants, le praticien a recours à l’insuline ou aux analogues du GLP-1.

 

TLM : Dans quel cas choisir l’un ou l’autre ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Cela dépend du contexte cardiovasculaire du patient. On doit tenir compte du poids de ce dernier, de son âge et des maladies associées. En fonction de ces éléments, nous personnalisons le traitement et orientons la thérapeutique soit vers l’insuline, soit vers des analogues du GLP-1 ou une combinaison des deux.

 

TLM : Quels sont leurs avantages et leurs limites ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Dans le diabète de type 1, l’insuline présente un caractère vital. C’est donc la seule option. Dans celui de type 2, elle est efficace pour faire baisser la glycémie. Mais elle expose à un risque d’hypoglycémie et peut entraver la perte de poids recommandée pour mieux contrôler la maladie. Les analogues du GLP-1, utilisés seuls, ne donnent pas d’hypoglycémie et favorisent une perte de poids. En effet, en ralentissant la vidange gastrique, ils procurent une sensation de satiété et diminuent l’appétit.

Mais, chez un patient sur cinq, la tolérance digestive n’est pas très bonne, avec notamment des nausées. Dans ces cas, une combinaison des deux peut être la solution.

 

TLM : Comment se répartissent les prescriptions ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Pour le type 1, c’est 100% d’insuline. Pour le type 2, il y a une tendance croissante à l’utilisation des analogues du GLP-1, qui sont la grande innovation de la dernière décennie et indiqués dans de nombreux de cas.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste dans la gestion de ces traitements ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Le diabète de type 1 est une maladie de spécialiste. Celui de type 2 relève de la médecine de proximité et donc du médecin traitant, dans la majorité des cas. Son rôle est essentiel car une prise en charge précoce est le meilleur garant pour une réponse thérapeutique durable. Elle repose avant tout sur des règles d’hygiène de vie (alimentation saine, exercice physique régulier, perte de poids) qui peuvent suffire pendant de nombreuses années. C’est lorsque l’on n’arrive pas à mettre en œuvre ces mesures que l’on a besoin d’un traitement médicamenteux. Le recours au spécialiste est justifié lors d’un changement thérapeutique majeur et/ou des comorbidités et des complications importantes.

 

TLM : Comment motiver le patient pour qu’il suive son traitement ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : L’injection se pratique en sous-cutané. Selon la molécule prescrite, elle est quotidienne ou hebdomadaire. Il est bon que le patient bénéficie d’une éducation thérapeutique pour garantir une meilleure adhésion à son traitement. Dispensée notamment par le médecin, l’infirmière ou la diététicienne, elle consiste à former le patient à l’utilisation des différents outils, à identifier ses besoins et à lui donner des clés pour mieux comprendre sa maladie et mettre en place des stratégies pour prévenir les complications.

 

TLM : Parmi les outils de surveillance, lesquels sont ceux à privilégier ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Actuellement, le standard de la surveillance de la glycémie dans le diabète de type 1 est le capteur de glucose, le CGM —système de mesure en continu.

Pour le diabète de type 2, seuls les patients nécessitant trois injections d’insuline par jour sont éligibles au remboursement de ce dispositif médical. Pourtant des données médicales suggèrent très fortement qu’à partir d’une seule injection d’insuline les patients seraient améliorés par un capteur de glucose. On espère que le cadre de son remboursement s’élargira dans les années qui viennent. C’est un outil de surveillance et motivationnel très utile.

 

TLM : Et les applications sur smartphone ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Les outils de tracking de l’activité physique, d’aide à la composition des repas, dans la connaissance des aliments à privilégier ou à éviter, sont des appoints thérapeutiques importants et utiles. Ils permettent au patient de mieux s’approprier les mesures d’hygiène de vie nécessaires à l’équilibre de son diabète.

 

TLM : Quid des dispositifs en boucles fermées, la grande innovation 2022 ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : C’est une forme de délivrance d’insuline automatisée à l’aide d’une intelligence artificielle. Elle repose sur un smartphone qui héberge l’algorithme, une pompe à insuline et un capteur de glucose. Elle s’adresse pour le moment au diabétique de type 1 et l’aide à déterminer la bonne dose d’insuline à injecter en analysant les données glycémiques, mesurées par le capteur. Pour les patients utilisant un stylo d’insuline, le système smartphone envoie un message. Et pour ceux sous pompe à insuline, le système régule automatiquement la délivrance de la pompe. Ce dispositif est également à l’étude dans le diabète de type 2.

 

TLM : Quels sont les freins à cette mise en place ?

Pr Pierre-Yves Benhamou : Pour le type 1, le système repose sur une pompe à insuline et tous les patients ne sont pas prêts à l’utiliser. Par ailleurs, les boucles fermées sont, pour l’instant, réservées aux patients présentant un diabète mal équilibré et âgés de plus de sept ans. On espère qu’à l’avenir tous les patients de type 1, quel que soit leur âge, seront équipés et remboursés.

Propos recueillis

par Bénédycte Transon de Puyraimond

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