• Pr PHE : L’éducation patient fondamentale pour l’auto-sondage urinaire

Véronique PHE

Discipline : Uro-Néphrologie

Date : 10/10/2021


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Geste visant à une vidange totale de la vessie chez des patients souffrant d’une rétention chronique d’urine, l’auto-sondage urinaire, précise le Pr Véronique Phe, urologue à l’hôpital Tenon (Paris), est conditionné par une éducation thérapeutique rigoureuse. D’autant que l’opération doit être répétée jusqu’à six fois par 24 heures...

 

TLM : Quels sont les objectifs de l’auto-sondage urinaire ?

Pr Véronique Phe : L’objectif de l’autosondage urinaire est la vidange totale de la vessie chez des patients souffrant d’une rétention chronique d’urine. Il s’agit de soulager le patient, tout en le préservant des complications de la rétention urinaire sur le haut appareil et en évitant la sonde urinaire à demeure. Pratiqué depuis plus de 40 ans, l’autosondage intermittent urinaire est la méthode de référence de drainage des urines en cas de rétention urinaire quelle qu’en soit la cause. Il peut s’agir de troubles de la vidange vésicale liée à une maladie neurologique comme la sclérose en plaques, à un obstacle cervico-prostatique, à un prolapsus génital... Cette pratique a considérablement modifié la prise en charge des patients, notamment de ceux souffrant de troubles neurologiques. Elle est fiable, bien acceptée par le patient et doit être instaurée le plus précocement possible. Il s’agit, par le biais de l’auto-sondage, d’assurer une vidange complète, pluriquotidienne de la vessie par l’introduction d’une sonde dans la vessie, via l’urètre, geste réalisé par le patient lui-même. En fonction des indications, cet auto-sondage urinaire peut-être transitoire ou définitif.

 

TLM : Tous les patients peuvent-ils bénéficier de l’auto-sondage urinaire ?

Pr Véronique Phe : Une grande majorité des patients souffrant de rétention d’urines peuvent en bénéficier, à condition que l’on ait mis en place à leur intention une solide éducation thérapeutique. Un entretien vise à apprécier la capacité du patient à pratiquer cet auto-sondage. Cet échange préalable entre le patient et l’équipe soignante vise d’abord à évaluer ses connaissances, ses conditions de vie, son état fonctionnel, ses difficultés d’apprentissage, notamment ses éventuels troubles cognitifs ou dépressifs, à analyser ses blocages psychologiques ou socioculturels. Le cathétérisme urétral peut apparaître, ou devenir, impossible ou inacceptable pour certains patients lorsqu’il existe une limitation fonctionnelle des membres supérieurs, des troubles cognitifs importants, une impossibilité d’atteindre l’urètre de façon autonome, des lésions et des douleurs urétrales. Les hétéro-sondages peuvent être alors proposés mais ne permettent pas de préserver l’autonomie du patient.

 

TLM : En pratique comment cela se passe-t-il ?

Pr Véronique Phe : La réalisation des auto-sondages obéit à des règles simples, une fois la technique acquise par le patient. Il en réalise en moyenne cinq à six par période de 24 heures. Les apports hydriques doivent être répartis régulièrement tout au long de la journée. La fréquence doit être modulée en cas de récupération d’une sensation fiable de besoin mictionnel ou en cas d’augmentation des apports hydriques dans certaines circonstances. La technique de l’auto-sondage est simple, mais doit être rigoureuse. La formation du patient, je le répète, est fondamentale. Il n’est pas nécessaire d’utiliser des gants stériles. Les mains doivent être lavées à l’eau et au savon liquide. Le sondage peut être réalisé en position debout, assise ou couchée. La toilette péri-méatique se fait avec des lingettes sans alcool. Il faut proscrire la toilette périnéale par antiseptiques à chaque sondage, agressive pour les muqueuses. De surcroît, elle ne réduit pas les infections urinaires.

 

TLM : Comment se fait l’apprentissage ?

Pr Véronique Phe : Cet apprentissage se déroule au sein d’un service d’urologie lors d’une consultation, d’une hospitalisation de jour ou de semaine. L’objectif est d’apprendre au patient à être capable d’introduire la sonde dans l’urètre, en position assise ou couchée, afin qu’il soit autonome dans toutes les situations ou les lieux (toilettes publiques, travail, domicile). Outre l’acquisition de la technique, le patient doit comprendre sa maladie, les objectifs et les bénéfices de l’auto-sondage. La femme en particulier doit apprendre à repérer son méat urétral au doigt ou à l’aide un miroir placé sur la jambe. Chez l’homme, il vaut mieux utiliser des sondes hydrophiles autolubrifiées pour prévenir les traumatismes de l’urètre. Il est aussi impératif de maintenir une diurèse d’au moins 1,5 litre par jour. Si le volume est trop faible, le patient s’expose à une stagnation de l’urine prolongée dans la vessie, avec un risque de colonisation bactérienne et d’infection urinaire. Il faut vraiment s’assurer des capacités du patient à réaliser le geste et suivre son traitement, car la vidange régulière et complète est indispensable pour éviter les complications.

 

TLM : Existe-t-il un risque de complications ?

Pr Véronique Phe : Le risque d’infection, variable selon les évaluations des différentes études, dépend des techniques de cathétérisme intermittent, des types de sondes utilisées, des critères utilisés pour définir l’infection. Il est indispensable de différentier une infection urinaire d’une colonisation. La colonisation est très fréquente puisqu’elle est présente chez 70 à 80 % des patients pratiquant le sondage intermittent. En revanche, une infection urinaire est définie par l’association de critères cytobactériologiques et de symptômes. Il n’est recommandé de ne traiter que les infections urinaires symptomatiques. Dans ce cas, le traitement court n’est pas recommandé. En cas de prostatite la durée d’antibiothérapie sera prolongée. Les fausses routes urétrales sont rares, observées chez 3 à 5 % des hommes et exceptionnelles chez la femme. À terme, elles peuvent se compliquer de sténoses urétrales, de plaie de la paroi de l’urètre, voire d’urétrocèle. Les urétrorragies sont devenues exceptionnelles et surviennent plus fréquemment chez les patients s’auto-sondant depuis longtemps. Il convient alors de rechercher une fausse route associée.

 

TLM : Quels sont les facteurs qui limitent l’auto-sondage ?

Pr Véronique Phe : L’âge et le sexe ne sont pas des facteurs limitants. En revanche, le patient doit avoir une dextérité manuelle suffisante, être capable de préparer le matériel, de manipuler la sonde, de l’insérer dans l’urètre et d’effectuer la vidange vésicale. Certaines limites sont d’ordre anatomique comme la surcharge pondérale ou encore les déformations du rachis ou de la verge.

Propos recueillis par

le Dr Martine Raynal

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