• Pr Paul Loubet : Infections à VRS : Prévention et prise en charge chez l’adulte

Paul Loubet

Discipline : Pneumologie

Date : 10/01/2024


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Causée par un virus à tropisme respiratoire, l’infection à VRS touche des sujets aux âges extrêmes de la vie et serait à l’origine de 25 000 hospitalisations et 2 000 décès par an chez les plus de 60 ans.

Comme pour la grippe saisonnière ou le Covid, outre les mesures d’hygiène barrières, la prévention passe par la vaccination.

 

Entretien avec le Pr Paul Loubet, chef du service de Maladies infectieuses du CHU de Nîmes.

 

TLM : Les infections par le virus respiratoire syncytial (VRS) sont-elles fréquentes chez l’adulte ?

Pr Paul Loubet : Il est difficile d’avoir des chiffres, car ces infections sont mal surveillées chez l’adulte. Il n’y a pas de surveillance organisée, pas de recommandations pour rechercher ce virus systématiquement en cas de symptômes d’infection respiratoire de l’adulte. Il est donc difficile d’identifier la part du VRS dans ces infections.

Cependant, le dépistage par PCR triplex sur écouvillon nasopharyngé pour rechercher à la fois le virus de la grippe, du Covid et du VRS dans les services d’urgence se sont développés depuis un an environ. Et cela va permettre d’améliorer l’épidémiologie.

Selon les estimations les plus récentes, il y aurait chaque année, en France, chez les plus de 60 ans, 300 000 cas d’infections à VRS, 25 000 hospitalisations liées à ce virus et 2 000 décès. Le VRS, un virus à tropisme respiratoire, est l’agent principal de la bronchiolite, chez l’enfant de moins de deux ans. En grandissant, les enfants se réinfectent, mais les principales complications surviennent chez les nouveaunés et les nourrissons. L’immunité acquise par l’infection dure deux ou trois ans. En réalité, le VRS pose des problèmes aux âges extrêmes de la vie, chez les bébés et les personnes âgées ou encore chez des patients fragiles ou immunodéprimés.

 

TLM : Les symptômes liés à l’infection à VRS sont-ils spécifiques chez les plus de 60 ans ?

Pr Paul Loubet : Les symptômes du VRS chez l’adulte sont similaires à ceux des autres infections virales respiratoires, grippe ou Covid. Le VRS peut entraîner des symptômes de gravité variable en fonction de l’âge et de l’état de santé du patient. Il peut s’agir de rhinorrhée, fièvre, myalgies, arthralgies, toux.

Dans les formes plus graves, l’infection peut se compliquer d’une pneumonie virale ou d’une surinfection bactérienne. Le VRS peut aussi conduire à la décompensation d’une BPCO ou d’un asthme. Il a été montré que les infections à VRS peuvent être associées à des complications extra-respiratoires, décompensation cardiaque chez les patients souffrant au préalable d’une pathologie cardiaque chronique, augmentation du risque d’infarctus ou d’AVC, confusion, perte d’autonomie… Ces complications ont été démontrées chez les plus de 65 ans atteints de VRS, comme elles ont déjà été observées chez les patients atteints de grippe ou de Covid. Plus on avance en âge, plus le risque de formes sévères augmente.

 

TLM : Le virus VRS est-il stable ou mute-t-il facilement ?

Pr Paul Loubet : C’est un virus assez stable. Il en existe deux types, le VRS-A et le VRS-B. En général les deux sous-types circulent en même temps et donnent les mêmes symptômes. Ces virus ont une circulation saisonnière, à la fin de l’automne avec un pic en décembre-janvier. La transmission se fait par voie respiratoire en général, comme pour le virus de la grippe ou celui du Covid.

 

TLM : Existe-t-il un traitement spécifique ?

Pr Paul Loubet : La prise en charge est avant tout symptomatique pour les formes légères. Lorsque les symptômes respiratoires sont plus graves une hospitalisation peut s’imposer, parfois en réanimation. La prévention repose notamment sur les gestes barrières, port du masque, hygiène des mains, aération des locaux. Il existe désormais depuis peu plusieurs vaccins contre le VRS destinés spécifiquement aux personnes âgées ou fragiles. Deux d’entre eux ont d’ailleurs bénéficié récemment d’une autorisation de mise sur le marché. Ces vaccins sont destinés au plus de 60 ans, quelles que soient leurs comorbidités et même s’ils sont en bonne santé. Deux de ces vaccins sont des vaccins protéiques, l’un avec un adjuvant l’autre sans. Un troisième vaccin à ARN messager est en cours d’évaluation.

 

TLM : Quelle est l’efficacité de ces vaccins ?

Pr Paul Loubet : L’efficacité des vaccins ayant obtenu une AMM a été démontrée dans des essais cliniques de phase 3, randomisés contre placebo chez des patients âgés de plus de 60 ans, comportant plus de 10 000 personnes dans chaque bras. Les résultats de ces essais publiés en 2023 dans le New England Journal of Medicine font état à la fois d’une bonne efficacité et d’une bonne tolérance. L’efficacité des deux vaccins disponibles est équivalente. Ils permettraient de prévenir les infections respiratoires basses à VRS, bronchites, pneumonies, dans environ 70 à 85 % des cas. Les études se poursuivent pour évaluer la durée de la réponse au vaccin et voir si l’efficacité persiste pour les saisons ultérieures. En France, les recommandations de la Haute Autorité de santé sur la vaccination des personnes âgées contre le VRS devraient être bientôt publiées. Un de ces vaccins est déjà disponible en France dans les pharmacies. Dans l’attente des recommandations de la Haute Autorité de santé, il n’est pas encore remboursé.

Ces vaccins représentent une innovation majeure contre les infections à VRS des personnes de plus de 60 ans pour réduire la morbidité et la mortalité liées à ces virus. Un de ces vaccins a également reçu une autorisation de mise sur le marché européenne chez la femme enceinte dans le but de protéger les nouveau-nés et les nourrissons des complications graves liées au VRS.

 

TLM : Peut-on prévenir toutes les autres infections respiratoires graves des plus de 60 ans ?

Pr Paul Loubet : La prévention des infections respiratoires graves chez les personnes âgées ou vulnérables passe par le respect des mêmes mesures barrières, en particulier en période d’épidémie. Ces mesures bien appliquées sont efficaces. Par ailleurs, la vaccination est une stratégie qui a fait la preuve de son efficacité contre la grippe et le Covid. Pour les plus de 65 ans, il est recommandé contre le Covid de faire un rappel tous les six mois, voire un rappel tous les trois mois chez les plus de 80 ans. Enfin, il existe un vaccin contre le pneumocoque qui réduit le risque de pneumonie à pneumocoques et qui peut être prescrit chez tous les adultes souffrant de pathologies chroniques, quel que soit leur âge.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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