• Pr PENFORNIS : Insulia, la télésurveillance assortie d’une approche humaine

Alfred PENFORNIS

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 10/01/2022


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La solution de télésurveillance Insulia, qui vise l’équilibre glycémique des patients ayant un diabète de type 2 traité par insuline basale seule, repose sur les informations renseignées par le patient dans l’application et beaucoup aussi sur le suivi mensuel par une infirmière référente. Les explications du Pr Alfred Penfornis, chef du service Endocrinologie du CHSF de Corbeil-Essonnes et de Morgane Barjo, infirmière « référente télésurveillance » dans ce même service.

 

Insulia est une application couplée à un accompagnement téléphonique ; elle est destinée aux patients ayant un diabète de type 2 et qui viennent d’être mis sous insuline basale, ou dont le diabète reste déséquilibré malgré ce traitement, pour les aider à adapter la dose en fonction de leur glycémie. Concrètement, les patients téléchargent l’application Insulia sur leur smartphone. Ils y renseignent tous les matins leur glycémie, leurs éventuelles hypoglycémies et, accessoirement, le taux d’hémoglobine glyquée s’ils ont effectué un dosage récemment. Le logiciel recommande la dose d’insuline à injecter, en fonction de ces données. Un entretien téléphonique une fois par mois avec une infirmière d’éducation thérapeutique complète le dispositif.

« Nous utilisons cette solution depuis deux ans dans le service et 30 à 40 patients en bénéficient en permanence. Les études dans la vraie vie montrent qu’il est difficile d’équilibrer le diabète et que les patients ont beaucoup de mal à adapter leur dose d’insuline, en particulier dans les premiers mois après la mise sous traitement, période cruciale pour obtenir l’équilibre recherché. Ils ont besoin, au moins au début, d’un accompagnement régulier que l’organisation du système de soins actuel ne permet pas, expliquent de concert le Pr Alfred Penfornis, endocrinologue, diabétologue, professeur à l’université Paris-Saclay et chef du service d’Endocrinologie du Centre hospitalier Sud Francilien (Corbeil-Essonnes), et Mme Morgane Barjo, infirmière « référente télésurveillance ». Le traitement du diabète de type 2 par insuline est une démarche très particulière. Le patient doit lui-même surveiller sa glycémie, décider de changer la dose et équilibrer son traitement. Beaucoup de peurs et de croyances circulent autour de l’insuline. Insulia constitue une aide au patient ; l’application produit de très bons résultats dans la recherche d’un équilibre glycémique. »

Un bilan très satisfaisant dans ce domaine selon les médecins et infirmières qui en ont l’expérience. « Nous disposerons bientôt d’une vision complète, puisqu’une jeune médecin va réaliser une thèse détaillée sur le bilan de cet outil. Nous pouvons néanmoins vous dire que nous avons un bon retour d’expérience de nos patients. Certains — et c’est la majorité — sont très assidus. Ils renseignent quotidiennement leur glycémie et suivent les recommandations de doses proposées. Ils affirment se sentir bien encadrés. Et, assez rapidement, ils apprennent à contrôler le traitement, parviennent à un équilibre glycémique optimal et à l’objectif fixé au départ pour la glycémie à jeun », poursuit le Pr Penfornis. Pour quelques patients, c’est un peu plus compliqué, car ils ne respectent pas le protocole, ne saisissent pas leur taux de sucre dans l’application régulièrement et, dans ce cas, il est plus difficile d’atteindre l’équilibre glycémique. Cette activité s’inscrit dans le cadre d’un programme de télésurveillance dit Etapes lancé par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Les patients sont vus à l’hôpital, en consultation ou en hospitalisation, pour un diabète de type 2 nécessitant un traitement par insuline basale. Le médecin propose alors la solution Insulia, avec un encadrement par des infirmières d’éducation thérapeutique. En parallèle, Sanofi a mis en place la plateforme médicale Bien-Etre Assistance (BEA), à destination des patients suivis en ville, et qui utilise l’outil Insulia. Les médecins généralistes qui prennent en charge de tels patients peuvent donc aussi le prescrire, grâce à cette plateforme. Les patients ayant un diabète de type 2 même mis sous insuline basale n’ont pas vocation à aller forcément à l’hôpital, mais il convient de les accompagner dans tous les cas pour qu’ils soient en capacité de maîtriser le traitement.

Un pas vers l’autonomie. « Insulia permet aux patients de devenir autonomes. L’accompagnement téléphonique les rassure, ils ne se sentent plus seuls pour gérer leur glycémie, décrit Morgane Barjo. Il s’agit d’un rendez-vous téléphonique programmé une fois par mois : l’infirmière d’éducation thérapeutique examine les résultats biologiques, appelle les patients, discute avec eux et cela peut durer entre cinq minutes et une heure. Lors de cette consultation, elle les questionne sur leur santé, leur alimentation, l’exercice physique, vérifie si le système a bien fonctionné. Indépendamment du rendez-vous fixé une fois par mois, les patients peuvent contacter les infirmières à d’autres moments si nécessaire. » Pour un patient ayant un diabète de type 2, passer d’un traitement par voie orale en comprimés à des injections à se faire soi-même peut bouleverser la vie du tout au tout. « Petit à petit, grâce à l’application et au suivi téléphonique, le patient devient vraiment acteur de sa santé. Certains malades sont isolés et profitent aussi de ces appels pour aborder des sujets personnels », précise Morgane Barjo. Le diabète de type 2 touche souvent des personnes issues de milieux défavorisés souffrant d’isolement social. Le contact téléphonique devient alors structurant, rassurant et encourageant. Ce support les motive pour suivre leur traitement et bien équilibrer leur diabète. Les patients bénéficient du programme Insulia pour six mois. Il est possible de le renouveler.

Aller plus loin dans la télésurveillance. « Du point de vue du médecin, ce système assure un suivi régulier, tout en offrant une autonomie au patient. Le système est fiable, à condition que les patients renseignent leur glycémie chaque jour, ainsi que les informations sur leurs hypoglycémies, analyse le Pr Penfornis. Une des limites, c’est la nécessité pour le patient de rentrer ses données manuellement. Si l’application était connectée directement au lecteur de glycémie, l’observance serait améliorée. Le système est totalement fiable. Il peut apparaître un peu frileux. Mais la priorité, c’est la sécurité pour éviter les hypoglycémies, tout en contrôlant la glycémie. » Les médecins souhaitent pérenniser ce genre de dispositif pour d’autres pathologies chroniques. « Il faut aller plus loin dans le domaine de la télésurveillance. Combiner, au sein de structures ad hoc, accueil des patients et accompagnement à distance. Notre approche est humaine, explique le Pr Penfornis. L’outil analyse les données, mais repose surtout sur un accompagnement humain. »

Dr Clémence Weill

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