Pr PENFORNIS : Les bénéfices décisifs de l’autosurveillance glycémique
Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition
Date : 10/10/2021
L’autosurveillance glycémique, indispensable chez les diabétiques de type1 et fortement recommandée chez de nombreux diabétiques de type 2, ne va pas sans une formation des patients, prévient le Pr Alfred Penfornis, diabétologue au Centre hospitalier Sud Francilien (Corbeil-Essonne). Ni sans une pédagogie à l’intérêt de cette pratique...
TLM :En quoi consiste l’autosurveillance glycémique ?
Pr Alfred Penfornis : Chez des patients traités par insulinothérapie intensifiée (pompe à insuline ou multi-injections) et réalisée par le patient lui-même, l’autosurveillance glycémique consiste à vérifier, au moins six fois par jour, son taux de glucose sanguin : avant les trois principaux repas, entre deux repas et au coucher ; mais aussi dans différentes situations de la vie courante : avant, pendant et après une activité physique, avant et pendant la conduite d’un véhicule, avant un entretien important... C’est un des principaux éléments de contrôle de l’équilibre glycémique puisqu’elle permet de vérifier l’impact des différents éléments du traitement sur la glycémie et de procéder aux ajustements nécessaires, mais aussi de détecter et de traiter sans délai toute variation de ce paramètre —hypoglycémie ou hyperglycémie—, et d’agir en prévention. Il s’agit d’une démarche active, qui nécessite l’implication du patient ; par conséquent, sa prescription doit aller de pair avec son éducation thérapeutique : il est indispensable que le diabétologue prenne le temps d’en expliquer les enjeux, le moment et la fréquence des mesures, les objectifs glycémiques et les décisions thérapeutiques qu’il devra prendre en fonction des résultats.
TLM : Est-elle indiquée pour tous les diabétiques ?
Pr Alfred Penfornis : Oui, mais avec des modalités différentes selon le type de diabète et selon la situation. L’autosurveillance est ainsi systématiquement prescrite aux personnes vivant avec un diabète de type 1, tandis qu’elle n’est proposée qu’à certains patients atteints d’un diabète de type 2 : ceux déjà traités par insuline, ceux pour lesquels un tel traitement est prévu à court terme, ceux traités par insulinosécréteurs, ceux dont l’HbA1c n’est pas à l’objectif individualisé et, enfin, les femmes enceintes atteintes d’un diabète gestationnel.
TLM : Quels sont les dispositifs disponibles pour réaliser une autosurveillance glycémique ?
Pr Alfred Penfornis : Les patients traités par insulinothérapie intensifiée ont le choix entre l’autosurveillance à partir d’une goutte de sang capillaire prélevée à l’extrémité d’un doigt grâce à un autopiqueur, ou l’autosurveillance par mesure du glucose interstitiel au moyen du système flash. Les dispositifs conçus avec ce système se composent de deux éléments : une électrode fixée à l’arrière du bras qui mesure le taux de glucose dans le liquide interstitiel toutes les minutes pendant 14 jours, et un lecteur (ou un smartphone via une application) qui scanne le résultat et donne la dernière mesure de glycémie, la tendance d’évolution, ainsi que l’historique sur huit heures. Ces données permettent de réagir en temps réel : corriger une hyperglycémie ou prévenir une hypoglycémie.
TLM : Quels sont les avantages de ces dispositifs ?
Pr Alfred Penfornis : Selon plusieurs travaux, les diabétiques qui pratiquent une autosurveillance glycémique par mesure en continu du glucose interstitiel passent beaucoup moins de temps en hypoglycémie que ceux qui se piquent le bout du doigt. Une étude française, réalisée à partir des données de l’Assurance maladie, a également montré que le recours à ce type de dispositifs entraînait une baisse spectaculaire des hospitalisations pour acidocétose et présentait, par conséquent, un intérêt médico-économique majeur. Le système flash a également l’avantage de fournir un grand nombre de données ; s’ils le souhaitent, les patients peuvent les partager avec leur médecin et/ou participer à un programme de télésurveillance. Enfin, certains modèles leur offrent la possibilité de programmer une alarme seuil pour être avertis en cas d’hypo ou d’hyperglycémie : c’est une sécurité supplémentaire pour ceux qui ne ressentent pas les hypoglycémies.
TLM : Ce type de dispositifs a dû détrôner l’autopiqueur...
Pr Alfred Penfornis : La plupart des patients éligibles à l’autosurveillance glycémique ont en effet abandonné le prélèvement capillaire, relativement douloureux quand le geste est répété plusieurs fois par jour, au profit d’un système d’automesure continue du glucose. Mais pas tous... Certains, en particulier les jeunes ou les adolescents, craignent d’être stigmatisés ou refusent qu’un dispositif leur rappelle leur diabète ; d’autres ont horreur du changement. Sans pour autant les forcer, il suffit parfois de les inviter à essayer ce dispositif pour que, finalement, ils l’adoptent volontiers !
TLM : Qui en est le prescripteur ?
Pr Alfred Penfornis : Le médecin généraliste peut prescrire le matériel d’autosurveillance de la glycémie par prélèvement d’une goutte de sang qui comprend un autopiqueur et un lecteur de glycémie. En revanche, c’est au diabétologue qu’incombe la prescription initiale, pour trois mois, du système d’automesure continue du glucose par système flash, ainsi que son premier renouvellement ; les suivants peuvent être assurés par le médecin traitant. En cas d’autosurveillance de la glycémie par prélèvement d'une goutte de sang, l’Assurance maladie rembourse un autopiqueur tous les ans et un lecteur de glycémie tous les quatre ans (deux fois plus chez les enfants) ; en cas d’autosurveillance par mesure du glucose interstitiel, elle rembourse un capteur toutes les 6 à 14 jours selon les dispositifs.
TLM : À quel rythme faut-il procéder à un dosage biologique de sa glycémie et de son hémoglobine glyquée ?
Pr Alfred Penfornis : Le seul intérêt du dosage de la glycémie est diagnostique ; il ne présente donc pas d’intérêt chez un patient qui pratique l’autosurveillance glycémique. L’intérêt du dosage de l’HbA1C tous les trois mois suscite, en revanche, un débat : la question sur le meilleur marqueur prédictif de complications n’est pas complètement tranchée. Mais il est vraisemblable que la moyenne glycémique obtenue par l’autosurveillance glycémique suffise et que le dosage de l’HbA1C soit amené à disparaître.
TLM : Le rôle des médecins généralistes semble assez limité...
Pr Alfred Penfornis : Il est limité chez les patients recevant une insulinothérape intensifiée dont le suivi relève du diabétologue. En revanche, il est majeur chez les patients ayant un DT2 jusqu’au stade de traitement par insuline basale inclus. Leur rôle est d’expliquer les données obtenues ainsi que les mesures à prendre en fonction des résultats ; malheureusement, ils sont très peu formés à la prescription de l’autosurveillance glycémique. Des avancées pourraient être apportées par les infirmières spécialisées ou de pratique avancée : de plus en plus nombreuses dans les maisons de santé pluriprofessionnelles, elles pourraient assurer cette formation.
Propos recueillis
par Charlotte Montaret ■