• Pr PEYRIN-BIROULET : La supériorité des combinaisons de biothérapies dans les MICI

Laurent PEYRIN-BIROULET

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 11/04/2022


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Des études récentes montrent l’avantage d’associer plusieurs molécules de biothérapie apparues ces dernières années dans la prise en charge des MICI. Entretien avec le Pr Laurent Peyrin-Biroulet, professeur-adjoint dans le service d’Hépato-Gastroentérologie du CHU Nancy, président de la société européenne ECCO (European Crohn’s and Colitis Organization).

 

TLM : Quelles sont les actualités les plus récentes concernant la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ?

Pr Laurent Peyrin-Biroulet : Cette année, l’actualité médicale concernant les MICI a été presqu’entièrement dominée par des sujets thérapeutiques. Il y a eu assez peu de nouvelles découvertes sur le diagnostic, qu’il s’agisse d’imagerie ou de biologie. En revanche, on assiste à une explosion des données concernant des nouvelles molécules, des nouveaux essais cliniques. Les 20 dernières années ont été nettement marquées par l’arrivée des biothérapies et notamment des anti-TNF alpha (infliximab, adalimumab) qui ont révolutionné la prise en charge de la maladie. Mais, au cours des cinq dernières années, c’est un véritable feu d’artifices en termes d’innovation avec beaucoup de nouvelles molécules, à évaluer, à comparer, à utiliser en association, ou même — éventuellement — de manière séquentielle.

 

TLM : Donc de nombreuses innovations thérapeutiques...

Pr Laurent Peyrin-Biroulet : Certes, mais la grande nouveauté dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin consiste dans le développement des associations de biothérapies. Au cours des dernières années, les prescriptions portaient soit sur une biothérapie soit sur les anti-JAK, éventuellement sur des immunosuppresseurs et des corticoïdes. Ces traitements ont vraiment changé la vie des patients.

Cependant, avec un traitement basé sur une seule biothérapie ou un seul anti-JAK, il est apparu que le taux de rémission profonde et à long terme ne dépassait pas 20 %. D’où l’idée d’associer entre elles deux biothérapies afin d’augmenter les taux de rémission. Nous avons récemment enregistré plusieurs résultats intéressants. Par exemple, un essai a associé deux biothérapies, un anti-TNF (golimumab) avec un bloqueur de l’IL-23 (guselkumab), il s’agit de l’essai VEGA. Les résultats montrent que dans la rectocolite hémorragique, l’association des deux médicaments est plus efficace qu’une seule biothérapie. Ces études portent sur quelques centaines de patients. Et nous ne disposons pas pour l’instant de données à long terme sur la tolérance de ces associations. Mais il y a clairement un effet additif, avec une augmentation des rémissions profondes.

Mais, je le répète, nous n’avons pas encore de données de tolérance sur des milliers de patients. Des essais d’association sont en cours aussi dans la maladie de Crohn. Pour l’instant, ces associations concernent les essais cliniques. Mais chez des patients, au cas par cas, il est possible d’envisager de les prescrire dans les centres experts.

 

TLM : Quelles sont les autres actualités concernant les MICI ?

Pr Laurent Peyrin-Biroulet : Outre les associations de molécules, des essais cliniques pour comparer entre elles de manière directe, en face/face, les molécules de biothérapie ont été menés. La comparaison des médicaments est importante pour le positionnement et le remboursement des molécules. En France, contrairement à ce qu’il en est dans d’autres pays, pour qu’un médicament soit remboursé en première ligne, il doit être supérieur, dans des essais cliniques, à la molécule de référence. Ainsi, l’essai Varsity a permis de conclure que dans la rectocolite hémorragique, le vedolizumab était supérieur à l’adalimumab, en termes d’efficacité clinique. Dans l’essai Seavue, en revanche, l’ustekinumab s’est avéré équivalent aux anti-TNF alpha (adalimumab) dans la maladie de Crohn.

 

TLM : Vous avez évoqué aussi l’arrivée de nouvelles molécules...

Pr Laurent Peyrin-Biroulet : Oui, la troisième nouveauté, c’est l’arrivée de molécules innovantes. Trois nouvelles familles de médicaments ont récemment fait l’objet d’essais cliniques. Les bloqueurs spécifiques de l’Interleukine 23, guselkumab, risankizumab, et mirikizumab. Les molécules sélectives anti-JAK 1 : upadacitinib et filgotinib, et les molécules sélectives S1P, etrasimod et ozanimod. Il faudra maintenant préciser leur place dans l’arsenal thérapeutique et définir leurs indications.

 

TLM : Existe-t-il des innovations dans les stratégies de suivi ?

Pr Laurent Peyrin-Biroulet : Un autre sujet majeur d’actualité, c’est la prise en charge à domicile. La grande nouveauté c’est que la surveillance de la maladie peut se faire à la maison, via une application, grâce au dosage à domicile dans les selles de la calprotectine fécale. Cette protéine, en cas d’inflammation de la muqueuse intestinale, se retrouve dans les selles. Le dosage de la calprotectine fécale est un marqueur de réponse au traitement.

L’autre nouveauté c’est que la totalité des biothérapies peuvent désormais être administrées par voie sous-cutanée, donc à domicile en traitement d’entretien. Il en résulte une grande amélioration pour les malades, un meilleur confort pour les patients, avec une efficacité équivalente.

 

TLM : De manière globale, l’année 2021 a été riche en progrès dans la prise en charge de ces maladies...

Pr Laurent Peyrin-Biroulet : Effectivement, le diagnostic est mieux posé et le traitement s’affine de plus en plus. Et, surtout, il est possible de changer de molécule si nécessaire, voire désormais de les associer. Grâce à cette prise en charge globale, le pronostic et la vie des patients ont été transformés par rapport à ce qu’il en était il y a vingt ans. L’ensemble de la prise en charge globale de la maladie a bénéficié d’une évolution majeure. Il est possible de diagnostiquer plus tôt, de traiter plus tôt, avec des traitements plus efficaces. Nous avons vraiment changé la vie quotidienne des patients et nous continuons à le faire.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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