• Pr PHAM : Traiter les formes sévères et résistantes du rhumatisme psoriasique

Thao PHAM

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 10/10/2021


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La première ligne de traitement des formes sévères du rhumatisme psoriasique reste le méthotrexate, rappelle le Pr Thao Pham, rhumatologue à l’AP-HM (Assistance publique hôpitaux de Marseille). En cas de résistance à ce traitement de fond, on associera des biothérapies pour une plus grande efficacité.

 

TLM : Comment définit-on les formes sévères de rhumatisme psoriasique ?

Pr Thao Pham : Le psoriasis cutané touche 2 à 3 % et le rhumatisme psoriasique 0,3 % de la population générale. Ce rhumatisme est hétérogène dans sa présentation. Cette symptomatologie hétéroclite rend le diagnostic compliqué, d’autant que parfois les lésions cutanées sont minimes et la symptomatologie articulaire au premier plan. Or ce sont ces lésions cutanées qui permettent en général d’orienter le diagnostic. La grande spécificité du rhumatisme psoriasique c’est qu’il peut détruire aussi bien des petites articulations des mains ou des pieds que des grosses articulations comme celle de la hanche. Les formes sévères de rhumatisme psoriasique sont caractérisées par des poussées fréquentes associées à des destructions articulaires. Elles surviennent chez des patients qui restent symptomatiques malgré les traitements et dont l’état se dégrade progressivement. Par ailleurs, ces formes sévères sont souvent associées à des complications cardiovasculaires. Les malades souffrant de rhumatisme psoriasique sévère présentent un risque accru de syndrome métabolique et d’obésité, facteurs favorisant les maladies cardiovasculaires.

 

TLM : Les formes sévères sont-elles fréquentes ?

Pr Thao Pham : Il n’existe pas de chiffres concernant le nombre de patients souffrant de formes sévères. Dans mes consultations, par exemple, tous les malades présentent des formes sévères. Mais, évidemment, il y a un biais de sélection. Les patients ne souffrent pas en général de forme grave d’emblée. C’est au cours de l’évolution de la maladie que la sévérité des lésions apparaît.

 

TLM : Quel traitement en cas de rhumatisme psoriasique sévère ?

Pr Thao Pham : Le premier traitement pour les patients atteints de rhumatisme psoriasique c’est le méthotrexate. C’est celui qui est recommandé et celui qui a le meilleur rapport bénéfice/risque. En outre, ce traitement de fond est efficace à la fois contre les lésions cutanées et contre les atteintes articulaires. Avec ce médicament, la majorité des patients souffrant de rhumatisme psoriasique parviennent à être en rémission. L’objectif reste le maintien à long terme de la rémission avec le méthotrexate pour arrêter les poussées et empêcher la destruction des articulations. A priori, il s’agit d’un traitement à prendre à vie, avec les doses efficaces les plus faibles possibles. Malgré le traitement de fond, les patients présentent parfois encore des poussées inflammatoires fréquentes qui menacent l’articulation, avec un risque d’érosion, de destruction. Nous avons la chance aujourd’hui de disposer d’un arsenal thérapeutique pour traiter les formes sévères résistantes à ce traitement de fond, arsenal qui repose sur les traitements ciblés, biothérapies et anti-JaKi.

 

TLM : Quelles thérapies préconiser pour les formes sévères ?

Pr Thao Pham : Concernant les biothérapies, il existe trois grandes familles de médicaments biologiques indiquées contre le rhumatisme psoriasique, les anti-TNF alpha, les anti-interleukines 17 et les anti-interleukines 23. Ces médicaments fonctionnent contre les deux types d’atteintes, cutanées et articulaires. D’autres médicaments sont également en cours d’évaluation. Quelle biothérapie choisir ? Des études ont comparé l’efficacité des anti-IL17 avec les anti-TNF alpha. A priori, les anti-IL17 sont supérieures contre les lésions cutanées, mais les deux molécules ont des effets similaires sur l’atteinte articulaire. Il n’y a pas eu d’essais comparant les autres médicaments entre eux. Avec les biothérapies et les anti-JaKi, nous disposons de moyens thérapeutiques intéressants. Les anti-JaKi inhibent l’activité de cytokines inflammatoires et sont prescrits lorsque les biothérapies sont inefficaces ou contre-indiquées. Mais nous n’avons pas encore de facteurs de prédiction d’efficacité pour choisir le traitement le mieux adapté pour un patient donné. Dans les années qui viennent des données d’efficacité et de tolérance en fonction du profil personnalisé du patient permettront de hiérarchiser les choix thérapeutiques.

 

TLM : Le méthotrexate peut-il être associé aux biothérapies ?

Pr Thao Pham : Aujourd’hui le traitement de première ligne c’est le méthotrexate. Si cela n’est pas suffisant, les biothérapies sont prescrites, en commençant en général par les anti-TNF alpha, car ce sont les médicaments pour lesquels nous avons le plus de recul. Si les anti-TNF alpha sont inefficaces pour mettre le patient en rémission, d’autres traitements biologiques ou ciblés seront prescrits. Dans les essais thérapeutiques, il a été montré, pour les patients atteints de formes sévères, que les biothérapies seules étaient aussi efficaces qu’associées au méthotrexate. Dans les études de cohorte cependant, il apparaît que les résultats sont meilleurs lorsque les patients bénéficient de l’association biothérapie/méthotrexate. Dans certaines situations le maintien du méthotrexate est justifié. Malgré ces schémas thérapeutiques, il existe encore des patients résistants au traitement. Des stratégies d’associations de thérapies ciblées sont en cours d’évaluation. Les résultats de ces associations ont déjà montré leur intérêt dans d’autres maladies inflammatoires chroniques, notamment digestives.

 

TLM : Quel est le rôle des médecins généralistes face à cette maladie ?

Pr Thao Pham : Les généralistes ont toute leur place dans la gestion de cette pathologie. L’association fréquente de cette maladie rhumatismale inflammatoire avec des atteintes cardiovasculaires donne aux généralistes une place privilégiée dans la prise en charge des risques cardiaques. Et cette prise en charge ne doit pas être seulement médicamenteuse. Elle passe aussi par l’activité physique qui est bénéfique contre les facteurs de risque cardiaque, mais aussi pour les articulations. La kinésithérapie, l’exercice physique, les recommandations nutritionnelles pour lutter contre l’obésité, si nécessaire, sont indispensables pour le patient atteint de rhumatisme psoriasique, en particulier contre les formes sévères.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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